Dans ce contexte, la question se pose de savoir si des pressions déflationnistes seraient à l’œuvre dans la zone euro, pressions qui pourraient déboucher sur l’enclenchement d’une spirale baissière des prix particulièrement néfaste pour l’économie européenne. L’analyse de l’évolution des prix en zone euro ne permet cependant pas de conclure à l’imminence d’un tel scénario déflationniste.
Trois éléments laissent penser que la zone euro devrait échapper à la déflation
Ce sont surtout les prix de l’énergie qui ont baissé
En effet, les données publiées par Eurostat montrent que seuls les prix de l’énergie ont baissé en zone euro, et ce pour le troisième mois consécutif. La baisse des prix de l’énergie est certes particulièrement prononcée en octobre (-1,7 %) et en accélération par rapport aux mois d’août et septembre (-0,3 % et -0,9 % respectivement). Toutefois, ces évolutions sont à mettre en relation avec l’appréciation de l’euro par rapport aux principales devises -et notamment le dollar- sur cette même période, qui a exercé un effet mécanique à la baisse sur la facture énergétique et sur les importations en général, exprimées en dollars.
Les autres composantes de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) de la zone euro continuent quant à eux d’afficher un taux de progression annuel positif (le taux d’inflation hors énergie progresse de 1,1 % sur un an). De fait, et bien que la hausse des prix hors énergie ralentisse (elle était de 1,6 % en août et de 1,4 % en septembre), on ne peut véritablement affirmer qu’un processus déflationniste soit à l’œuvre en zone euro, mis à part le cas particulier de la Grèce où la politique d’austérité et les baisses de salaires se traduisent depuis plusieurs mois par des taux d’inflation négatifs. Le gouverneur de la BCE, Mario Draghi, a d’ailleurs déclaré qu’il s’attendait à ce que l’on connaisse « une période prolongée de faible inflation, suivie d’une remontée graduelle vers des taux d’inflation inférieurs à, mais proches de 2 %« .
Une politique monétaire très accommodante
La BCE mène une politique monétaire très accommodante. A l’issue de sa réunion du 7 novembre 2013, elle a ainsi décidé d’abaisser le taux d’intérêt des opérations principales de refinancement de 25 points de base pour le porter à 0,25 %. Il s’agit de la deuxième baisse des taux directeurs cette année, après celle intervenue en mai dernier. Mario Draghi a en outre indiqué que le Conseil des gouverneurs continuait « de prévoir que les taux directeurs resteront à leurs niveaux actuels, voire inférieurs, sur longue période. » De fait, plusieurs autres membres du Conseil des gouverneurs ont déclaré que la BCE conservait des marges de manœuvre supplémentaires en matière de baisse des taux directeurs ou du taux des réserves obligatoires. Le caractère accommodant de la politique monétaire de la BCE permet aux banques de répercuter aux ménages et aux entreprises la baisse du coût de leur refinancement et ainsi de leur octroyer des conditions de crédit très favorables, incitant ainsi les agents économiques à emprunter pour consommer ou investir ce qui in fine stimule l’activité économique et la hausse des prix. En outre, la baisse des taux directeurs décidée par la BCE, ainsi que les déclarations de membres du Conseil des gouverneurs sur de possibles baisses futures ont entrainé une dépréciation de l’euro sur les marchés des changes. Cette évolution, qui entraîne mécaniquement un renchérissement des prix de l’énergie et des produits importés, contribuera à maintenir le taux d’inflation en territoire positif.
Des anticipations d’inflation positive encore bien ancrées
Les enquêtes de conjoncture menées dans les pays de la zone euro ne montrent pour l’instant pas de signes indiquant que les agents économiques anticipent une baisse généralisée des prix qui conduirait les consommateurs à repousser leurs achats et les entreprises à réduire leur production, deux caractéristiques majeures d’une situation déflationniste. La dernière enquête de conjoncture sur la France à fin octobre 2013, publiée par la Banque de France, fait par exemple état d’une progression de l’activité et des perspectives de production tant dans l’industrie que dans les services et table sur un progression du PIB de 0,4 % au quatrième trimestre.
A moyen terme, le risque de déflation ne peut cependant être écarté
Si le scénario central retenu par la Commission européenne et la BCE pour 2014 table sur un rebond de la croissance en zone euro (1% en rythme annuel contre une contraction de 0,4% en 2013) et sur une remontée graduelle des taux d’inflation vers des niveaux inférieurs mais proches de 2%, une rechute de l’activité ne peut être totalement exclue. Cette rechute pourrait être activée par la poursuite de la hausse de l’euro vis-à-vis du dollar, qui est très pénalisante pour les exportations européennes, l’impact des politiques d’austérité budgétaire dans plusieurs pays, et la baisse de la consommation et du moral des ménages. L’investissement des entreprises, déjà faible dans certains pays dont la France, s’en trouverait affecté et un cercle vicieux de nature déflationniste pourrait alors s’enclencher.