Le rapport Gallois

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Le 5 Novembre dernier, Louis Gallois, commissaire général à l’investissement et ancien PDG d’EADS et de la SNCF, a remis au gouvernement Ayrault son « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française ». Plus de vingt-deux mesures ont été proposées pour lutter contre « la perte de compétitivité industrielle, signe d’une perte de compétitivité globale de l’économie française».

Créer « un choc de compétitivité » 

Cette mesure vise à répondre à la baisse de l’investissement industriel en France jugée « préoccupante » puisque, deux millions d’emplois ont été supprimés dans ce secteur depuis plus de trente ans. D’une part, « décharger » les entreprises du poids du financement des prestations sociales, et, d’autre part, relancer une réelle dynamique d’investissement et d’emploi. Pour ce faire, le rapport propose de transférer une partie des charges sociales (de l’ordre de 30 milliards d’euros), soit 1,5 % du PIB, vers la fiscalité et la réduction de la dépense  publique. Ces baisses de charges s’appliqueraient aux salaires représentant jusqu’à 3,5 fois le SMIC. Cette baisse de 30 milliards d’euros des charges sociales serait ainsi compensée par des mesures fiscales : hausse de la CSG de 2 points (20 à 22 milliards), relèvement de la TVA de certains produits (5 à 6 milliards), taxe sur les transactions financières et taxe carbone et autres mesures fiscales concernant l’immobilier et les niches fiscales (2 à 3 milliards).

Créer « un choc de confiance »

Il s’agit de restituer un climat de confiance au sein de la société et notamment au sein des entreprises ayant souvent « le sentiment d’être ‘clouées au pilori ‘ » en assurant une stabilité et une transparence des réglementations et en renforçant le dialogue social.

Ainsi, la première proposition demande à l’Etat de s’engager à ne pas modifier au cours du quinquennat cinq dispositions : le crédit impôt recherche, les dispositifs « Dutreil » (favorisant la détention et les transmissions d’entreprises), la contribution économique territoriale (ancienne taxe professionnelle), les incitations « sociales » aux jeunes entreprises innovantes, et les dispositifs en faveur de l’investissement dans les PME.  Afin de favoriser au sein des entreprises un « équilibre des points de vue favorable à long terme », le rapport propose la systématisation de la présence de quatre représentants des salariés au sein des conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises de plus de 5 000 salariés, et pour celles qui le souhaitent, la possibilité pour un représentant des salariés de présider le Comité d’Entreprise. Enfin, afin de favoriser la transparence des réglementations, un Commissariat à la Prospective, lieu d’expertise et de dialogue social pourrait être créé permettant l’élaboration de rapports sur la situation de l’appareil productif qui accompagnerait chaque loi de Finances.

Favoriser la croissance des ETI et soutenir le financement de l’industrie

Parmi les carences dont souffre le tissu industriel français, le rapport met en avant la faiblesse du nombre d’ETI. Deux propositions ont ainsi été faites pour favoriser la croissance de ces structures, notamment, la création au sein de la BPI d’un produit constitué d’actions de préférence sans droit de vote mais bénéficiant d’une rémunération privilégiée afin d’assurer le besoin en fonds propres des entreprises dont les propriétaires souhaitent garder le contrôle, et, l’élaboration d’un « Small Business Act » comme« cadre de cohérence des dispositifs en faveur de la croissance des PME ».

D’autre part, « le renforcement des fonds propres des entreprisesest évidemment essentiel pour soutenir l’investissement dans une période de crédit plus rare […], complément indispensable du « choc de compétitivité ». Ainsi, le rapport propose d’allonger la durée des contrats d’assurance-vie de façon à réorienter l’épargne vers des placements longs et risqués qui seraient eux-mêmes réorientés vers le secteur industriel. Le texte suggère notamment d’alléger la fiscalité des contrats en unités de comptes, c’est-à-dire investis en actions. Le rapport suggère également le doublement de la capacité de développement des partenariats public-privé de la BPI. Enfin, afin d’améliorer les conditions du crédit interentreprises,« cinq fois supérieur au crédit bancaire de trésorerie », les commissaires aux comptes devront obligatoirement joindre à leur avis sur les comptes de l’entreprise, un rapport sur le crédit interentreprises et prévoir des sanctions administratives en cas de non respect des délais de paiement.

Renforcer la solidarité des filières industrielles

Plusieurs propositions ont été faites pour renforcer la solidarité du secteur industriel, d’une part, entre les industries elles-mêmes en renforçant la gouvernance et les moyens des comités de filières de la Conférence Nationale de I’Industrie (CNI) et d’autre part, géographiquement pour profiter des « synergies territoriales » en donnant aux régions la responsabilité de coordonner l’action des différentes structures chargées de la promotion de l’innovation et du développement de l’industrie. Enfin, le rapport propose également de « conditionner les soutiens de l’Etat aux actions des grandes entreprises à leur capacité à y associer leurs fournisseurs et sous-traitants ».

Encourager la recherche, l’innovation et la formation

Si la France reste aujourd’hui l’un des pays les plus actifs en matière de recherche et de développement public, ses dépenses restent largement inférieures à celles pratiquées en Allemagne, en Finlande ou encore en Suède et moins orientées vers le développement économique.Le rapport propose ainsi plusieurs mesures visant à renforcer le soutien à l’innovation et à la recherche. Parmi ces mesures, on trouve l’orientation de la commande publique vers des PME innovantes avec un objectif de 2 % des achats courants de l’Etat, la priorité au Commissariat Général à l’Investissement (CGI) d’investir dans«les technologies génériques, la santé et l’économie du vivant, et la transition énergétique », et le maintien d’une affectation constante du budget de la recherche publique à ce secteur.

En ce qui concerne la formation, constat est fait de « l’inadéquation entre l’offre de formation et les besoins de l’industrie, tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue ».Ainsi, le rapport suggère de créer un rapprochement entre les entreprises et les établissements scolaires (techniques et professionnels) au niveau régional et national, de promouvoir la formation en alternance en doublant son effectif au cours du quinquennat et, enfin, de créer un compte individuel à la formation,« « crédité » soit au début de la vie active, soit chaque année, et attaché non au statut, mais à la personne ».

Autres propositions

Pour lutter contre le déficit du commerce extérieur, les conditions de crédit et des garanties export (en volume, quotité et taux) devraient être alignées sur le meilleur niveau constaté dans les pays avancés. La politique européenne dans le domaine de la concurrence devrait davantage servir l’industrie en accompagnant « toutes les décisions européennes concernant la concurrence d’un avis d’experts économiques et industriels extérieurs à la Commission ». Enfin, constat est fait de notre forte dépendance énergétique vis-à-vis de l’extérieur et du coût qu’il représente pour les industriels français. Aussi, le rapport suggère, afin de réduire la pression sur la balance commerciale, d’encourager la recherche sur les techniques d’exploitation du gaz de schiste.

Quelles propositions ont été retenues par le gouvernement ?

Sur les vingt-deux mesures proposées, seules quatre n’ont pas été retenues par le gouvernement, notamment la recherche sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste, sujet qui a par ailleurs suscité beaucoup de controverses. L’élaboration d’un équivalent de « Small Business Act » ou encore la création d’actions de préférence sans droit de vote au sein de la BPI n’ont également pas été retenus. Enfin, donner la mission au CGI de porter trois priorités techniques et industrielles (transition énergétiques, technologies génériques, santé et économie du vivant) ne semblent pas avoir trouvé écho au sein du gouvernement.