Jeudi 15 septembre la Banque Centrale européenne a décidé en coordination avec les banques centrales des USA, d’Angleterre, du Japon, et de Suisse de conduire entre octobre et décembre trois opérations de prêts en dollars à taux fixe d’une durée de trois mois de façon à fournir aux banques européennes autant de dollars qu’elles le voudront. Les banques centrales britannique et suisse prévoient de mener des opérations de prêts à trois mois en dollars en simultané avec la BCE. La Banque du Japon, qui a déjà des opérations en dollars à trois mois, en ajoutera une. La banque centrale des Etats Unis (la FED) n’offrira pas elle-même des prêts à trois mois aux banques aux Etats-Unis, mais elle maintient en activité les lignes de crédit en dollars qu’elle met à la disposition des banques centrales concernées.
La mesure a été très bien accueillie par les investisseurs. Le cours des valeurs bancaires européennes qui subit une chute massive depuis plusieurs mois a augmenté en moyenne de 3,7 % le jour même de l’annonce de l’opération.
Décryptage
Des tensions sur le marché interbancaire
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Certaines banques ont chaque jour de besoins de liquidités en fonction des échéances de leurs prêts ou des besoins de leur clientèle. D’autres banques (ou institutions financières) ont des disponibilités qu‘elles peuvent prêter pour de courtes périodes.
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Le marché des prêts interbancaires permet la confrontation de ces offres et demandes et la fourniture de liquidités aux banques qui en ont besoin. Il existe divers compartiments de ce marché en fonction des durées des prêts et selon les devises. Les banques ont en effet besoin (ou ont à disposition) de liquidités en Euros, en dollar, en Yen, en fonction des opérations qu’elles effectuent pour leur clientèle ou pour elles-mêmes.
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Lorsque les taux d’intérêt sur le marché interbancaire se tendent, c’est le signe que les banques ont globalement des problèmes de liquidités ou que les banques qui ont des disponibilités sont réticentes à les prêter parce qu’elles anticipent qu’elles pourront en avoir besoin ou parce qu’elles font moins confiance aux banques emprunteuses. Si une telle situation perdure cela a des conséquences sur les conditions générales du crédit et l’on risque d’aboutir à des situations de ruptures pour certaines banques ou pour tout le système.
Banques centrales, prêteurs en dernier ressort
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Dans de telles situations, les Banques centrales interviennent car elles ont pour mission de garantir la stabilité du système bancaire. C’est ce qu’on appelle le rôle de prêteur en dernier ressort des banques centrales. Un de leurs moyens d’action consiste à assurer elle-même la liquidité du système lorsque les banques ne veulent plus le faire. C’est ce qui vient d’être décidé par cette opération coordonnées des banques centrales.
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L’intervention des banques centrales concerne le compartiment $ des prêts interbancaires. Certaines banques européennes ont en effet du mal à obtenir des financements en dollars pour des périodes de plus de quelques jours. Les fonds américains et les autres prêteurs traditionnels de dollars craignent en effet de plus en plus un défaut grec , la contagion à d’autres pays européens et ses éventuels effets dévastateurs sur les banques européennes. La tension risque d’être particulièrement forte en fin d’année et l’opération décidée vise également à prévenir un grave assèchement qui pourrait sinon se produire à ce moment-là.
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Une telle opération n’est pas la première du genre. Au plus fort de la crise financière en 2008-2009, la BCE avait tenu régulièrement des opérations en dollars à trois mois, avant que les marchés se calment. Une opération exceptionnelle à trois mois avait été également organisée en mai 2010 à l’époque du premier plan de sauvetage de la Grèce.
Tout n’est pas réglé pour autant
La décision prise ne résoudra pas tous les problèmes posés aux banques européennes.
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Le coût du financement des banques européennes pour leurs liquidités en dollar restera relativement élevé. La liquidité en dollars auprès de la Banque centrale européenne coutera 1,1 %. Ce n’est pas plus que ce que les banques européennes payent actuellement compte tenu de la tension sur le marché mais c’est beaucoup plus que le coût des liquidités en dollar pour les banques américaines (0,15 %).
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Les banques européennes sont confrontées à des problèmes de liquidités parce que leurs engagements en dettes de pays européens jugés fragiles inquiètent les investisseurs quant à leur solvabilité future. Pour répondre à cette inquiétude les banques européennes doivent améliorer leurs ratios de solvabilité (voir mot de la finance ratios de solvabilité). Soit en se recapitalisant et en faisant appel à de nouveaux actionnaires, soit en diminuant certaines de leurs activités qui doivent être gagées par des fonds propres (comme viennent de le décider par exemple la Société Générale et BNP Paribas). La décision des banques centrales européennes devrait aider les banques européennes à organiser une réduction en bon ordre de leur activité en dollars.
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Notre dossier : Tout sur la banque
Notre décryptage : Crise de la dette publique