Les derniers chiffres publiés par les notaires de France soulignent une nouvelle fois la forte progression des prix de l’immobilier sur notre territoire, et en particulier en Ile de France. On peut alors raisonnablement se demander si la hausse importante de ces prix sur les dernières années n’est pas le reflet d’une bulle immobilière, dans un contexte économique qui demeure morose.C’est ce que pense Jacques Friggit, économiste au CGEDD (Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable). Selon lui les prix devraient sensiblement chuter dans les prochaines années.
Une déconnection entre l’évolution des prix immobiliers et celle du revenu disponible
Selon les statistiques publiées en novembre dernier par les notaires de France, au second trimestre 2010, le prix des appartements anciens a progressé en un an de 6,3 % sur toute la France. L’Ile de France et Paris ont enregistré de très fortes hausses, avec des progressions respectives de 8,6% et 9,8%.
En tenant compte des indicateurs fournis par les Notaires de France et l’Insee, entre le premier trimestre 1996 et le premier trimestre 2010, les prix des logements anciens en France ont été multipliés par 2,4.
L’évolution du revenu disponible par ménage n’a pas du tout suivi la même progression. Selon l’Insee, entre 1996 et 2008 (l’indicateur n’est pas disponible pour 2010) le revenu disponible moyen par ménage a été seulement multiplié par 1,14. Même si la situation économique s’est redressée depuis 2008, la reprise (et avec elle une nette progression des revenus) ne s’est pas encore manifestée.
Ce phénomène est souligné par la courbe de Jacques Friggit
Comme indiqué par la courbe ci-dessous, entre 1965 et 2000, à quelques exceptions près, l’indice du prix des logements anciens a augmenté parallèlement au revenu disponible par ménage, en respectant une marge de fluctuation de plus ou moins 10 %. Le ratio entre les deux indicateurs s’inscrit ainsi dans un « tunnel ».
Une exception s’est produite à la fin des années 1980 pour Paris et l’Ile de France et quelques régions comme les Alpes Maritimes. Elle s’est traduite par une forte hausse du prix des logements qui n’a pas duré car dans les années 1990 ces prix sont revenus à des niveaux leur permettant de s’inscrire à nouveau dans le « tunnel ». A noter que le décrochage était manifeste pour Paris et l’Ile de France et moins marqué pour le reste du territoire.
Toutefois depuis 2000 les prix se sont envolés et le retour vers le « tunnel » ne s’est toujours pas produit. Le décrochage est, cette fois, de forte amplitude pour toute la France.
Source : http://www.cgedd.fr
Le phénomène est encore plus marquant lorsqu’on procède à une comparaison internationale. Depuis 2005, l’écart entre le revenu disponible des ménages et les prix immobiliers est plus élevé en France qu’au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis.
Source – étude notaires de France (www.notaires.fr)– note de conjoncture – novembre 2010
Des données structurelles qui n’expliquent pas à elles seules l’envolée des prix
Plusieurs caractéristiques structurelles du marché immobilier français sont évoquées pour expliquer cette hausse des prix. Elles conduiraient à un excès de la demande immobilière par rapport à l’offre. Or cela n’expliquerait qu’une part minime de la hausse des prix selon Jacques Friggit.
La première explication concerne une offre insuffisante de logements. Toutefois, d’après l’économiste, la mise sur le marché de 300.000 logements supplémentaires n’aurait permis qu’une réduction de 1 % à 2 % des prix.
Deuxième explication structurelle donnée : les ménages, soucieux du financement de leur retraite, envisagent les placements immobiliers comme une source de revenus futurs, ce qui soutient l’investissement immobilier locatif et donc les prix. Jacques Friggit souligne que le vieillissement de la population tend plutôt à une modération des prix. En effet, la proportion des ménages de plus de 56 ans s’accroît alors qu’à cet âge là ils sont plutôt vendeurs nets de leurs actifs immobiliers.
Troisième explication donnée, la demande en provenance d’acteurs étrangers. Elle serait marginale selon Jacques Friggit.
Quant au desserrement des ménages (les ménages français sont composés d’un nombre moins important de personnes ce qui soutient la demande de logements), il ne serait pas une nouveauté.
Une hausse des prix qui serait expliquée par des facteurs conjoncturels
Jacques Friggit affirme que la moitié de la hausse des prix (au plus) proviendrait des conditions de financement depuis les années 2000. Ces conditions se caractérisent par une baisse des taux (de l’ordre de deux points) et un allongement de 7 ans de la durée des prêts. L’assouplissement des conditions de financement permettrait alors aux ménages d’acheter des logements plus chers, exerçant une pression à la hausse sur les prix immobiliers.
La capacité d’endettement des ménages serait artificiellement améliorée, sans fondement solide, tel qu’une amélioration des revenus.
Il est vrai que la dernière étude de l’Insee souligne que les dépenses de logement représentent une part croissante des revenus des Français. Toute la question est de savoir si cette situation est réellement tenable.
Autre facteur conjoncturel : le détournement des investisseurs des marchés financiers. Les obligations sont boudées car leur rendement est jugé trop faible et les actions suscitent la méfiance car elles sont considérées comme des placements trop risqués. Jacques Friggit évoque la « myopie » pour qualifier une telle attitude de la part des investisseurs.
Une baisse qui serait inévitable dans les années à venir
Quelle sera la vitesse de retour vers le tunnel ?
Deux scenarios sont envisagés par Jacques Friggit.
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Dans un cas les prix des logements resteraient stables sur une période de 15 à 20 ans. Dans ce scénario « lent » c’est sous l’effet de l’augmentation du revenu par ménage que la courbe se retrouverait dans le tunnel.
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Dans un autre scénario, qui apparaît à Jacques Friggit comme étant le plus probable , les prix baisseraient de 35 % en cinq à huit ans. Ce retour vers le tunnel serait beaucoup plus rapide que dans le premier cas.
Pour aller plus loin :
Note de conjoncture immobilière des notaires de France
Sur la théorie de Jacques Friggit concernant le prix des logements sur le long terme