Les entretiens de la Faider (Fédération des Associations Indépendantes de Défense des Epargnants pour la Retraite) se sont déroulés le 6 avril 2009 au Sénat sur le thème « Les vérités sur l’épargne longue ». Comment l’épargne longue (par exemple celle que l’on fait en prévision de sa retraite) peut-elle répondre aux objectifs de l’investisseur tout en contribuant à un financement sain de l’économie ? Ce sujet était plus particulièrement abordé au cours d’une des tables rondes de la journée de débats.
Les trois conditions de Jacques Delmas-Marsalet, membre du collège de l’AMF, trois conditions doivent être respectées :
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En premier lieu l’épargnant doit s’engager contractuellement sur le long terme. Deux raisons le justifient : d’abord le fait qu’il existe une forte corrélation entre le couple rendement risque et la durée du placement. Par exemple, lorsque on investit dans une obligation, on a la garantie si l’on va jusqu’à l’échéance de retrouver le capital investi (sauf en cas de faillite) même si on ne fait pas disparaitre le risque lié à l’inflation. D’autre part, un lien contractuel de longue durée ( de 15 à 20 ans à comparer aux 8 ans de l’assurance- vie) permet à la banque ou à l’assurance à laquelle on s’adresse d’investir dans une structure de produits mieux adaptée au long terme..
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En second lieu, il faudrait privilégier les versements réguliers un peu sur le modèle des plans d’épargne. Cela permettrait de limiter les risques pris par les épargnants qui ont tendance à « mettre le paquet » en fin de période de hausse même lorsqu’ils s’inscrivent dans une perspective de longue durée.
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Enfin, il faut avoir une allocation d’actifs adaptée à tout moment à l’horizon de ses placements. La partie placements risqués doit être progressivement sécurisée au fur et à mesure que l’on se rapproche de la date de sortie de l’investissement.
Dans leur communication auprès des épargnants, les professionnels insistent trop souvent sur la disponibilité du placement qu’ils proposent au lieu d’expliquer les contraintes et les potentialités spécifiques de l’investissement de longue durée, conclut Jacques Delmas-Marsalet. « Il faut, dit-il, passer de la démagogie de la disponibilité du placement à une pédagogie de l’épargnant ».
Les Six recommandations de Michel Aglietta, professeur à l’Université Paris X Nanterre, conseiller du CEPII et de Groupama AM et co-auteur ( avec Sandra Rigot) du livre Crise et Rénovation de la finance paru en mars 2009.
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1 – Se persuader que le « métier » d’investisseur à long terme n’a rien à voir avec celui de spéculateur sur les marchés financiers. Il ne doit pas chercher à faire jouer un effet de levier excessif. Il ne doit pas être dans l’obligation d’obtenir des liquidités anticipées et de vendre des actifs « en détresse ». Il doit être patient et être en capacité de prendre des risques durables. Il doit avoir une gestion financière diversifiée.
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2 – Etablir une allocation stratégique dynamique. Un simple conseil d’un conseiller de clientèle qui préconise tel ou tel produit est le plus souvent loin d’être suffisant. Tout épargnant qui investit sur le long terme devrait pouvoir recevoir le type de conseil que fournit un conseiller professionnel de gestion de patrimoine.
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3 – Tenir compte de l’existence de cycles boursiers de long terme. Ils durent de 25 à 30 ans. Il y en a eu 5 depuis 1880. Depuis 2000, nous sommes dans une phase baissière qui devrait durer jusqu’en 2013/2015. Cela ne veut pas dire que la baisse va être continue et que le niveau actuel ne doit pas être considéré comme un niveau bas. Mais en investissant sut le long terme l’investisseur doit tirer i un meilleur parti de ces évolutions qui jouent sur de longs délais.
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4 – La diversification entre actions et obligations est un élément très important de la construction d’un portefeuille d’actifs qui puisse résister à la crise. Ainsi, dans la crise actuelle la baisse subie sur les actions s’accompagne d’une fuite vers la qualité et notamment vers les obligations publiques dont les prix montent. Un portefeuille diversifié composé d’actions représentatives et d’obligations permettra une meilleure résistance des performances. A l’inverse, il faut se garder de trop augmenter le poids des actions quand leur cours s’envole,
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5 – Il ne faut jamais investir dans des actifs dont on ne comprend pas ou dont on ne sait pas évaluer le risque. C’est plus qu’une recommandation. Cela doit être une véritable règle d’or.
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6 – S’inscrire dans le cycle de vie : celui qui investit sur le long terme doit se préoccuper des risques extra financiers. Lorsqu’il bénéficie d’une sécurité d’emploi et d’une perspective de salaire satisfaisants, il peut prendre davantage de risque en ce qui concerne la structure de son épargne financière et vice versa, si ses risques extra financiers sont importants.Le plan de retraite d’un jeune ménage qui s’endette pour construire son patrimoine immobilier peut néanmoins en matière d’épargne retraite être assez largement investi en actions. Mais il faudra moduler avec l’avancée en age et réduire progressivement cette part.
Un enterrement ? L’analyse d’Olivier Garnier, Directeur général adjoint de Société générale Asset Management en ce qui concerne l’investissement à long terme en actions.La crise actuelle remet elle en cause l’investissement à long terme en actions que l’on affirmait jusqu’ici être le plus rentable sur le long terme ?
Olivier Garnier fait part de résultats tirés d’un rapport qu’il a effectué avec David Thesmar pour le Conseil d’ Analyse Economique sur l’épargne à long terme et le risque financier à partir de statistiques des Etats-Unis, de France et de différents pays.
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1 – Plus la durée d’un investissement en actions est longue et plus le risque de perte diminue. En effet, on se rapproche, alors, du rendement historique moyen des actions.
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2 – En ce qui concerne la France, les statistiques établies sur la période 1854-2008 montrent que plus l’investissement est long et plus les investissements en actions sur performent (rapportent plus) fréquemment les investissements en obligations : pour un investissement sur un an les investissements actions obtiennent un meilleur rendement dans 52% des cas. Mais sur 30 ans c’est vrai dans 91% des cas et sur 50 ans sur 96%
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3 – La volatilité des rendements réels (c’est à dire la probabilité de subir des pertes) tend à diminuer avec la durée de détention des actions tandis qu’elle augmente pour la détention des obligations des obligations notamment au-delà de 20 ans. Loin d’enterrer l’investissement à long terme en actions Olivier Garnier tire deux conclusions de ces résultats :
– Il existe une bonne complémentarité entre le système de retraite par répartition et l’épargne retraite à cotisation définie ( PERP et PERCO dans laquelle on peut investir en prenant relativement plus de risque dans l’allocation de son épargne.
– L’allocation en actions d’un investissement ne doit pas être figée. Il convient dit Olivier Garnier d’avoir un comportement « contrariant » par rapport aux évolutions du marché c’est-à-dire ré augmenter la pondération « actions » de son portefeuille lorsque les cours sont très bas et inversement lorsque les cours sont élevés.
Tout comme Jacques Delmas-Marsalet et Michel Aglietta, Olivier Garnier préconise de tenir compte de l’horizon de l’investissement résiduel pour le sécuriser davantage au fur et à mesure que l’horizon de l’investissement se rapproche.