Jézabel Couppey-Soubeyran, conseillère scientifique au CAE a expliqué la nécessité de prévenir les crises systémiques par la régulation de l’activité bancaire. Olivier Garnier, chef économiste de la Société Générale, a mis en garde contre les conséquences de la régulation bancaire sur le financement de l’économie. Quant à Christophe Frankel, du MES, il a rappelé les fonctions du MES et du FESF dans la régulation bancaire.
Jézabel Couppey-Soubeyran
Elle a expliqué l’absolue nécessité d’une régulation bancaire au niveau européen. Selon l’économiste du CAE, la crise actuelle a permis de relever trois principaux problèmes auxquels l’Europe doit faire face : l’hypertrophie du secteur de la finance, la défaillance de la régulation actuelle et l’implication trop faible des banques centrales dans la stabilité financière.
Le cas de Chypre est un parfait révélateur des défaillances de l’Europe : sans union bancaire, aucune résolution de crise bancaire n’est possible. Un modèle de croissance entièrement fondé sur la finance n’est pas viable. La supervision par la Banque Centrale ne garantit pas une surveillance efficace. De plus, l’Europe doit lutter contre ses propres paradis fiscaux. Fin de bon à savoir
L’objectif des réformes en cours est de réduire l’occurrence des crises systémiques et de reconnecter la sphère réelle et la sphère financière. Pour cela, Jézabel Couppey-Soubeyran préconise un recours aux normes prudentielles et une réorganisation de la supervision bancaire en Europe. En effet, le principe de subsidiarité (principe selon lequel l’autorité européenne n’intervient que si le niveau national est inapte à régler le problème) a échoué. L’union monétaire ne pourra perdurer qu’avec une union bancaire.
L’union bancaire repose sur trois volets :
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un mécanisme de surveillance unique. Ce mécanisme est actuellement en train de se construire avec l’octroi à la BCE de nouvelles prérogatives de supervision des plus grosses banques européennes.
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un mécanisme européen de résolution.
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une garantie européenne des dépôts.
Pour le moment, seule la loi bancaire française a intégré un volet préventif de redressement des banques par leurs propres investisseurs. Pourtant,l’intervention de la puissance publique doit rester une exception.
Jézabel Couppey-Soubeyran s’interroge sur la nécessité de la séparation des activités bancaires. L’économiste pense que ce n’est pas la solution la plus appropriée. Des alternatives bien meilleures sont possibles comme la taxation des transactions financières ou la suppression des incohérences fiscales.
Olivier Garnier
L’économiste de la Société Générale a poursuivi les débats en insistant sur le lien entre la régulation bancaire et le financement de l’économie.Réguler les banques a des conséquences négatives sur le secteur non financier, c’est-à-dire les ménages et les entreprises.
Au niveau d’une banque, il est tout à fait possible d’imposer les nouvelles normes prudentielles, notamment Bâle III : rétention de profits, allongement de la durée des dettes, attraction des dépôts, réduction des prêts qui ne procurent pas de dépôts et réduction des activités de financement à très long terme. Mais au niveau global, si toutes les banques doivent effectuer ces ajustements, cela a des conséquences négatives sur les ménages et les entreprises. Les petites entreprises apportent encore beaucoup de dépôts. Elles seront donc privilégiées par les banques. Les grandes entreprises devront se tourner davantage vers les marchés financiers pour obtenir des fonds. Mais les ETI seront les plus pénalisées. Elles ont des structures trop faibles pour supporter une demande de fonds sur les marchés et elles auront plus de difficultés à trouver des crédits auprès des banques.
Selon Olivier Garnier, la régulation bancaire transfère le risque sur les épargnants et sur les entreprises, en plus de développer le shadow banking.
Christophe Frankel
Pour conclure les débats, Christophe Frankel a rappelé le fonctionnement du MES et du FESF qui ont pour but d’aider les pays de la zone euro.
Le FESF est un dispositif temporaire. Né en juin 2010, il devra céder sa place en juin 2013. C’est une société anonyme de droit luxembourgeois dont la capacité maximale de prêt est de 440 milliards d’euros.
Actuellement, le FESF est engagé à hauteur de 192 milliards d’euros avec l’Irlande, le Portugal et la Grèce. L’Irlande a déjà récupéré sa capacité à emprunter sur les marchés internationaux. Il en sera rapidement de même pour le Portugal. Seule la situation de la Grèce reste encore préoccupante.
Le MES est une institution intergouvernementale qui dispose d’un capital de 700 milliards d’euros. L’Espagne a obtenu du MES un prêt pour recapitaliser son système bancaire. Chypre obtiendra une aide de 10 milliards d’euros dans les prochaines semaines selon l’accord conclu entre l’Eurogroupe et le FMI.
Ces deux organismes disposent de divers moyens : accorder des prêts, acheter des obligations d’État, accorder des lignes de crédit de précaution et recapitaliser un système bancaire.
Pour le FESF, la recapitalisation d’un système bancaire passe obligatoirement par un État. Quand l’union bancaire sera définitivement en place, le MES aura alors la possibilité de recapitaliser directement une banque sans passer par l’État.
Christophe Frankel conclut en précisant les contours de la prochaine étape de la régulation bancaire : la mise en place d’un superviseur européen unique, la BCE.