Le climat a-t-il un prix ?

la finance pour tous

Christian de Perthuis est professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine où il a fondé la chaire d’Economie du climat. Il a publié de nombreux ouvrages sur la question climatique dont un roman « Le Complot climatique ». Son dernier ouvrage « Le climat, à quel prix ? La négociation climatique », écrit en collaboration avec Raphaël Trotignon et paru en 2015, permet de mieux comprendre les enjeux et les difficultés de la coopération internationale face aux dérèglements climatiques.

 

Cette interview a été réalisée en 2015.

Le climat a un prix

Le climat est un bien commun. Donc évidemment, il a une très grande valeur puisque cette valeur est commune à tous les habitants de cette planète. En revanche, ce qu’on peut dire, c’est que les dégradations que nous faisons au système climatique en envoyant des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère ont un coût.

Toute la problématique pour nous c’est d’essayer d’identifier le coût des dommages climatiques, le coût actuel mais surtout le coût des dommages futurs et intégrer le coût des dommages dans l’économie. Cela passe par l’intégration d’une nouvelle valeur dans l’économie qui est le coût associé aux émissions de gaz à effet de serre : c’est ce que l’on appelle le prix du carbone.

Donc le climat n’est pas une marchandise, les dégradations que nous faisons au climat doivent être imputées dans les coûts économiques qui correspondent aux coûts des dommages climatiques qui résultent de nos émissions de gaz à effet de serre.

L’enjeu de la COP-21 : la tarification internationale du carbone

Pour rentrer la problématique du climat dans le fonctionnement de nos sociétés, je crois qu’il faut rentrer le climat dans le système économique dans les arbitrages que nous faisons. Ceci implique que nous intégrons la valeur des émissions de GES dans les coûts et les prix.

C’est quelque chose qui peut se faire à l’échelle nationale, à l’échelle régionale mais aussi à l’échelle internationale. Pour moi, l’enjeu n°1 de la COP-21, c’est d’avancer vers un système dans lequel, dans le monde entier, on va imputer dans les économies la valeur associée aux émissions de GES, le coût des dommages climatiques.

Et c’est ce que l’on peut attendre de plus important dans une négociation internationale, un accord sur les instruments économiques qui vont permettre de rentrer à l’échelle internationale le coût des dommages associés aux émissions de GES. C’est très important parce que tant qu’on a des des tarifications du carbone qui sont régionales, on a un très grand risque de fuite de carbone, autrement dit les gains qu’on fait sur les émissions de GES dans une zone de l’économie peuvent être « mangés » par les émissions qui peuvent s’accroître dans une autre économie.

Si on a un prix international du prix de carbone alors l’ensemble des économies ont intérêt à réduire les émissions de GES car chaque fois que l’on va réduire le coût des émissions de GES on va réduire le coût des dommages climatiques. On va en même temps gagner de l’argent car on va réduire le coût associé à ces émissions via le prix qu’on doit payer.

Le rôle des acteurs économiques dans le financement de la transition énergétique

Alors, il est évident que ce n’est pas l’argent public qui financera la transition énergétique, nous savons bien que les Etats sont de plus en plus désargentés de par le monde.

Quel est le rôle des Etats ? C’est d’envoyer de bonnes incitations et envoyer les bonnes incitations économiques ça consiste à créer un cadre économique, un cadre réglementaire qui va inciter les acteurs insdustriels, les acteurs agricoles, les acteurs financiers à tirer tous dans le même sens. Et pour tirer tous dans le même sens, il convient affectivement d’introduire cette valeur associé au climat qui est le prix du carbone dans les choix que chacun fait.

En ce qui concerne les banques et au-delà des banques l’ensemble des acteurs financiers, car les banques ne constituent pas le seul agent qui finance l’économie, il faut associer, dans les risques liés au financement, le risque climatique.

Comment intégrer ce risque climatique ? en mettant une valeur au prix du carbone. Demain si le système financier fonctionne avec une économie dans laquelle on a bien associé un prix aux émissions de GES, les choix d’investissement, les choix de financement vont privilégier l’économie bas carbone par raport à l’économie fortement émettrice car c’est un nouveau risque pour le système financier que de financer des projets fortement émetteurs si on a un prix du carbone qui augmente dans le temps.

Donc il y a véritablement un enjeu majeur à cette négociation internationale, liée aux Etats non pas comme étant les Etats qui financent mais comme les Etats qui envoient les bonnes incitations économiques. Et cette valeur associée au climat par le prix du carbone ce ne sont pas les agents économiques privés qui vont la rentrer, c’est bien par une décision d’autorité publique.

Encore une fois, la clé du dispositif c’est que les acteurs publiques envoient les bonnes incitations, ensuite ce sont les acteurs privés qui vont rediriger leurs financements, leurs investissements vers l’économie bas carbone.

Des acteurs innovants 

Parmi les acteurs financiers, vous avez des acteurs plus volontaires que les autres qui choisissent d’investir volontairement dans l’économie bas carbone. Ces démarches volontaires sont extrêmement utiles parce que nous voyons bien que l’économie bas carbone doit être le résultat de multiples innovations par les acteurs de terrain, les acteurs décentralisés. Ce n’est pas dans les couloirs de l’ONU que l’on trouvera les solutions concrètes pour concilier le développement économique et la réduction des émissions des GES.

Donc tout ce qui est du domaine des innovations financières d’acteurs qui, volontairement, vont chercher des projets qui permettent de réduire les émissions tout en créant de la valeur économique est un apport inestimable. En revanche, ce n’est pas un apport suffisant et pour généraliser ce type d’approche, il faut avoir des instruments économiques plus puissants qui résultent des décisions des gouvernements.

 

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