En 2007, 13,4 % de la population, soit 8 millions de personnes, vivent au-dessous du « seuil de pauvreté », estimé à 908 euros par mois. Les familles monoparentales, les personnes vivant dans un ménage immigré et les chômeurs restent particulièrement exposés au risque de pauvreté monétaire. C’est ce qui ressort de l’enquête publiée par l’Insee le 2 avril 2010 sur les revenus et le patrimoine des ménages.
Pauvreté monétaire, pauvreté en conditions de vie, trajectoires individuelles
Les statisticiens et économistes de l’Insee cernent l’évolution de la pauvreté en France entre 2003 et 2007 par trois approches différentes et complémentaires : une approche monétaire, une approche par les conditions de vie et une approche par les trajectoires individuelles.
2{Pauvreté monétaire : 8 millions de personnes en 20072}
La notion de pauvreté la plus couramment utilisée est la pauvreté monétaire définie comme la situation des personnes ayant un niveau de vie inférieur à un certain montant. Parce qu’il est quasi impossible de définir ce seuil de pauvreté en considérant le montant du panier minimal de biens et de services qu’il faut pouvoir consommer pour survivre, on se reporte vers une mesure relative par rapport au niveau de vie médian de la population. Les seuils traditionnellement retenus sont fixés à 60 % ou à 50 % de ce niveau de vie médian.
Le seuil de 60 % correspond à un niveau de vie monétaire de 908 € mensuels en 2007 pour un niveau de vie médian de 1510 € mensuels. 8 millions vivent en dessous de ce seuil. Ainsi défini, le taux de pauvreté est de 13,4 %. Il s’élevait un an plus tôt à 13,1 %. Mais comme le dit l’Insee la différence n’est pas statistiquement significative. Si l’on prend le seuil de 50 % du niveau de vie médian, soit 757 € mensuels, 4,3 millions de personnes ont un niveau de vie inférieur (7,2 % de la population). Ce qui veut dire aussi que 3,7 millions de personnes ont un niveau de vie compris entre 757 € et 908 € mensuels.
Sont particulièrement touchés par cette pauvreté monétaire, les familles monoparentales (30 % des personnes vivant au sein de ces familles). Autres populations particulièrement exposées : les personnes vivant dans un ménage immigré et les chômeurs (taux de pauvreté de 36 %). Toutefois souligne l’Insee, « occuper un emploi ne met pas à l’abri de la pauvreté : 1,9 millions de personnes en emploi vivent en dessous du seuil de pauvreté ».
Pauvreté en conditions de vie : 7,3 millions de personnes en 2007
Complémentaire de l’approche précédente, la mesure de la pauvreté en termes de conditions de vie repose sur le repérage d’un certain nombre de privations d’éléments d’un bien-être matériel largement diffusés dans la population, ou de difficultés de la vie quotidienne. C’est le cumul de manques ou de difficultés, et non le manque d’un élément pris isolément, qui est significatif. Un premier groupe d’indicateurs concerne l’insuffisance des ressources pour couvrir les dépenses des ménages (avoir fréquemment un découvert, ne pas avoir d’épargne, être soumis à des remboursements d’emprunts élevés par rapport à ses revenus, considérer sa situation financière comme difficile, être obligé de faire des dettes, puiser dans ses économies…). Un deuxième groupe d’indicateurs porte sur les retards de paiement des dépenses courantes pour des raisons financières (facture de gaz ou d’électricité, loyers et charges liés au logement, impôts). La troisième catégorie s’intéresse à des restrictions de consommation auxquelles les ménages peuvent être contraints. Enfin la quatrième catégorie porte sur les éléments de confort de base du logement dont la privation traduit une situation non conforme aux standards d’une vie normale (eau chaude, toilette et salle d’eau dans le logement, système de chauffage, surpeuplement, humidité, bruit).
En tout, 27 situations sont retenues et il faut en subir au moins 8 pour être considéré comme étant en situation de pauvreté de conditions de vie. En 2007 le taux de pauvreté ainsi défini est de 12,2 %, soit 7,3 millions de personnes.
Le taux de pauvreté en conditions de vie était de 14,3 % en 2004. Il est donc en diminution constante, mais entre 2006 et 2007 la diminution d’ensemble est très faible et pour certains indicateurs (confort du logement, et absence totale d’épargne), il y a dégradation.
Indicateur par indicateur, certaines données sont intéressantes : la proportion des ménages dont la charge de remboursement des crédits est de plus du tiers du revenu est de 8 %. La part des ménages devant faire face à des retards de paiement est de 3 % pour les impôts, de 4 % pour les loyers, de 6 % pour les factures de base.
Autre constat important : pauvreté en conditions de vie et pauvreté monétaire ne se recouvre que partiellement. La pauvreté en conditions de vie est certes fortement liée au revenu du ménage. Mais cette situation peut affecter des ménages disposant d’un revenu monétaire relativement important.
Plus d’un cinquième des ménages pauvres en conditions de vie uniquement perçoivent un revenu par unité de consommation se situant dans la moitié supérieure de la distribution, et même 10 % figurent dans les 30 % plus hauts revenus. Au sein des ménages pauvres en conditions de vie uniquement, figurent sans doute des ménages en difficulté de gestion de leur budget, mais aussi souligne l’Insee « des jeunes ménages qui, accédant à la propriété, voient leur remboursement d’emprunt amputer un revenu en lui-même relativement élevé ».
Trajectoires individuelles : Près de 13 millions de personnes pauvres au moins une année
Une troisième approche a consisté à suivre l’évolution des situations individuelles entre 2003 et 2006. Certains sont devenus pauvres au sens de la pauvreté monétaire au cours de la période ; d’autres le sont restés durant les 4 années concernées. D’autres enfin sont sortis de cette situation.
Les résultats sont également instructifs :
Entre 2003 et 2006, 22 % des personnes soit environ 12, 7 millions de personnes ont connu au moins une année de pauvreté, mais pour certains la situation apparait comme durable et pour d’autres elles parait plus transitoires : selon les calculs de l’Insee, une grosse moitié des personnes concernées a été en situation de pauvreté un an seulement ( 11,7 % de la population), 4 % de la population l’ont été 2 ans sur 4 et 6,3 % 3 ou 4 ans sur 4. Durant la période analysée, parmi les personnes ayant connu la pauvreté, 1/3 des personnes restent pauvres ; un gros tiers sortent de la pauvreté ; et 3/10 deviennent pauvres.
Il y a selon l’Insee des déterminants multiples à ces évolutions. Les évolutions de revenus sont bien sûr souvent déterminantes. Le chômage réduit les chances de sorties. Mais les situations et les évènements familiaux influent également : les personnes vivant dans des familles monoparentales restent plus souvent pauvres ; le départ d’un enfant (perte d’allocations familiales) ; l’arrivée d’une personne sans revenu sont des éléments de basculement dans la pauvreté ; un conjoint inactif ou indépendant contribue à la persistance dans la pauvreté. A l’inverse une naissance peut être un facteur de sortie de la pauvreté (apport d’allocation) et plus généralement, l’arrivée d’une personne lorsqu’elle apporte des revenus. Enfin l’Insee souligne que « la situation économique locale joue de manière significative : plus elle est favorable, plus elle préserve de la pauvreté et, dans une moindre mesure, plus elle favorise la sortie de pauvreté ».
Tout comme l’étude sur les riches ces études très intéressantes concernent les années de l’avant crise durant lesquelles la pauvreté est restée un problème social important et a connu un recul somme toute limité. Les données sur les premiers impacts de la crise ne sont pas encore disponibles.
Aller plus loin : Les études de l’Insee sur la pauvreté
Inégalités de niveaux de vie et pauvreté