Cet audit est réalisé à situation constante, c’est-à-dire qu’il ne prend pas en compte d’éventuelles mesures du programme du nouveau Président Emmanuel Macron.
Une amélioration des comptes publics plus lente que chez les partenaires européens
La Cour des Comptes rappelle que la réduction du déficit budgétaire est plus lente en France que chez ses partenaires européens. Pourtant les taux d’intérêt exceptionnellement bas qui allègent la charge de la dette, offraient des marges de manœuvre supplémentaires.
La difficulté de la France à rétablir un équilibre budgétaire a pour conséquence directe d’alourdir le poids de la dette, qui augmente de 0,7 point à 96,3 % du PIB, alors qu’elle recule en moyenne de 1,1 point dans les autres pays de la Zone Euro.
Si la lenteur de cet ajustement s’explique par une croissance atone, elle trouve aussi sa source dans des efforts d’économies moins importants que dans d’autres pays européens. C’est ce que mesure le déficit structurel, dont l’amélioration est plus lente pour la France. De plus, les améliorations structurelles entre 2012 et 2016 ont été réalisées quasi exclusivement par des hausses d’impôts plutôt que des baisses de dépenses. Si ces dépenses lors du dernier quinquennat ont connu un rythme de progression plus lent que dans les années 2000 (+2,3 % par an), elles ont néanmoins augmenté de 0,9 % par an, et de 1,2 % par an si l’on retire les effets de la baisse des taux d’intérêt.
La France ne repassera pas sous la barre de 3% en 2017
Sans nouvelles mesures correctrices, la France restera en 2017 en procédure de déficit excessif auprès de ses partenaires européens. Selon les calculs de la Cour des Comptes, le déficit budgétaire atteindrait 3,2 % du PIB contre 2,8 % prévu initialement. Ce dérapage proviendrait, côté recettes, d’une anticipation trop optimiste des redressements fiscaux pour des comptes détenus à l’étranger qui avaient été une source de bonnes surprises ces dernières années. Mais c’est davantage les dépenses qui apparaissent « manifestement sous-évaluées » selon la Cour des Comptes : le dépassement pourrait atteindre 5,9 milliards d’euros nets par rapport au Programme de stabilité d’avril 2017.
Le programme de stabilité est un document transmis chaque année au mois d’avril par tous les membres de l’Union européenne à la Commission européenne. Il présente la stratégie et la trajectoire à moyen terme des finances publiques pour chaque pays.
Le financement des crises sanitaires, de la formation professionnelle, des contrats aidés, des opérations militaires extérieures, de l’allocation adulte handicapé et de la prime d’activité sont les principaux postes de dépenses qui ont connu les plus importants glissements. A cela vient s’ajouter la recapitalisation du groupe nucléaire AREVA dont le coût s’élève à 2,3 milliards d’euros soit 0,1 % du PIB à lui tout seul.
Si l’audit commandé à l’arrivée du Président François Hollande en 2012 avait aussi relevé un dérapage des comptes publics, celui-ci provenait davantage d’une sur-estimation de la croissance et des recettes que d’une telle déviation des dépenses par rapport aux objectifs budgétaires. C’est donc une sous-budgétisation manifeste, de l’ordre de 4,2 milliards d’euros selon la Cour des Comptes, qui expliquerait l’essentiel des écarts constatés avec le Projet de Loi de Finance 2017.
Des mesures de rigueur
Pour corriger ce dérapage, la Cour des Comptes recommande de reporter ou d’annuler toutes les mesures qui accroîtraient les dépenses. Ce sont donc les promesses électorales du nouveau Président qui pourraient être dès le début du quinquennat remises en cause.
Mais au-delà de ces mesures d’urgence pour respecter les objectifs de 2017, la Cour des Comptes indique qu’un effort sans précédent devra être réalisé pour atteindre ceux de 2018. Il s’agira de stabiliser en volume (hors inflation) les dépenses publiques pour réduire de 0,5 point de PIB le déficit budgétaire. Or, comme indiqué précédemment, il progresse en moyenne de 0,9% par an depuis 2011 et de 1,2 % hors effet de la baisse des taux d’intérêt. Si cela devait être à nouveau le cas, la France ne parviendrait qu’à stabiliser le déficit budgétaire à son niveau de 2017.
Cet objectif de stabilité peut-il être atteint ? En tout cas, la France ne bénéficiera pas d’un contexte favorable : fin de la dynamique de baisse des taux d’intérêt, hausse de la contribution à l’Union européenne, montée en charge d’engagements contribuant à la hausse de la masse salariale des fonctionnaires, dépenses supplémentaires de lutte contre le terrorisme et pour la transition énergétique.
C’est donc toute la trajectoire de réduction de la dette publique d’ici 2020 qui est remise en cause, exposant d’autant plus l’Etat français à une hausse des taux d’intérêt. En effet, chaque hausse de 1 % des taux d’emprunt creuse le déficit de 0,2 point de PIB.
La Cour des Comptes met en avant plusieurs leviers d’économie. D’abord sur la maitrise de la masse salariale en gelant le point d’indice et les échelons des fonctionnaires, en reprenant le non-remplacement des départs à la retraite, en augmentant le temps de travail et en supprimant des avantages salariaux (supplément familial, indemnités outre-mer…). Le chantier de la modernisation de l’Etat est à nouveau mis en avant, ainsi qu’un meilleur ciblage et une évaluation des niches et autres exonérations fiscales. Les investissements de l’Etat et les dépenses des collectivités locales sont aussi dans le viseur des magistrats de la Cour des Comptes.
Bref c’est l’efficience des politiques publiques dans son ensemble qu’il faut améliorer d’autant que la France a des dépenses publiques supérieures de 8,5 points à la moyenne des pays de la zone euro.
La Cour des Comptes souligne ainsi que le coût annuel d’un lycéen est de 10 320 euros par an contre 7 557 € pour la moyenne de l’OCDE. Pourtant, les résultats aux enquêtes internationales de connaissances comme PISA ne reflètent pas cet effort financier. De même, les effets d’aubaine produits par la politique du logement (taux réduit de TVA, investissement locatif…) semblent en limiter l’efficacité. D’autres pistes sont explorées comme la chirurgie ambulatoire dans le domaine de la santé, une meilleure affectation de la police et de la gendarmerie sur le territoire, la poursuite de la réforme du système de retraite et de la politique de l’emploi (formation, indemnisation chômage).
C’est donc une nouvelle philosophie du pilotage de la dépense publique qui est promue par la Cour des Comptes. Elle passe d’abord par « la sincérité des prévisions de finances publiques » ce qui ne fut pas le cas pour la Programmation de Loi de Finance 2017 qui fut, selon elle, « manifestement entaché d’insincérités ».
Un rapport contesté par les ex ministres des finances et du budget
Face aux attaques de la Cour des comptes, Michel Sapin et Christian Eckert font valoir :
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Que pendant les 5 dernières années, « le gouvernement a fait preuve d’un sérieux sans précédent, permettant au déficit de reculer continûment (de 5 % en 2011 à 3,4 % en 2016) » ;
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Chaque année, au printemps, il faut un complément d’économies de l’ordre de 4 à 5 Mds € ;
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« S’agissant des dépenses de l’Etat, la Cour des comptes retient une approche excessivement prudente » qui sous-estime les possibilités de redéploiement courant 2017 ainsi que, plaident les ministres, la réserve de précaution (crédits susceptibles d’être annulés sans délai) qui serait de 13,9 Mds €.