« Le monde a-t-il encore besoin de la finance ? »

la finance pour tous

Tel était cette année le thème du débat organisé le 10 décembre à l’Université paris Dauphine par le Cercle des économistes et NYSE Euronext. Les trente débatteurs, universitaires, économistes de banque, régulateurs banquiers et financiers ont répondu unanimes par l’affirmative. Mais le oui n’était pas un blanc seing.

Davantage d’équilibre et de mesure

Si le monde a incontestablement besoin de la finance pour orienter les financements et gérer le temps et les risques, « la finance a eu pour le moins besoin du monde. Les Etats ont dû se substituer aux marchés et aux acteurs » a constaté d’entrée de jeu Madame Lagarde dont l’interview était projetée en ouverture. Elle doit donc, a-t-elle plaidé, retrouver le sens de l’équilibre et de la raison.

Mais comment faire pour que la Finance soit au service de l’économie plutôt que l’inverse ?

Régulation

Un débat porte sur la régulation. Des choses ont été faites en matière de régulation d’entités comme les agences de notation, les hedge funds, de paradis fiscaux, d’exigence de liquidités et de fonds propres bancaires, de normes comptables. Mais les avis divergent sur l’ampleur des avancées déjà réalisées. L’économiste Olivier Pastré parle de « 7 baffes » américaines prises par la France et l’Europe : application d’un ratio de levier maximum conjugué au refus d’appliquer les normes prudentielles de Bale II qui pénaliserait les banques européennes et françaises, refus de réguler les produits dérivés…

Ramon Fernandez, directeur général de la Direction Générale du Trésor et de la Politique Economique au Ministère des Finances réfute ce point de vue et souligne au contraire les avancées européennes importantes comme la création des autorités européennes de régulation. Jean- Pierre Jouyet, président de l’AMF, considère pour sa part que ce qui manque encore à la régulation internationale c’est la mise en application et des instances qui aient effectivement autorité pour le faire. Il est en phase avec Jean- François Théodore, Directeur général adjoint de NYSE Euronext, qui a insisté sur les menaces de « grand bond en arrière » liées aux conséquences de la directive MIF en ce qui concerne l’organisation des marchés, les risques de fragmentation et d’opacité.

Investissement à long terme

Un autre débat porte sur le besoin d’investissement à long terme. Le monde est affamé de capitaux à long terme, note Philippe Trainar, Economiste en chef de la société de réassurance SCOR, aussi bien pour relever le défi climatique ou le défi alimentaire que pour répondre aux exigences des régulateurs bancaires et financiers.

Patricia Barbizet, Présidente du comité d’investissement du fonds stratégique d’Investissement ( FSI) et François Drouin PDG d’OSEO expliquent les contributions de ces structures en la matière. Mais Patricia Barbizet note que ces leviers à l’échelle nationale ou d’autres à l’échelle internationale comme les fonds souverains ne seront pas suffisants. Il est urgent, dit-elle, que les acteurs privés soient à nouveau des investisseurs de long terme. Selon elle, des incitations doivent aider à faire en sorte que les liquidités aillent s’investir sur le long terme et en tout cas, il faut éviter des dispositifs de régulation contre-productifs comme certaines règles concernant les ratios prudentiels pour les banques ou les assurances (dispositif dit Solvency II) .

Philippe Trainar a un point de vue beaucoup plus radical. Selon lui le déséquilibre entre besoin d’investissement de long terme et donc de capitaux propres et offre des épargnants en la matière est tel que ceux-ci seront en mesure d’exiger des rendements plus élevés pour investir leurs capitaux. Bref on doit selon lui s’attendre non pas à une baisse mais à une hausse des normes de rendement exigées par les actionnaires. On passera des 15 n% actuel à 20 % ou plus affirme-t-il.

D’autres points ont également fait l’objet de débats : le modèle bancaire de demain sur lequel se sont exprimés notamment le banquier Georges Pauget et l’universitaire Jean-Paul Pollin et le besoin d’une industrie de la finance dans les pays émergents qu’ont expliqué les économistes Anton Brender et Pierre Jacquet.