Le crédit revolving deviendrait il enfin un « crédit responsable » ?
C’est l’un des sujets – sans doute le plus polémique – du projet de loi en préparation sur le crédit à la consommation sur lequel consulte actuellement le Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi (consulter le dossier du MINEFE à la suite de la réunion du lundi 16 mars avec les associations de consommateurs).
De quoi parle-t-on ?
Quelques chiffres sur ce que représente en France le crédit revolving ou renouvelable (chiffres à fin 2007, sources rapport Athling) :
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L’encours de crédit revolving était de 28,9 milliards d’euros (second rang européen derrière le Royaume-Uni avec 90 Milliards €),
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Le crédit revolving représente 20,3 % du crédit à la consommation,
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La part du crédit revolving est passée de 27 % à 20,3 % entre 1998 et 2007 essentiellement au profit du prêt personnel, qui croît de 36 % à 52% dans la même période, les premiers étant majoritairement distribués par les établissements spécialisés (Cetelem, Cofinoga, Sofinco, Finaref…. ), les seconds étant essentiellement distribués par les banques.
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La part de la consommation financée par le crédit revolving est de 2,7 % et recule depuis 2005.
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L’encours de crédit revolving par ménage (tous les ménages y compris ceux qui n’ont pas de crédit revolving) est de 1105 €.
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85,5 % des dossiers de surendettement comportent au moins un crédit revolving. La moyenne des crédits revolving pour ces dossiers est de 5 crédits.
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Le nombre de comptes de crédit revolving ouverts est de 43,2 millions et le nombre de comptes actifs (enregistrant au moins un paiement d’intérêt) est de 46 % soit moins d’un sur deux.
Ces chiffres montrent , la diffusion du crédit revolving auprès des ménages mais aussi une évolution qui va dans le sens de sa décroissance même si le « revolving » reste associé aux situations de surendettement.
La réforme du crédit à la consommation
Saisissant l’occasion de la transposition en droit interne de la directive sur le crédit à la consommation en date du 23 avril 2008 le gouvernement a choisi de réformer le crédit à la consommation et principalement le crédit revolving.
Les principales orientations du projet de loi – non rendu public et dont le débat parlementaire est annoncé pour avant l’été – ont donc été présentées aux associations de consommateurs, le 16 mars.
Plusieurs mesures résultent de la simple transposition de la directive, en particulier le relèvement de 21 500 € à 75 000 € du montant des prêts relevant du code de la consommation et l’allongement de 7 à 14 jours du délai de rétractation.
La notion de « responsabilité » est centrale dans la réforme. Le crédit est ainsi présenté comme un acte qui « engage », et dont les conséquences peuvent être importantes pour les ménages. S’il est « utile », le crédit doit aussi être « responsable », une responsabilité qui doit être partagée entre l’emprunteur et le professionnel.
Sans surprise, le gouvernement s’attaque aux publicités jugées agressives mais qui, surtout, ne donnent pas les bonnes informations : pour souligner que le produit est bel et bien un crédit, à l’avenir, toute publicité devra comprendre une mention obligatoire et qui sera identique pour toutes les publicités : « Un crédit vous engage et doit être remboursé ». Autre facteur de confusion et d’incertitude sur le crédit revolving, son coût réel : toute publicité pour un crédit devra illustrer son coût par un exemple standardisé et représentatif, qui sera le même pour toutes les publicités. Notons toutefois que le caractère renouvelable du crédit revolving empêche tout calcul du coût réel. Comme le souligne le rapport Athling, le TEG n’est pas toujours un indicateur pertinent car le coût du crédit dépend très largement du mode et de la durée d’amortissement.
De fait, le crédit doit se rembourser ! C’est-à-dire que ses échéances doivent non seulement prévoir le paiement d’intérêts mais aussi une partie du remboursement du capital emprunté. L’idée parait a priori surprenante, tout crédit doit nécessairement être remboursé ! Mais l’une des dispositions clés autour de la réforme concernera le remboursement effectif des crédits revolving, alors qu’aujourd’hui le remboursement du capital est souvent lent et onéreux, du fait des faibles mensualités de remboursement en capital la plupart du temps prévues dans les contrats. Rappelons en effet que les intérêts versés sont calculés sur la part du capital restant dû ; dès lors, si l’emprunteur a des mensualités trop faibles, il rembourse peu de capital, et essentiellement des intérêts, et mettra très longtemps à rembourser.
Les futurs relevés de comptes de crédit revolving devraient d’ailleurs fournir une nouvelle information, très pertinente, puisqu’il s’agit d’une évaluation de la durée que prendra le remboursement du crédit, toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire si la mensualité et le tirage sur le capital restent les mêmes.
Un volet important de la réforme concerne la distribution du crédit revolving sur les lieux de vente. Par « lieux de vente » on vise surtout les enseignes de la grande distribution : quand on considère que près de 54 % des comptes de crédit revolving sont ouverts par le canal de ces enseignes (à noter par exemple le poids du revolving dans le secteur de la VPC : 40 % du chiffre d’affaires), on comprend les enjeux : améliorer substantiellement l’information des consommateurs par les vendeurs, et mettre en place par les professionnels du crédit des systèmes de contrôle sur la solvabilité du client, alors que ces professionnels sont fréquemment non présents physiquement sur ces lieux de vente.
Pour que l’information soit nettement renforcée, comme l’impose la directive européenne, le prêteur aura un « devoir d’explication » auprès de l’emprunteur. La personne qui distribue le crédit sur le lieu de vente aura également l’obligation de remplir avec le consommateur une « fiche de dialogue et d’information » faisant un état des revenus et de l’endettement de l’emprunteur.
Ces deux principes doivent, du point de vue de lafinancepourtous, s’accompagner de mesures concrètes d’éducation des clients comme des vendeurs. Cet avis est partagé par les auteurs du rapport Athling, qui proposent de « mettre en place un cursus de formation au crédit du vendeur en magasin », et de « prévoir dans le cursus scolaire des enseignements sur la gestion budgétaire ». Et nous préparons des outils adaptés.
La réforme prévoit un contrôle de la commercialisation du crédit revolving sur les lieux de vente par les services de la Commission Bancaire. Réforme loin d’être superflue, qui semble traduire une prise de conscience forte par le gouvernement que les conditions de commercialisation du crédit revolving ne sont pas toujours idéales…
Ce nouvel « arsenal » sera-t-il suffisant pour responsabiliser le crédit revolving ?
Prochaines étapes : mi-avril, finalisation du projet de loi, fin du printemps/début de l’été : examen du projet de loi par le Parlement.
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