Plusieurs initiatives récentes viennent confirmer que l’enseignement de la finance personnelle (« personal finance ») fait désormais l’objet d’une véritable croisade aux Etats-Unis : après la création en janvier dernier d’un Conseil de l’Education Financière placé auprès du Président des Etats-Unis, le Congrès américain déclare le mois d’avril comme mois de l’Education Financière (« Financial Literacy », en anglais). Cette actualité est l’occasion pour The Economist d’un article complet sur les expériences d’éducation financière dans les pays ango-saxons ou en développement.
Rien sur la France. Cela veut-il dire que nous serions le seul pays au monde à n’avoir pas besoin d’engager un vaste effort de pédagogie financière ? Ou que nos gouvernants, nos éducateurs, nos banquiers n’ont pas encore pris la mesure de cette nécessité ?
Si l’Autorité des Marchés Financiers a porté le projet de création de l’Institut pour l’Education Financière du Public, c’est bien que cette nécessité commence à être comprise par certains. Mais sa dimension est loin d’être mesurée. Il n’y a pas encore en France, comme aux USA, en Grande-Bretagne, en Irlande et aux Pays-Bas, au Vietnam, en Afrique du sud et dans bien d’autres pays en développement, la conscience qu’il faudrait dès l’école primaire commencer à familiariser les enfants avec les notions de budget et d’épargne.
Le socle commun des connaissances et des compétences , qui définit ce que doit savoir tout élève ayant seulement suivi le cursus obligatoire, inclut l’apprentissage de notions juridiques de base, comme « le principe de responsabilité et la notion de contrat, en référence à des situations courantes (signer un contrat de location, de travail, acquérir un bien, se marier, déclarer une naissance, etc.) ». Cette liste non-exhaustive pourrait explicitement citer « la convention de compte » dont la signature est obligatoire lors de toute ouverture de compte bancaire! Le socle commun comprend également l’acquisition de « quelques notions de gestion (établir un budget personnel, contracter un emprunt, etc.) … ». Mais où apprend-on de telles choses ? De même, la compréhension « des notions de ressources, de contraintes, de risques … » fait partie des connaissances élémentaires à acquérir. Mais où et quand apprend-on en quoi consistent les risques financiers, et comment essayer de se prémunir contre eux ?
Gageons que les expériences étrangères, qui seront d’ailleurs à l’ordre du jour d’un Forum organisé début mai à Washington par l’OCDE et le Trésor américain, éveilleront l’intérêt et provoqueront des réactions en France. Même si notre taux d’épargne de 15% – qui se situe dans la moyenne européenne – va de pair avec une certaine prudence de comportement, nous ne pouvons ignorer ni la mondialisation, ni la nécessité croissante d’épargner à titre personnel pour financer sa retraite ou les études de ses enfants, ni les comportements d’épargne irrationnels qui nous font acheter au plus haut et vendre au plus bas, ni la mauvaise allocation de l’épargne, ni la mauvaise image de la finance et de l’économie.
A l’heure où se développe en France un débat sur l’enseignement des sciences économiques et sociales à l’école, pourquoi ne pas y intégrer la dimension « finances personnelles » ? Expliquer à nos adolescents à quoi sert l’argent et qu’il ne tombe pas du ciel, l’intérêt de faire un budget et d’épargner pour mener à bien ses projets, le rôle de l’assurance pour se protéger contre les accidents de la vie et l’importance de s’assurer, mais pas trois fois pour le même risque, tous ces sujets devraient faire partie de l’enseignement de base ; ils ne s’apprennent pas si facilement sur le tas, puisque, même adultes, les Français n’ont pas les connaissances de base qui leur permettraient de comprendre les placements financiers qu’on leur propose. Interrogés sur le sens de quatre termes (dividende, SICAV, Obligation et PERCO), les Français ont du mal à sélectionner la bonne définition parmi celles qu’on leur propose. C’est ce qu’a révélé un sondage réalisé fin 2004 par la SOFRES pour l’AMF.