FOAT : un contrat à terme sur les OAT françaises

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FOAT Le 16 avril 2012 a été lancé un nouveau produit financier : l’Euro-OAT-future, un contrat à terme sur les obligations émises par l’État français. Il est créé par Eurex, le compartiment des dérivés de la Bourse allemande (Deutsche Börse). Ce produit est accusé de favoriser la spéculation contre la dette française. Explications.

Qu’est-ce que le Future Euro-OAT ?

Le Future Euro-OAT (dont le code produit est FOAT) est un contrat à terme (« future » en anglais) sur la dette de l’État français. Il s’agit de s’engager à acheter ou à vendre une quantité déterminée d’Obligations Assimilables du Trésor (OAT) (lien avec le dico) à un prix et à une date fixés à l’avance mais pour une livraison et un règlement à une date future. Les acheteurs et les vendeurs ne se connaissent pas ; ils transitent par une chambre de compensation (Eurex).

En fixant dès aujourd’hui la date et le prix d’acquisition de l’OAT pour une date future (un an par exemple), le vendeur du Future Euro-OAT n’a plus à craindre une éventuelle baisse de la valeur de l’OAT, puisque dans un an, quelle que soit la valeur de l’OAT sur le marché, il le vendra 100€. 

En revanche dans le cas d’une hausse de la valeur de l’OAT d’ici un an, le vendeur vendra 100€ un titre qui en vaut plus sur le marché ; par conséquent, dans ce cas, c’est l’acheteur qui aura profité d’une protection contre la hausse de la valeur de l’OAT.

Un investisseur (en l’occurrence un vendeur) s’engage en avril 2012 à livrer en avril 2013 une OAT échéance avril 2020, avec un taux de 5 %, pour un prix de 100€. Cela signifie que, dans un an, l’investisseur devra livrer une OAT ayant ces caractéristiques et recevra 100 €. Si dans un an, l’OAT vaut 90 €, ce vendeur sera gagnant puisqu’il recevra 100 € pour un produit qu’il peut acheter (en vue de sa livraison) 90 €. Inversement, si le cours de l’OAT a monté à 110 €, il sera perdant puisqu’il devra livrer une OAT qu’il se procurera à 110 € alors qu’il ne percevra que 100 €.

Dans la réalité, les choses sont un peu plus compliquées, du fait que les transactions ne donnent pas lieu à livraison physique (c’est donc plus abstrait), que les opérateurs versent des dépôts de garantie à la chambre de compensation qui tient les comptes tous les jours et que les opérations se dénouent rarement à l’échéance mais bien avant. Mais le principe est bien celui énoncé plus haut.

Comme tout contrat à terme, ce produit a un double objet : il permet de se protéger contre les risques de fluctuations à la baisse (pour le vendeur) ou à la hausse (pour l’acheteur) de la valeur de l’OAT (qui est ici le sous-jacent du produit). Il est également un instrument de spéculation.

Qu’y a-t-il de nouveau avec ce produit ?

Actuellement, des contrats à terme sur dettes souveraines existent dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne et en Italie. Dans le passé, il y avait un produit de ce type appliqué à la dette souveraine française, qui s’échangeait sur le MATIF (absorbé depuis dans la filiale « produits dérivés » d’Euronext, à savoir Liffe Euronext).

Ce nouveau produit financier est censé renforcer l’attractivité du marché des emprunts français car si les investisseurs ont la possibilité de se couvrir contre un risque potentiel de perte, ils seraient susceptibles d’investir plus volontiers directement sur la dette émise par la France. Le future est donc supposé améliorer la liquidité du marché de la dette souveraine française.

Jusque-là, pour se couvrir (ou spéculer), un investisseur pouvait acheter des CDS. Par rapport aux CDS, qui existent toujours, le contrat à terme est, selon Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, « plus transparent et mieux contrôlé que les CDS sur les dettes souveraines qui sont pour l’instant échangés de gré à gré de façon opaque. D’ailleurs, nous pourrons surveiller les transactions  » (cf dépêche AFP du 12 avril 2012).

Pourquoi ce nouveau produit est-il vu comme un danger ?

Comme tous les produits de couverture, un Future Euro-OAT peut aussi être utilisé comme outil de spéculation.

En effet, vendre un FOAT est un pari sur la dévalorisation de la dette française. Si un grand nombre de participants du marché cherchait à vendre ces contrats à terme et que les sommes engagées venaient à être importantes, la conséquence directe serait une baisse du cours des obligations de l’Etat français et donc une montée des taux d’intérêt de la dette souveraine. De plus, l’effet de levier peut amplifier ce phénomène de spéculation.

Jean-Pierre Jouyet a lui-même regretté un agenda malheureux. « Eurex ne donne pas un signal convenable au marché. Le moment est inopportun, compte tenu de l’élection présidentielle en France et des tensions sur les taux espagnols constatées en début de semaine. Cela sous-entend qu’il y a un risque sur la dette française, puisque ce contrat donne la possibilité aux investisseurs de se couvrir. C’est un message négatif, quel que soit le résultat des urnes », indique-t-il dans un entretien aux « Echos » paru le 12 avril 2012 sur leur site Internet. Il ajoute qu’il ne peut interdire ce nouveau produit : « Eurex est une société allemande privée. Interdire ce produit n’est ni de notre ressort ni de celui des autorités de régulation européennes. Nous n’avons pas les moyens de nous y opposer, ni de dire quoi que ce soit. »

Mieux comprendre la spéculation Le site d’Eurex