Deux rappels indispensables
Première observation : Nous avons connu pendant plusieurs années, une période de crédit aux particuliers particulièrement attractif et abondant.
A partir de 2003, le taux moyen global des crédits aux ménages passe sous la barre de 5,5 %. La baisse s’accentue les années suivantes. Fin 2006, le taux moyen est à peine supérieur à 5% (hors taux des découverts bancaires). Pendant toutes ces années les crédits à l’habitat (qui constituent pour les banques un « produit d’appel » pour une relation de longue durée avec l’emprunteur) sont autour de 4% (et les crédits à la consommation autour de 6%. Les ménages y recourent massivement. Leur dette augmente annuellement de 10 à 12 %, le crédit à l’habitat augmentant plus que le crédit à la consommation. Autre constat, les taux pratiqués en France ont été nettement inférieurs aux taux moyens pratiqués dans la zone Euro.
En 2003, la dette des ménages français s’élève à 55 % de leur revenu disponible. Elle est de 68,3% fin 2006. Phénomène inédit en France. On est cependant loin des niveaux d’endettement des ménages aux USA (160%), au Royaume Uni ou en Espagne. Les ménages français et leurs interlocuteurs banquiers sont restés dans l’ensemble plus raisonnables. Globalement la charge financière rapportée au revenu des ménages (leur poids sur le pouvoir d’achat) a augmenté mais d’une façon qui est restée dans l’ensemble soutenable, nonobstant le problème du surendettement.
Deuxième observation : Cela fait plusieurs mois et en réalité plus d’un an que les conditions du crédit aux particuliers se sont resserrées, aussi bien en termes de taux que de conditions d’accès. Mais ce resserrement est resté jusqu’ici relativement limité. Les flux de crédits nouveaux aux ménages diminuent beaucoup plus pour le crédit à l’habitat (régression de 30 milliards de distribution de crédits nouveaux cumulés sur 12 mois) que pour le crédit à la consommation qui reste quasi stable. Mais cela tient sans doute non seulement aux banques mais aussi aux ménages qui se font plus prudents.
A consulter sur ce sujet : les tableaux que la Banque de France vient de publier (le 8 septembre 2008).
Comment la crise financière se répercute-t-elle sur le coût du crédit ?
Sujet complexe. Le niveau des taux d’intérêt ne dépend pas d’un facteur unique ; en plus, il faut distinguer les taux courts (que les banques centrales « contrôlent » au travers de leurs taux directeurs) et les taux longs qui sont davantage liés aux anticipations économiques à long terme.
Quelques éléments cependant qui expliquent comment la crise actuelle fair monter .
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Le crédit interbancaire est asséché et plus coûteux. En effet, quand elles ont des liquidités, les banques les gardent pour elles-mêmes, « au cas où » ; celles qui en ont besoin ont donc du mal à en trouver. Toutefois, cet effet est compensé en partie par les apports massifs de liquidité par les banques centrales.
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La titrisation, qui permettait aux banques de ne pas porter une partie des crédits qu’elles distribuaient, est gelée. Par conséquent, les banques peuvent accorder moins de nouveaux prêts, elles ne pourraient le faire qu’à la condition d’augmenter leurs fonds propres, alors qu’au même moment elles ont aussi besoin de plus de fonds propres pour compenser leurs pertes.
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Les banques réévaluent à la hausse les primes de risque liées aux défaillances possibles des ménages à qui elles distribuent des crédits.
Doit-on s’attendre à de nouveaux resserrements ?
Oui, selon toute vraisemblance. La crise financière a connu une nouvelle aggravation avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers. Cela va se traduire par de nouvelles pertes pour les banques françaises qui ont engagé des capitaux avec ou sur elle. L’ensemble des banques françaises les estiment à hauteur d’environ 3,5 à 4 milliards d’€. En soi, ce n’est pas de nature à mettre en danger les banques françaises, mais ce sont des pertes en plus qu’elles devront tout de même chercher à compenser. D’autres menaces pèsent sur d’autres banques d’affaires et sur la plus grande caisse d’épargne américaine. Bref, les banques y compris les banques françaises vont devoir enregistrer des pertes dans leurs bilans. Le crédit interbancaire est de nouveau asséché même siles banques centrales suppléent cette défaillance en injectant massivement des liquidités. L’annonce par les autorités américaines d’un « super fonds de défaisance » peut restaurer la confiance et de ce fait alléger les tensions. A suivre.
De quelle ampleur ?
On ne s’attend pas à un resserrement drastique (ce qu’on appelle un « crédit crunch ») .
Citons les professionnels.
« Les banques françaises sont solides, fait observer la Fédération Bancaire Française, elles ont des fonds propres élevés et ont les moyens de traverser des périodes difficiles ». Elles ont des activités diversifiées. La crise touche surtout les banques d’investissement qui en France sont adossées à de grands groupes. Les banques françaises ont donc, explique la FBF, la capacité de prêter à leurs clients. Leurs fonds propres sont suffisants et dépassent les ratios réglementaires. « Les banques continuent de prêter pour un crédit immobilier dès que c’est possible » assure l’association bancaire.
Le renchérissement du crédit va-t-il être durable ?
Citons les économistes.
Analysant la crise financière et ses effets, le Conseil d’Analyse Economique a, dans son rapport publié le 4 septembre 2008, considère qu’un effet durable de la crise financière devrait être une hausse des coûts de financement de l’économie. En effet, selon le CAE, « il y aura ré intermédiation, c’est-à-dire qu’une plus grande partie des crédits restera dans le bilan des banques. Le risque bancaire étant accru, il y aura hausse permanente du coût de financement des banques. Les banques devront avoir davantage de fonds propres… Et il y aura prime à la taille pour les emprunteurs en raison de l’exigence de liquidité ».