Pourquoi un plan de relance ?
Annoncé par Emmanuel Macron dans son allocution du 14 juillet dernier, le plan de relance a été présenté par le Gouvernement jeudi 3 septembre. Doté d’une enveloppe de près de 100 milliards d’euros, il vise à soutenir l’économie française, durement éprouvée par la pandémie de Covid-19, en limitant l’ampleur de la récession et en restaurant la confiance des acteurs privés, ménages et entreprises.
Un contexte marqué par une récession d’une ampleur sans précédent…
L’ampleur historique de la récession prévue pour l’économie française pour l’année 2020 est la principale motivation à l’adoption d’un tel plan de relance. Dans son actualisation de son point de conjoncture, le 8 septembre, l’INSEE a confirmé sa prévision d’un recul de l’activité économique de près de 9 % en 2020.
Selon les premières estimations de l’Institut, la perte d’activité a été de 5,3 % et 17 % respectivement au premier et deuxième trimestres 2020. La Banque de France tient un constat similaire et anticipe qu’il faudra attendre le troisième trimestre 2022 pour retrouver le niveau d’activité du début de l’année 2020. Les dernières prévisions de la Banque de France dessinent, en effet, une reprise économique en forme de « demi V », ou, pour reprendre les termes du Gouverneur Villeroy de Galhau, « en aile d’oiseau ».
Cette récession fait, d’ores et déjà, sentir ses premiers effets. Selon des données publiées par l’INSEE mardi 8 septembre, l’emploi salarié a reculé de près de 0,9 % au cours du deuxième trimestre, ce qui correspond à 215 000 destructions nettes d’emplois. A terme, la récession devrait provoquer une augmentation sensible du chômage, ainsi que des défaillances d’entreprises.
En tentant de relancer l’économie, le gouvernement espère pouvoir atténuer les effets négatifs de cette récession, notamment sur le niveau de chômage et le pouvoir d’achat des ménages.
… et une dégradation de la confiance des acteurs privés
Outre le soutien direct à l’économie, le plan de relance du gouvernement a pour objectif de restaurer la confiance des acteurs privés, ménages et entreprises. La crise économique actuelle, provoquée par un facteur extérieur au système économique – la pandémie de Covid-19 –, est particulièrement singulière. Elle génère à ce titre davantage d’incertitudes que les crises précédentes qui trouvaient leur cause immédiate dans un phénomène économique et/ou financier déterminé, telles que le krach de 1929 provoqué par l’effondrement de Wall Street ou encore la crise des subprimes de 2008-2009 causée par les dérèglements sur le marché du crédit et le retournement du marché immobilier américain.
Les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture auprès des ménages témoignent, d’ailleurs, de cette forte incertitude. Alors qu’il était de 104 en janvier 2020, l’indice synthétique de confiance des ménages atteint désormais 94, signe que la pandémie a généré de la défiance. L’enquête révèle, de plus, que les ménages sont, aujourd’hui en comparaison avec le début de l’année, plus pessimistes quant à l’évolution future du niveau de vie en France, jugent davantage opportun d’épargner et craignent la montée du chômage. Autant de facteurs qui expliquent le repli de la consommation observé par l’INSEE.
Crise économique et consommation de biens durables : le précédent de la Grande Dépression
Le krach de 1929 et la Grande Dépression qui s’ensuivit dans les années 1930 étaient, jusqu’à très récemment, considérés comme la crise la plus grave de l’histoire économique récente. Pour certains économistes, l’incertitude et la perte de confiance ont joué un rôle majeur dans la profondeur de cette crise. Ainsi, Christina Romer, professeure à Berkeley et ancienne conseillère économique de Barack Obama, explique dans un article resté célèbre de 1990 que l’ampleur de la Grande Dépression et la chute de la consommation aux Etats-Unis pouvaient s’expliquer par le seul fait que les ménages ont différé leurs achats de biens durables, dans un contexte de forte incertitude.
Quelles mesures pour ce plan de relance ?
Le plan de relance s’articule autour de trois axes.
30 Mds pour la transition écologique
Le premier porte sur la transition écologique et est doté de 30 milliards d’euros. L’ambition affichée est d’accomplir une « relance verte ». Pour cela, des fonds seront consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments pour un montant de 6,7 milliards d’euros, notamment à travers l’élargissement du dispositif MaPrimeRénov’ et la rénovation de bâtiments publics, à la décarbonation de l’industrie et à la transition agroécologique.
35 Mds pour la compétitivité
Le deuxième axe, doté de 35 milliards d’euros, vise à améliorer la compétitivité des entreprises nationales et à stimuler l’innovation. Ici, la mesure phare concerne la baisse des impôts de production, à hauteur de 20 milliards d’euros. Ces impôts portant sur la valeur ajoutée sont accusés de peser sur la compétitivité des entreprises, industrielles notamment. Autre mesure d’importance : 11 milliards d’euros seront alloués au quatrième programme d’investissements d’avenir, dit « PIA4 », qui a pour vocation de financer des technologies émergentes, ainsi que des projets de recherche au sein d’établissements d’enseignement supérieur.
36 Mds pour la cohésion sociale
La cohésion sociale et territoriale, à laquelle près de 36 milliards d’euros sont alloués, constitue, enfin, le dernier axe. Les principales mesures concernent la sauvegarde de l’emploi (7,6 milliards d’euros), notamment via des mesures de chômage partiel, un plan d’investissement dans la santé (6 milliards d’euros), ainsi que des mesures destinées à favoriser l’emploi des jeunes, en particulier grâce à la formation (1,6 milliards d’euros) et à des aides à l’embauche des jeunes (3,2 milliards d’euros).
Le plan de relance en débats
Comme souvent en économie, ce plan de relance a, depuis sa présentation, suscité de nombreux débats et discussions. Ces derniers portent, tout d’abord, sur son ampleur.
Tel que présenté par Jean Castex, ce plan paraît en effet ambitieux : 100 milliards d’euros, ce qui représente un peu plus de 4 % du PIB français. A ce titre, il est bien plus important que le plan de relance adopté suite à la crise de 2008.
Or, ce plan de relance réunit des investissements et des dépenses déjà annoncés précédemment. Il faudra, en outre, attendre le projet de loi de finances pour l’année 2021, prévu pour fin septembre, pour connaître la répartition exacte entre les simples avances et les véritables investissements réalisés par l’Etat.
Plus problématique encore : la majorité des mesures de ce plan entrera en vigueur en 2021 et 2022, ce qui peut faire douter de son efficacité à très court terme.
Avec un tel plan de relance, le Gouvernement fait, ensuite, le pari d’une politique résolument orientée vers l’offre. Dans un contexte où l’épargne accumulée par les ménages français depuis le déclenchement de la pandémie a atteint près de 85 milliards d’euros, le Gouvernement n’a pas souhaité soutenir davantage le revenu des ménages et les a encouragés à convertir, dès à présent, cette épargne en consommation. Certains économistes avancent, toutefois, que des mesures ciblées vers les ménages les plus modestes auraient pu être efficaces, ceux-ci n’ayant pu que peu épargner au cours de la période de confinement et disposant d’une propension marginale à consommer plus élevée que des ménages plus aisés.
La dette publique devrait, enfin, s’accroître avec l’application de ces nouvelles mesures de relance. Bien que 40 milliards d’euros de ce plan de relance seront pris en charge par l’Union européenne, il devrait s’accompagner d’une augmentation de l’endettement public français. Bercy prévoit, ainsi, que la dette publique restera à un niveau proche de ou supérieur à 120 % du PIB jusqu’en 2025.
S’il existe un consensus parmi les économistes sur les bienfaits de cet endettement supplémentaire à court terme, dont le coût est faible par rapport à celui qu’aurait engendré l’inaction face à la récession, la question de son financement se posera tôt ou tard.