Le sommet de la « dernière chance » réunissant les chefs d’Etats de la zone Euro s’est déroulé le 26 octobre à Bruxelles. Son but : apporter des solutions aux problèmes de la zone euro et endiguer la crise de la dette souveraine. Quatre grands dossiers ont été traités :
La restructuration de la dette grecqueLa recapitalisation des banques européennesLe renforcement du FESFLe renforcement de la gouvernance de la zone euro
Un accord global (« comprehensive agreement ») a pu être trouvé concernant ces quatre thématiques. Destinées à rassurer les marchés financiers, ces décisions semblent avoir dans l’immédiat rempli leur mission puisque les différentes places européennes ont connu les 27 et 28 octobre une forte hausse. On relèvera toutefois que les mesures visant à réduire la dette des Etats ne règlent pas l’autre versant de la contradiction à laquelle les économies européennes doivent faire face, à savoir éviter la récession. Elles ont même, selon certains économistes dont Patrick Artus, chef-économiste de Natixis, tendance à contribuer au risque de récession.
Traitement de la dette grecque
Les enjeux :
Depuis des années, la Grèce a accumulé de larges déficits et emprunté auprès des marchés pour se refinancer. La dette publique du pays, première de la zone Euro, atteignait en 2010, près de 330 milliards d’euros soit 145 % de son PIB.
Aujourd’hui, il est admis que la Grèce ne peut plus rembourser ses dettes intégralement. Si le pays veut repartir sur de bonnes bases, et retrouver des finances publiques saines, il lui faut restructurer sa dette, c’est à dire en réduire le montant.
L’accord des chefs d’Etats de la zone euro du 21 juillet avait marqué une première étape vers cette restructuration. Cet accord établissait une décote de 21 % sur la dette grecque détenue par les banques. Cela signifiait que 21 % des actifs souverains grecs seraient effacés des comptes des créanciers de la Grèce dans le pays comme à l’étranger.
Mais ce chiffre est apparu de moins en moins réaliste à mesure que s’est aggravée l’insolvabilité du pays et qu’ont diminué les perspectives de croissance. Beaucoup ont alors évoqué un « haircut » ou réduction plus élevée à 50 ou 60 %.
La décision :
Les dirigeants des 17 pays de la zone euro se sont mis d’accord sur une décote volontaire sur la dette grecque de 50 % d’ici 2020. Les banques qui se porteront volontaires pourront échanger leurs obligations grecques contre de nouvelles réduites de moitié en valeur, ce qui devrait diminuer la dette grecque de 100 Mds€.
Le programme négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel devrait ramener la dette grecque de 160 % du PIB aujourd’hui à 120 % en 2020. Un des critères de convergence des accords de Maastricht obligeait pourtant les pays à respecter un ratio dette / PIB de 60 %.
Les réactions :
Dans un premier temps, la question est de savoir si les banques vont effectivement décider de procéder à l’effacement d’une partie de leurs créances grecques sur la base du volontariat. D’autant que les banques se sont assurées contre le défaut de la Grèce en achetant des instruments appelés CDS (credit default swaps) et pourraient en déclencher le paiement afin de compenser leurs pertes. Ce serait alors un « évènement de crédit ». Egoïstement beaucoup de banques s’en sortiraient mieux si la décote était involontaire, compte tenu de leurs positions en CDS qui compensent.
On peut également se demander si cette décote de 50 % sera suffisante pour stabiliser la dette grecque à 120 % du PIB. Enfin, même si l’objectif de 120 % de dette en part du PIB se réalisait, serait-ce suffisant pour que la Grèce s’en sorte ?
Recapitalisation des banques
Les enjeux :
Au cœur du débat depuis des mois, le renforcement des capitaux des banques était l’un des enjeux majeurs du sommet européen du 26 octobre. Pendant la crise financière de 2008-09, les banques européennes avaient mieux résisté que les banques américaines. Elles avaient déjà procédé à des assainissements de leurs bilans et à des renforcements de leurs fonds propres, notamment en Espagne, en Irlande et en Angleterre. La plupart des banques avaient par ailleurs passé avec succès les tests de résistance bancaire cet été. Néanmoins, cela n’a pas empêché que la situation dégénère du fait de l’existence de produits toxiques détenus par les banques. A la fin de l’été 2011, les banques européennes sont entrées dans la tourmente.
Le 11 octobre, Jean Claude Trichet, président de la BCE jusqu’au 31 octobre indiquait que la crise était devenue « systémique ». En somme, qu’elle pouvait s’étendre au système dans sa globalité. Les craintes sur la « solvabilité » des établissements bancaires (détenant beaucoup d’obligations de l’Etat grec) se sont accrues avec la probabilité d’une prochaine restructuration de la dette grecque.
De plus, les banques en proie aux doutes sur la solvabilité des autres banques se trouvaient déjà confrontées à une crise de liquidité interbancaire et les prêts entre banques avaient fortement diminué. Pour rassurer les marchés et redonner confiance dans le secteur bancaire, il devenait donc urgent d’augmenter les fonds propres des banques et leur capacité à assumer leurs pertes sur la dette grecque.
La décision :
Les dirigeants des 17 pays de la zone euro ont opté pour une recapitalisation des banques à hauteur de 106,4 milliards d’euros répartis entre quelque 70 établissements. Les banques devront atteindre un ratio de fonds propres de 9 % d’ici fin juin 2012.
Selon les chiffres de l’Autorité Bancaire Européenne (ABE) cités par les Echos, les banques françaises auront besoin de 8,84 milliards d’euros pour atteindre ce ratio. En Grèce, il faudrait 30 Mds€ pour recapitaliser les banques, 26,16 Mds€ en Espagne, 14,77 Mds€ en Italie et 5,2 Mds€ en Allemagne.
Les réactions :
La première réaction concerne la méthode de recapitalisation des banques qui, en France, se sont empressées de rassurer leurs investisseurs en garantissant qu’elles n’auraient pas recours à l’Etat pour se refinancer.
Deuxièmement, le risque de faillite des banques grecques qui détiennent une grande partie des obligations nationales n’est pas à négliger suite à la décote de 50 % de leurs créances. Mais une aide de 30 milliards d’euros leur sera fournie, ce qui devrait éviter une faillite.
Enfin, la recapitalisation des banques entraine des craintes sur le niveau des crédits qu’elles octroient aux particuliers et aux entreprises. Dans les Echos, Stephane Déo d’UBS commentait : « Il faudra voir comment on s’y prend : il ne faudrait pas que les banques soient incitées à réduire la taille de leur bilan, ce qui pourrait pénaliser la distribution de crédit. »
Renforcement du FESF
Les enjeux :
Le Fonds européen de stabilité financière (FESF), est un fonds de soutien européen mis en place pendant la crise de la dette souveraine en mai 2010 afin d’aider les pays en difficulté financière. Le fonds peut emprunter sur les marchés grâce aux garanties des Etats de la zone euro et prêter cet argent à des taux d’intérêt bas, notamment aux pays qui rencontrent des problèmes de solvabilité.
La capacité de prêt du FESF était de 440 milliards d’euros au 26 octobre 2011 grâce à 780 Mds d’euros d’engagement de garanties des Etats membres. Cette capacité était jugée par beaucoup comme insuffisante pour faire face à une contagion de la crise à d’autres économies de la zone Euro en difficulté, notamment l’Italie. Avant le sommet du 26 octobre, la France pouvait accorder jusqu’à 158 milliards d’euros de garanties au FESF selon la loi de finances rectificative de 2010. En Allemagne, ce plafond était de 211 Mds€.
Une des solutions défendues par la France pour renforcer la capacité d’action du FESF consistait à lui permettre d’emprunter auprès de la BCE en lui accordant une licence bancaire, ce qui lui procurerait les mêmes attributs que la FED aux USA. Cette idée, rejetée par l’Allemagne, était au cœur des désaccords entre Paris et Berlin à la veille du sommet.
La décision :
La capacité de prêt du FESF sera renforcée à 1000 milliards d’euros. D’abord, les dettes souveraines émises par les pays en difficulté seront en partie garanties par le FESF. Puis, un fonds conjoint sera créé (special purpose vehicle) adossé au FMI auquel pourront participer des investisseurs internationaux privés ou publics, comme les pays émergents. Les modalités exactes du renforcement ne sont pas encore connues mais devraient l’être après le G20 de Cannes les 3 et 4 novembre prochains.
Les réactions :
La solution proposée par la France a été rejetée par l’Allemagne qui ne souhaitait pas que la BCE prête aux Etats endettés au travers du FESF se référant aux traités européens qui interdisent cette pratique.
Dans un article des Echos, Jens Weidmann, président de la Bundesbank (banque centrale allemande) et membre du conseil des gouverneurs de la BCE, exprimait son soulagement après la décision que la BCE ne soit pas impliquée dans le refinancement du FESF.
« Je voudrais souligner qu’il est avant tout positif que l’eurosystème reste en dehors du refinancement du FESF, » a-t-il dit avant d’ajouter, « cela aurait sinon mené à un financement des Etats en faisant marcher la planche à billets, ce que je tiens non seulement pour une erreur économique mais ce qui est aussi catégoriquement interdit par les traités ». Et de conclure : « la séparation entre politique monétaire et politique financière redevient plus marquée. »
Gouvernance de la zone euro
Les enjeux :
Depuis le début de la crise de la dette, les divergences de politiques économiques et budgétaires au sein de la zone euro ont suscité de vifs débats sur l’avenir de l’union monétaire et de sa monnaie unique. Les critiques portaient, entre autres, sur la mauvaise gestion par les membres de l’UEM de leurs comptes publics et le manque de volonté politique des Etats à se montrer solidaires des pays en difficulté.
La décision :
La gouvernance économique de la zone euro sera renforcée avec l’organisation de deux sommets annuels présidés dans un premier temps par le président du Conseil Européen, Herman Von Rompuy. Le commissaire européen en charge des affaires économiques et financières, Olli Rehn, a également été promu vice-président de la Commission Européenne et sera désormais chargé de l’euro.
Concernant le renforcement de la discipline budgétaire, l’Italie et l’Espagne ont déjà été rappelées à l’ordre sur la réduction de leurs déficits. De plus, il a été décidé que les règles d’or budgétaires seraient généralisées d’ici fin 2012 afin que chaque membre adopte des règles « sur un budget équilibré transmettant le Pacte de stabilité et de croissance dans la législation, de préférence au niveau constitutionnel ou équivalent ».
L’accord prévoit également que les membres de l’eurozone informent la Commission s’ils décident d’importants changements de politiques économique ou budgétaire. Les pays en déficit excessif devront consulter la Commission et les autres pays de la zone euro avant de voter leur budget.La Grèce sera désormais surveillée par la Troïka (FMI, BCE, Commission Européenne) à l’aide d’un représentant permanent installé en Grèce.
Les réactions :
Guntram Wolff de l’institut Bruegel juge ces actions insuffisantes et recommande des modifications législatives plus fondamentales des traités de l’UE.
Wolfgang Glomb, économiste et ancien directeur des affaires économiques au ministère fédéral des Finances allemand s’exprimait dans la Tribune au lendemain du sommet européen. « Une monnaie commune en Europe n’est pas conciliable avec une pleine autonomie nationale dans la politique économique » disait-il contribuant au débat sur le fédéralisme européen préconisé par un certain nombre d’hommes politiques et d’économistes.Nicolas Sarkozy évoquait également l’idée de la convergence dans son discours du 27 octobre. Il a appelé à un rapprochement avec l’Allemagne et à une harmonisation de l’impôt sur les sociétés, de la TVA et de la fiscalité du patrimoine. Il a insisté sur le fait que les deux pays devaient valider ensemble les hypothèses de croissance de leurs budgets respectifs.