Epargner à long terme et maîtriser les risques financiers

la finance pour tous

Le choc de la crise est brutal pour les systèmes de retraite dans lesquels les fonds de pension occupent une part essentielle. Leurs pertes sont équivalentes à 22% du PNB aux États-Unis et à 31% au Royaume Uni. Sur 25 000 milliards d’actifs financiers en 2008, l’OCDE estimait que ceux-ci avaient perdu, rien que pour l’année 2008, environ 5 000 milliards de dollars.

Les Français auraient donc quelques bonnes raisons de se féliciter aujourd’hui d’avoir un système de retraite bâti très largement sur la répartition. Pourtant, cette satisfaction n’empêche pas que la crise aggrave considérablement le déséquilibre de leur financement du fait de la baisse des cotisations liées à la chute de l’emploi. La question de l’épargne de longue durée se pose donc en France comme ailleurs.

Comment à l’avenir les ménages vont-ils pouvoir obtenir une épargne à long terme suffisamment rémunératrice, sans être excessivement exposés aux risques financiers ?Quel rôle peuvent et doivent jouer les politiques publiques pour aider les épargnants à faire face à cet enjeu ? Le rapport « épargner à long terme et maitriser les risques financiers » d’Olivier Garnier et David Thesmar pour le Conseil d’Analyse Economique publié fin mai 2009, cherche à apporter des réponses à ces questions.

Les besoins des ménages

Le rapport aborde le sujet de l’épargne du point de vue des besoins des ménages-épargnants plutôt que de celui du financement de l’économie. C’est, disent les auteurs, un parti pris qui s’inscrit à rebours de l’approche traditionnelle de la politique de l’épargne en France. Celle ci a jusqu’ici accordé la primauté aux considérations de financement de l’économie nationale. Pour Olivier Garnier et David Thesmar, la mondialisation des marchés de capitaux, d’une part, et la difficulté croissante des systèmes sociaux à fournir des protections suffisantes, d’autre part, incitent à remettre les ménages au centre des préoccupations de la politique de l’épargne. Cela ne veut bien sûr pas dire que les problèmes de financement de l’économie nationale n’importent plus, ni que la politique de l’épargne ne doit plus du tout en tenir compte. Mais il conviendrait de ne plus leur accorder la primauté par rapport aux besoins des ménages. Un autre membre du CAE, Roger Guesnerie, apportant ses commentaires à la suite même du rapport comme cela se fait pour tous les rapports du CAE, se dit sceptique quant à l’adoption de ce parti pris qu’il trouve insuffisamment justifié par les auteurs du rapport.

Les principaux éléments de constat sur le patrimoine financier des ménages français.

Les données sont connues : Les Français donnent la priorité au patrimoine immobilier. Du coup, leur patrimoine financier est relativement modeste. Ils privilégient les placements financiers liquides et pas (ou peu) fiscalisés. Et la possession d’actions directement ou indirectement via les fonds de placements collectifs est moins fréquente dans la population, que dans les pays anglo-saxons et d’Europe du nord. Selon les auteurs, « ces différences s’expliquent largement par le mode de financement des retraites ».

La question de la rentabilité et du risque des actions.

Selon les auteurs, les résultats de l’année 2008 ne remettent pas en cause l’intérêt d’investir en actions dans une perspective à long terme, mais ils contredisent l’idée selon laquelle les actions ne sont plus risquées lorsqu’on les détient suffisamment longtemps : En premier lieu, soulignent ils,« suffisamment longtemps » cela peut être excessivement long pour le cycle de vie d’un épargnant. En second lieu, expliquent ils, ce n’est pas tant le risque du placement action qui diminue avec la durée du placement que le risque supplémentaire pris à investir en actions plutôt qu’en placements obligataires ou en placements monétaires..En troisième lieu, la rentabilité à long terme des actions dépend de façon cruciale du niveau de prix des actions au moment de leur achat.

Selon les auteurs, c’est de ce point de vue un bon moment d’acheter compte tenu du niveau actuel des prix des actions du moins pour un « épargnant de long terme » :« le couple rentabilité/risque des actions est aujourd’hui bien plus favorable qu’il y a dix ans ».

Les épargnants sont très loin de se comporter comme ils le devraient, du moins selon ce qu’enseigne la théorie financière.

Par exemple, leurs placements en bourse sont trop peu diversifiés. Ils exécutent trop de transactions, Ils achètent lorsque les prix sont hauts et vendent lorsqu’ils sont bas. Pour choisir leurs fonds d’investissement collectifs, ils accordent trop d’importance aux performances passées, et pas assez aux frais de gestion.

Les épargnants sont très loin de se comporter comme ils le devraient, du moins selon ce qu’enseigne la théorie financière. Par exemple, leurs placements en bourse sont trop peu diversifiés. Ils exécutent trop de transactions, Ils achètent lorsque les prix sont hauts et vendent lorsqu’ils sont bas. Pour choisir leurs fonds d’investissement collectifs, ils accordent trop d’importance aux performances passées, et pas assez aux frais de gestion.

Recommandations

  • Celles-ci concernent d’abord le système de retraite. Selon les auteurs, afin de bénéficier de la complémentarité entre système de retraite par répartition et système par capitalisation à cotisations définies, il faut prioritairement développer la part de cette dernière. Ils préconisent à cet effet de faire peser tous les effets de la crise en matière de retraite sur le système par répartition et donc de « maintenir au minimum (c’est-à-dire de maintenir ou de baisser) les taux de cotisations à leur niveau actuel, et de réduire en conséquence les taux de remplacement à venir. »

  • En ce qui concerne la fiscalité, les auteurs préconisent une imposition des revenus de l’épargne (y compris contributions sociales) avec une assiette et un taux uniques.Ils préconisent de plus une taxation à taux zéro (c’est-à-dire pas d’imposition, ce qu’on appelle un « abattement fiscal ») jusqu’à un niveau de revenus tirés de l’épargne correspondant aux intérêts que rapportent cumulés les livrets actuellement défiscalisés( livret A , LDD etc ) remplis au maximum. Cet abattement se substituerait à l’exonération des intérêts sur les Livrets qui serait supprimée. Des exonérations ou déductions seraient par contre ajoutées pour les revenus de l’épargne bloquée à long terme afin de favoriser l’épargne retraite en général et non plus tel ou tel type d’investissement.

  • Enfin pour compenser les difficultés des ménages à prendre des décisions financières adaptées, et maitriser les risques financiers qu’ils prennent, les auteurs parlent d’une façon générale du besoin d’éducation financière. Leurs propositions ne portent cependant que sur le besoin de porter une attention particulière aux investissements « proposés par défaut ». (Par exemple, dans quel fonds de placement les sommes versées sur un PEE ou un PERCO vont-elles être investies lorsque l’épargnant n’exprime pas de choix).

Porter attention à la question du choix par défaut est, à notre sens, tout à fait nécessaire mais cela ne constitue pas un remède miracle. Car rien ne garantit que « le choix par défaut » soit le mieux adapté aux besoins spécifiques de chaque épargnant. N’opposons pas les choses :le développement de l’éducation financière n’est certes pas lui non plus la panacée universelle, mais il est tout aussi nécessaire. Comme le sont les améliorations dans le domaine de la régulation et toutes les autres dimensions de la protection des épargnants nullement évoquées dans le rapport du CAE.

Pour aller plus loin :

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Voir l’interview en vidéo de M.Thesmar