Séparer les activités « utiles » des activités spéculatives
Présentée comme l’une des mesures phares de la réforme bancaire, les activités spéculatives d’une banque réalisées pour son propre compte, sans utilité pour le financement de l’économie et sans lien avec les clients, devront être cantonnées dans une filiale séparée. Cette dernière se verra appliquée un certain nombre de mesures destinées à prévenir toute transmission de risques à l’ensemble du groupe bancaire (interdiction de recevoir des dépôts par exemple).
En cas de difficultés financières avérées, la banque devra demander au préalable l’autorisation des autorités de supervision compétentes pour recapitaliser sa filiale. Sur ce point, le texte précise que la recapitalisation directe ou indirecte par l’État est interdite. Pour déterminer si cette filiale doit être créée, le ministre de l’Économie pourra déterminer par arrêté un seuil au-delà duquel les activités de tenue de marché des banques (ou d’une banque en particulier) doivent être cantonnées.
Renforcer les pouvoirs des autorités de contrôle et de supervision
Encadrer l’activité des banques
L’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) devient l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). À ce titre, elle se voit doter d’un Collège de résolution bancaire chargé d’imposer des mesures de résolution à une entreprise d’investissement ou à un établissement de crédit en cas de difficultés financières avérées (réorganisation de la structure, filialisation, révocation du dirigeant de la banque, interdiction ou suspension du paiement des dividendes, mise en place de plans préventifs de résolution par les établissements…).
Le texte prévoit également la création d’un Fonds de résolution. Il sera entièrement approvisionné par le secteur bancaire et financier (10 milliards d’euros d’ici à 2020). Ses missions seront confiées au Fonds de garantie des dépôts.
La loi donne également le pouvoir à l’ACPR de suspendre ou d’interdire la commercialisation de produits financiers « toxiques » et de certaines activités jugées « dangereuses » pour garantir la stabilité du système financier. Elle pourra notamment contrôler la prise de participation, l’acquisition ou la création de filiales ou d’activités par des banques, en France et à l’étranger, voire s’y opposer.
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sera quant à elle chargée d’imposer la filialisation des participations dans les hedge funds des banques ainsi que toutes leurs expositions non garanties vis-à-vis de ces dernières.
Objectif de toutes ces mesures : « limiter au maximum le recours au soutien financier public » en cas de crise.
Prévenir les risques de spéculation et de crise sur les marchés financiers
Le texte étend le champ des pouvoirs de sanctions de l’AMF à celui des tentatives de manipulation de marché. Elle lui donne notamment la possibilité de punir les manipulations d’indices boursiers. Ses pouvoirs de surveillance, de contrôle et d’enquête sont également renforcés. En cas de crise, la loi autorise désormais l’AMF à suspendre les rachats de parts d’organisme de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM) pour protéger les détenteurs.
De façon à renforcer la lutte contre la spéculation sur les marchés, la loi interdit aux banques de spéculer pour leur compte propre sur les dérivés de matières premières agricoles. Parallèlement, toutes les positions prises sur ces produits, en dehors du seul intérêt de la banque, devront être détaillées à l’AMF. Cette dernière, au regard des positions agrégées de certains établissements bancaires (quantité passée d’ordres d’achat ou de vente), pourra décider de leur imposer une limite de position de façon à ne pas influencer significativement les cours.
Pour limiter les pratiques spéculatives, la loi interdit les opérations de trading à haute fréquence taxables aux établissements bancaires français. Par ailleurs, elle impose aux acteurs boursiers pratiquant le passage d’ordres automatisés de se signaler et de détailler leurs opérations à l’AMF et précise qu’« aucun opérateur de trading haute fréquence ne pourra avoir d’accès direct au marché sans filtre ni contrôle ».
Enfin, pour prévenir les risques systémiques sur les marchés financiers, la loi instaure la création du Haut conseil de stabilité financière (ancien Corefris). Il sera doté de « pouvoirs juridiquement contraignants pour limiter les risques de nature systémique ou prévenir la formation de bulles spéculatives ». Par exemple, cette instance pourra imposer à certains établissements bancaires de relever ses fonds propres pour faire face à des risques supplémentaires.
Encadrer les rémunérations des dirigeants et des traders
L’objectif de telles mesures est d’éviter les prises de risque excessives à l’image de certaines devenues très médiatiques (affaire Kerviel, affaire Tourre) révélées après la crise financière de 2008.
Ainsi, les rémunérations variables (bonus, distribution d’actions gratuites) des dirigeants bancaires et des traders ne devront pas dépasser le niveau de leurs rémunérations fixes (salaires). Une exception toutefois : cette part variable pourra excéder de deux fois au maximum la rémunération fixe, à condition que les actionnaires s’y prononcent favorablement par un vote en assemblée générale à la majorité qualifiée.
La loi instaure également le principe du say on pay au sein des assemblées générales.
Lutter contre les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux
De façon à renforcer la lutte contre l’évasion fiscale, la loi impose aux banques et aux grandes entreprises de publier un certain nombre de renseignements relatifs à leurs activités, pays par pays, notamment le nom des entités, la nature de leurs activités, leurs chiffre d’affaires ou encore leur résultat net. Un certain nombre de mesures sont également destinées à favoriser l’échange d’informations à des fins fiscales entre autorités concernées.
Pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la loi prévoit plusieurs dispositions visant à renforcer les pouvoirs de l’autorité compétente en la matière (TRACFIN) et de ses intermédiaires. Par exemple, elle instaure l’application d’une vigilance renforcée pour les opérations avec les pays inscrits sur les listes du groupe d’action financière (GAFI).