Les craintes d’une nouvelle crise bancaire relancent la question d’une réforme des structures bancaires. Le modèle de la « banque à tout faire » (la banque universelle) qui domine en Europe et notamment en France est-il encore le plus solide pour éviter le renflouement des banques par les contribuables et le plus efficace pour l’économie ? Ou faut-il séparer les activités de banque de dépôts de celles de banque d’investissement ?
En Angleterre, la réforme des banques préconisée par la Commission Vickers qui a remis son rapport définitif le 12 septembre serait une petite révolution.
Des mesures radicales
Dans la City, on parle déjà de la réforme la plus radicale depuis les lois du Financial Services Act votées en 1986. Mise en place l’année dernière par David Cameron, une commission indépendante présidée par John Vickers a été chargée de proposer des réformes pour empêcher qu’une crise financière ne se reproduise dans le pays.
Le résultat, c’est le rapport Vickers qui recommande un grand bouleversement dans les activités des banques outre-manche, à savoir la séparation de leurs activités classiques de dépôt et de leurs opérations d’investissement plus risquées. Le rapport préconise la séparation de ces deux entités – qui se verraient chacune attribuer un conseil d’administration – afin d’éviter que l’épargne des particuliers ne serve à financer les investissements risqués des banques lorsque les liquidités viennent à manquer.
Par ailleurs, les banques de détail seraient contraintes de conserver à tout moment un ratio de fonds propres de 10 % par rapport à la globalité de leurs actifs pondérés en fonction du risque – et ce, pour limiter les risques d’insolvabilité en cas de pertes importantes ou de nouvelle crise financière. Cette mesure va plus loin que les accords de Bâle 3 de fin 2010 qui préconisaient pour les banques un ratio de fonds propres de 7 %.
Le rapport Vickers obligerait également les banques à réserver au moins 17 % d’actifs rapidement mobilisables pour se protéger encore davantage contre de futures pertes.
Ces mesures devraient limiter le risque de nationalisation des banques en faillite comme on l’a vu avec la Royal Bank of Scotland et la banque Northern Rock pendant la crise financière de 2008. Tant que l’épargne des particuliers et des entreprises est tenueà l’écart des investissements à risque, l’Etat n’aurait plus besoin d’intervenir pour sauver les établissements en faillite et les contribuables ne seront pas sollicités lors de graves crises bancaires.
Parmi les autres recommandations, plusieurs visent à renforcer la transparence et la compétition entre les acteurs du secteur bancaire. Un des objectifs est d’offrir plus de liberté et de choix pour les clients des banques. La commission propose un service gratuit de transfert de compte pour les particuliers qui garantirait le transfert des fonds et des virements automatiques sous 7 jours.
Selon le Financial Times, les banques les plus touchées par ces réformes seraient la Barclays et la Royal Bank of Scotland, car elles possèdent les activités les plus larges et les plus diversifiées en Angleterre. En ce qui concerne le nouveau système de transfert de compte, la banque Lloyds serait la plus pénalisée en tant que plus grande banque de dépôt en Angleterre.
Les recommandations du rapport devraient être prochainement approuvées par le parlement britannique. Le rapport a été applaudi par le ministre des finances britannique George Osborne et a reçu le soutien du parti des travaillistes et des libéraux-démocrates alliés du gouvernement. Certains reprochent cependant une séparation incomplète et une application éloignée dans le temps puisqu’achevée seulement en 2019.
L’enjeu de la séparation
Au cœur du débat se trouve la question de la séparation des banques d’investissement et des banques de dépôt. Cette question n’est pas nouvelle. Aux Etats-Unis, en 1933, le Glass-Steagall Act avait déjà imposé la scission des banques universelles en deux.
Aujourd’hui, la question du modèle bancaire se pose à nouveau. Faut-il privilégier un modèle où les risques sont partagés avec le risque évident de contagion d’une activité sur l’autre ou un modèle où chaque entité opère indépendamment ?
L’argument principal du rapport Vickers est qu’une séparation de ces deux activités permettrait d’éviter aux Etats de payer pour renflouer les caisses des banques d’affaires en cas de faillite. En écartant ce risque, les contribuables ne seraient plus sollicités pour le rachat des banques d’investissement en proie à une crise de liquidité.
Or, la crise financière de 2007 n’a pas discrédité le modèle des banques « universelles ». Au contraire, la résistance des banques françaises universelles caractérisées par des activités diversifiées a prouvé qu’elles étaient mieux à même d’encaisser les crises que les banques qui dépendent uniquement des marchés. Les banques françaises ont certes essuyé des pertes, mais rien de comparable à la faillite ou à la nationalisation partielle des banques d’investissement américaines comme Lehman Brothers, Merril Lynch et Bears Stern. Pour autant, les banques universelles à travers le monde n’ont pas toutes résisté de manière identique. La banque Citigroup après avoir subi une baisse de cours de près de 70 % a été sauvée par l’Etat qui est devenu son principal actionnaire.
Le lobby bancaire a émis de nombreuses critiques à l’égard des propositions du rapport Vickers ; il souligne que le coût du crédit augmenterait pour les particuliers et défavoriserait les entreprises par rapport à leurs compétiteurs à travers le monde.
Bon nombre d’analystes expliquent en effet que ces changements devraient coûter aux banques entre 4 et 7 milliards de livres sterling et réduiront de fait les montants qu’elles peuvent prêter. Aussi, l’offre de crédit serait plus faible et son coût plus élevé.
L’argument n’est pas retenu par la Commission Vickers qui considère qu’en renforçant la compétition au sein du secteur bancaire, les mesures préconisées auront pour effet d’offrir un plus large choix de crédit à de meilleurs prix aux ménages et aux entreprises. Il n’est donc pas certain que le coût des emprunts augmenterait.
Pour sa part, l’économiste allemand Hans Werner Sinn reste sceptique quant aux avancées réelles d’une telle séparation en ce qui concerne la participation de l’Etat dans le sauvetage des banques. « Il est douteux que les possibilités de sauvetage du gouvernement soient réellement réduites, dit-il. On voit mal un État refuser de sauver une importante banque d’investissements, en prétextant qu’elle ne gère pas l’épargne des clients. »
Pour certains, comme Paul Goldschmidt de l’Institut Thomas More, le débat est ailleurs. En effet, le rapport Vickers ne s’attaque pas aux causes réelles de la crise financière de 2011 qui se situent au niveau du financement des Etats. D’après lui, la crise financière « est la conséquence directe de la surexposition des banques aux titres de la dette souveraine dont le caractère « risqué » est au cœur de la crise. Séparer les activités « traditionnelles » des banques de leurs activités de « banque d’affaires » ne changera en rien cette situation car c’est le financement même des Etats qui est devenu le point névralgique de l’activité « spéculative ».
En France, une telle réforme n’est pas, pour l’heure, envisagée. Cependant, la question pourrait s’inviter au cœur des débats de l’élection présidentielle en 2012 dans un contexte de crise financière européenne intensifiée et si la situation des banques françaises venait encore à s’aggraver.
Aux USA la loi Dodd Franck
(Bale III), la loi Dodd Franck aurait pour effet de faire chuter la rentabilité des métiers de banque de marché de 20 % à 7 % (selon une étude du cabinet d’études McKinsey parue le 19 septembre 2011).