La directive européenne sur les services d’instruments financiers Outre le renforcement de l’obligation d’information et de conseil des particuliers qui souhaitent investir leur épargne dans des titres financiers, la directive a mis fin au monopole des bourses traditionnelles, qui existait notamment en France, sur les échanges de titres.
Le bilan de ces évolutions a fait l’objet d’un débat important lors des entretiens 2009 de l’AMF le mercredi 16 décembre. En 2010, les institutions européennes auront à se déterminer sur d’éventuelles modifications de la directive.
Concurrences prévues …et imprévues
La directive MIF avait prévu que deux types d’acteurs pourraient concurrencer les bourses classiques et réglementées : les « plates formes multilatérales de négociation », sortes de bourses alternatives et les « internalisateurs systématiques », supposés exécuter les ordres de leurs clients en dehors d’un marché réglementé ou d’un système multilatéral de négociation.
En fait il y a bien eu création de plates formes multilatérales et certaines ont pris des parts de marché significatives comme CHY X qui occupe la 4ème place en Europe derrière NYSE Euronext, London Stock Exchange et Deutsche Börse en termes de capitaux échangés, mais d’internalisateurs systématiques, il n’y en a pratiquement pas. En revanche, on a vu se développer des plates formes d’échanges de blocs d’actions opérés de façon confidentielle, d’où leur nom de « dark pools » gérées par les opérateurs de bourse ou par les banques pour leurs gros clients et eux seuls (« crossing network »).
Les objectifs de l’ouverture à la concurrence étaient d’abaisser le coût des transactions pour les investisseurs et les émetteurs, de favoriser les innovations techniques sources de baisse des coûts et d’améliorer la transparence et la protection des épargnants.
Bilan globalement… mitigé
Le débat organisé par l’AMF mettait en présence deux représentants des bourses réglementées, Roland Bellegarde, Vice-président exécutif chargé des activités Europe de NYSE Euronext et Xavier Rolet, directeur général de London Stock Exchange (LSE), un émetteur, Martin Bouygues PDG du Groupe Bouygues, un investisseur Helman Le Pas de Sécheval, directeur financier de Groupama, un banquier Philippe Lagayette, vice-président Europe de J.P. Morgan et Jörgen Holmquist, directeur général Marché intérieur et services à la Commission européenne.
2{Coût des transactions2}
La plupart des intervenants considèrent que le coût de la transaction au sens étroit du terme a baissé mais que le coût d’information et de recherche de l’exécution au meilleur prix et celui des opérations post transactions (compensation et règlement /livraison des titres activité très éclatée en Europe- lien avec mots du dico) a augmenté si bien qu’au total il n’y a pas de baisse des coûts globaux de transactions.
2{Concurrence et opacité2}
Les représentants des bourses traditionnelles dénoncent d’autre part une concurrence déloyale. « Toutes les plates formes alternatives travaillent à perte » constate Roland Bellegarde.Les entreprises émettrices semblent également déçues. « Nous sommes fâchés » a déclaré Martin Bouygues. Il déplore la difficulté d’avoir une information fiable sur le prix des actions de son entreprise du fait de la multiplication des plates formes. Bouygues n’a pas été en mesure de remplir ses obligations d’information sur les actions de l’entreprise dans son rapport annuel. Par contre les coûts de la cotation par Euronext ont augmenté. Et Martin Bouygues se dit également inquiet du fait que des opérations « malsaines » sur les actions cotées soient rendues plus faciles et moins détectables.
2{Faible impact sur la liquidité2}
Les intervenants ont également fait le constat que la fragmentation en plusieurs lieux de négociations ne s’est pas traduite par une augmentation globale de la liquidité. La mise en concurrence aurait dû entrainer une augmentation des volumes d’échanges consécutive à la baisse des coûts. Cela ne s’est pas réalisé. Par contre le montant de l’ordre moyen a baissé sur les bourses règlementées. Bien entendu dans le contexte de la crise l’interprétation de ces constats n’est pas simple : il est difficile de faire la part entre l’effet direct de la crise , l’impact des techniques des ordres électroniques à grande vitesse et l’impact de la directive qui a pu conduire à l’accaparement des ordres de grandes tailles par les dark pools et autres crossing networks Il reste que le fractionnement des marchés a favorisé le développement de l’activité « d’arbitrage » entre les différents lieux d’échanges d’un même titre.
2{Pas de retour en arrière2}
Jörgen Holmquist s’est dit surpris par cette avalanche de critiques. Il considère pour sa part que « globalement la directive est un succès ». Certes des ajustements seront sans doute nécessaires, mais pas un remaniement en profondeur. La discussion sur cette question n’en est qu’à ses débuts mais force est de constater qu’aucun participant au débat de l’AMF n’a prôné explicitement un retour en arrière. Plusieurs intervenants ont en revanche souligné la nécessité de progresser en profondeur sur la qualité de l’information après transactions et sur l’organisation au niveau européen des activités de compensation et de règlement-transaction.
Voir aussi : Les conclusions de Jean-Pierre Jouyet lors des entretiens 2009 de l’AMF