Le low-cost, présent jusqu’à maintenant dans le transport aérien et les produits alimentaires, se diffuse dans plusieurs secteurs : automobile, banque, assurance, téléphonie mobile… La plupart des activités dédiées à la consommation des ménages offrent désormais un segment low-cost. Celui-ci est utilisé de plus en plus par une majorité de consommateurs : le low-cost aérien concerne ainsi tout autant le cadre supérieur que l’étudiant ou le retraité.
Dans ce livre très pédagogique et solidement documenté, Emmanuel Combe, professeur à l’université Paris-I et à l’ESCP et Vice-président de l’Autorité de la concurrence, défend l’hypothèse que le low-cost constitue un véritable modèle économique de production. Il explique également les controverses actuelles qui portent sur la qualité des produits et la question de l’emploi, le low-cost pouvant entraîner la destruction d’emplois.
La logique du modèle low-cost
Le premier chapitre est consacré à l’analyse du low-cost dans le transport aérien, devenu en l’espace d’une vingtaine d’années, l’emblème des produits low-cost. Après avoir étudié la façon dont les compagnies low-cost ont imposé leur modèle économique sur le segment du court/moyen-courrier, E.Combe dresse le » portrait-robot » d’une compagnie low-cost en mettant en évidence les leviers de sa rentabilité et de son développement.
L’auteur, dans les deux chapitres suivants, s’interroge sur les conséquences du low-cost aérien en termes de prix et de concurrence.
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Si le low-cost s’est bien traduit par une baisse des prix par rapport à ceux pratiqués par les compagnies classiques, il est faux de penser qu’il se traduit nécessairement et toujours par une baisse des prix. Comme toutes les compagnies aériennes, le low-cost applique des méthodes de tarification dynamiques, conduisant à une forte volatilité du prix des billets sur un même vol.
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Le low-cost a également un fort impact, plus diffus mais très puissant, sur la concurrence : lorsqu’une compagnie low-cost entre sur une ligne déjà desservie par un opérateur, celui-ci est contraint de baisser à son tour ses prix, c’est » l’effet-concurrence » conforme à ce que prédit la théorie microéconomique. En situation d’oligopole, lorsqu’un nouveau concurrent entre sur le marché, les acteurs réagissent en baissant leurs prix. La pression concurrentielle est plus ou moins forte selon l’intensité de la concurrence entre les lignes aériennes. E.Combe analyse les différentes stratégies mises en œuvre par les opérateurs historiques pour lutter contre cette concurrence . Mais au-delà des stratégies , la réaction la plus fréquente a été de s’adapter à la nouvelle norme concurrentielle ou à s’en différencier.
La diffusion du low-cost
Dans le chapitre suivant, l’auteur montre la diffusion du low-cost dans de nombreuses autres activités concernant la consommation des ménages (distribution alimentaire, hôtellerie, services bancaires…). Les entreprises low-cost s’inspirent des mêmes recettes que dans le secteur aérien : simplification à l’extrême du produit, « optionalisation » de fonctionnalités considérées comme secondaires. Cependant, certains secteurs échappent au low-cost , comme le luxe et les produits technologiques à forte image de marque. Si l’ on va plus loin, on s’aperçoit que le low-cost conquiert une fraction limitée du marché et finalement cohabite avec des produits traditionnels: que ce soit dans la banque, l’assurance ou l’automobile, le low-cost vient ajouter une nouvelle offre sur le marché, plus qu’il ne la remplace.
De nouveaux comportements de consommation
Ensuite, un des points intéressants de l’ouvrage est de montrer que le développement du low-cost traduit de nouveaux comportements de consommation, variés et complexes: on ne peut réduire le low-cost à la seule contrainte de pouvoir d’achat et de revenu. Cette consommation interfère avec d’autres critères tels que l’âge, la catégorie socioprofessionnelle , le lieu de résidence…On a ainsi des consommations complexes: un touriste prendra un vol low-cost et utilisera le gain de pouvoir d’achat réalisé pour choisir un hôtel haut de gamme. Au final, avec le low-cost, le consommateur se transforme en client-arbitre qui définit lui-même sa partition entre les produits low-cost et ceux qui relèvent de la marque et d ‘une consommation de prestige. Le low-cost révèle une forte demande d’autonomie des consommateurs qui construisent eux-mêmes leurs produits.
L’auteur, pour conclure, pose la question : qui a vraiment peur du low-cost? Le low-cost suscite de l’intérêt, des inquiétudes alors même que sa part de marché (excepté dans l’aérien) reste somme toute assez modeste.En réalité, le low-cost ne remplace pas ce qui existe mais vient élargir l’offre globale, en ajoutant de nouveaux choix pour les consommateurs.
L’intérêt de cette étude est de replacer le low-cost dans une perspective économique plus large. En effet, le low-cost peut être analysé comme un véritable choc de productivité, une innovation organisationnelle et de produit qui déstabilise les équilibres et redéfinit la concurrence dans les secteurs. C’est de ce point de vue une véritable « destruction créatrice » au sens de Schumpeter. Face à cette situation, E.Combe montre que les entreprises peuvent adopter une posture soit défensive qui consiste à freiner le low-cost soit offensive en confiant au consommateur le rôle d’arbitre. In fine, la place du low-cost sera celle que lui laisse le consommateur.
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