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Une chute de 22% en une semaine, et de 44% depuis le début de l’année.
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Un pessimisme moutonnier
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Des ventes en urgence et à prix bradés
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Spéculation à la baisse, acheteurs à l’affut
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L’anticipation da la récession
D’abord un tableau et quelques chiffres
pour bien prendre la mesure de ce qui se passe.
Ce graphique retrace l’évolution du CAC 40, l’indice vedette représentatif du cours des grandes entreprises cotées à la bourse de Paris, depuis 10 ans (octobre 1998 au 10 octobre 2008).
A sa création fin 1987, l’indice était à 1000 points. 8 ans après, fin 1996, il avait été multiplié par 2 soit une augmentation annuelle moyenne nominale de 9%. Deux ans plus tard fin 1998 la croissance des valeurs « internet » a commencé et l’indice a doublé. Il est à 4000 points. Et au sommet de la « bulle » internet en 2000 il atteint 6800 points. La bulle « éclate », la chute est massive. En trois ans, l’indice recule de plus de 50% et se retrouve en mars 2003 un peu au-dessus de 2500 points. Avant d’entamer une nouvelle hausse à un rythme de près de 20% par an et de se retrouver un peu au-dessus de 6000 points au début de la crise des subprimes en juillet 2007. Depuis le recul est massif et la pente est plus raide encore qu’en 200/2003. Baisse de 10% en 2008, de 20% de janvier à début septembre et de près de 30% depuis septembre. On était à 3150 points le 10 octobre après avoir enregistré pendant plusieurs jours des baisses quotidiennes de 6 à 8%.
Les indices représentatifs du cours des actions cotées sur les autres bourses européennes montrent des évolutions équivalentes.
Les deux indices représentatifs des actions américaines ont un profil un peu différent sur la période 2000/2003, parce que l’indice Nasdaq concentre les valeurs « technologiques ». Il a été particulièrement sensible à l’éclatement de la crise des subprimes. Mais depuis 1 an et ½ les évolutions sont très semblables à celles des bourses européennes.
Comme on le voit la chute très massive actuelle rapproche du point bas atteint en 2003 mais les prix moyens sur les marchés actions évalué par l’indice CAC 40 sont encore supérieurs de 25%. Et le niveau actuel correspond à une croissance annuelle moyenne de 6% depuis la création de l’indice il y a 20 ans.
Ensuite les explications
Il faut s’y faire, le fonctionnement de la bourse est décidément par nature « autoréférentiel ».
Ce n’est pas un marché efficient. L’économiste anglais du siècle dernier, John Maynard Keynes, réfléchissant sur l’expérience de la crise de 1929, avait en 1936 comparé le fonctionnement de la bourse à un concours de beauté où le jeu consiste à choisir qui sera élue reine de beauté. Il ne faut pas raisonner sur ses goûts personnels. Il faut déterminer le consensus des autres acteurs. Le choix d’un joueur se porte sur la candidate dont il pense que les autres la choisiront. Le prix d’une action ou globalement le prix moyen des actions et leur évolution se forme ainsi par « convention » exprimant ce consensus. Il ne s’établit pas forcément au niveau de la valeur économique fondamentale de la ou des entreprises cotées correspondant à l’anticipation de la somme des dividendes futurs. Au contraire, il tend à se succéder des phases d’essor, puis d’euphorie (caractérisée par l’emballement des croyances que les profits et les prix des actifs vont augmenter), puis de retournement suivie d’un reflux et d’une phase de pessimisme inverse en quelque sorte de l’euphorie.
Les marchés actions subissent actuellement ce phénomène de plein fouet. Le pessimisme des investisseurs alimente et justifie celui des autres et auto-réalise cette convention. Il faut, pour en sortir, un événement qui puisse fonder une opinion différente commune, une convention nouvelle des investisseurs. Les pouvoirs publics, les dirigeants des Etats, des Banques centrales et des institutions internationales s’y emploient par leur politique monétaire, leur coordination, et les décisions de recapitaliser les banques. Jusqu’ici cela n’avait pas changé la donne. Mais après la chute record de la semaine qui s’est achevée le 10 octobre, les réunions des dirigeants du G 7 puis ceux des pays de l’Eurogroupe et les décisions coordonnées annoncées, les choses ont peut être comméncé à changer .
Un deuxième facteur tend en effet à pousser à la baisse et à alimenter le pessimisme : c’est la situation financière de nombreux intervenants sur le marché qui les conduisent à vendre des actifs sur le marché.
La phase d’euphorie n’est pas seulement un emballement de la hausse des prix des actifs, mais également un emballement du crédit et de l’endettement,l’un et l’autre s’entretenant. Le surendettement devient manifeste avec le retournement et le reflux du prix des actifs. Ceux qui se sont endettés, y compris pour spéculer, ont de plus en plus de mal à trouver des crédits et doivent vendre leurs actifs en urgence, pour faire face à leurs échéances. Les innovations financières ont, comme on le sait, poussé très loin et très fort la mécanique de l’emballement et de l’enchevêtrement des crédits et des dettes. Par contre-coup, le mécanisme des ventes d’actifs en urgence et à prix bradé est également très puissant. Le rapport annuel de la Banque des Réglements internationaux (BRI) soulignait ce risque dès juin 2008 : « Au sein du secteur financier, l’interaction la plus déterminante s’exerce entre les établissements et les marchés. Ayant des difficultés à estimer leurs besoins futurs en fonds propres et en liquidités, avec l’accumulation des pertes et le gonflement non voulu des bilans, les banques sises dans les principaux centres ont déjà réduit l’offre de crédit aux établissements financiers et durci leurs conditions concernant les dépôts de garantie, deux tendances qui pourraient bien s’accentuer. De leur côté, les emprunteurs qui ne peuvent pas satisfaire aux exigences accrues pourraient être obligés de brader des actifs sur des marchés qui demeurent illiquides en dépit des interventions exceptionnelles des banques centrales. Pareilles « ventes au rabais » pourraient avoir un impact non négligeable sur les prix, ainsi que sur les fonds propres des établissements financiers ».
Un troisième facteur tient à la poursuite de la spéculation, cette fois ci à la baisse, par ceux qui le peuvent encore. Les dispositifs d’interdiction des ventes à découvert (lien avec le mot) n’ont pas supprimé les mécanismes de spéculation à la baisse. Et même sans cela, les acteurs qui ont des liquidités disponibles peuvent se contenter d’attendre pour racheter à bas prix.
En voici ci-joint une illustration extraite du Docteur Mabuse, film de Fritz Lang d’avant la crise de 1929.
Quatrième moteur de la baisse enfin, les anticipations négatives portant sur l’évolution économique de l’ensemble des secteurs d’activité.
Le ralentissement économique est fort. On craint qu’il ne tourne à la récession et que celle-ci soit assez longue. Pas de reprise avant la fin 2009, a dit le FMI. Dans ces conditions, les investisseurs anticipent un ralentissement des profits voire un recul y compris dans les grandes entreprises de dimension internationale. Les craintes sont différentes selon les entreprises et selon les secteurs d’activités. Cela se reflète dans les évolutions différenciées des cotations. Les cours de certaines entreprises résistent mieux que d’autres y compris parmi les banques. Les investisseurs pensent sans doute que « au bout du compte » il y aura peut être des « cadavres », mais il y aura également des survivants.
Il reste que dans l’ensemble, les niveaux de prix actuel des actions ne sont pas justifiés par les évolutions prévisibles des profits si la récession n’est pas trop profonde et ne dure effectivement que jusqu’à la fin 2008. Cela veut donc bien dire que les investisseurs sont sous l’emprise du pessimisme, soit qu’ils surévaluent l’effet de la récession sur les profits, soit qu’ils ne croient pas aux prévisions d’une récession finalement ni trop longue ni trop dure et qu’ils pensent …que les autres pensent qu’elle sera plus profonde ou plus durable.
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