(Pas si) Chères banques
Le rapport s’efforce d’abord de faire la clarté sur le point très sensible et âprement discuté de savoir si les banques françaises sont chères ou non pour les consommateurs. Une étude réalisée pour la Commission Européenne et publiée en septembre 2009 avait conclu que les banques françaises sont parmi les championnes d’Europe des frais élevés et cachés. Le rapport apporte deux correctifs importants :
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Selon une étude du cabinet Bain et Company « fondée sur une correction des biais méthodologiques de l’étude européenne », le montant annuel de frais bancaires acquitté par un consommateur français adoptant un profil européen moyen de consommation est supérieur de 14,5% à la moyenne des 7 pays examinés (157 € par an contre 137).
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Le rapport souligne la nécessité de cette approche globale. Dans chaque pays en effet le dispositif de tarification bancaire s’est construit progressivement en fonction des innovations, des caractéristiques, des contraintes et des structures. Le système français est ainsi caractérisé notamment par l’attachement à l’existence de services gratuits (chèques), et par le modèle de la banque universelle à réseau qui permet d’entretenir avec le client une relation durable et dense et de lui vendre des services diversifiés de banque au quotidien, de crédit et de gestion de l’épargne (voir notre dossier tout sur la banque). C’est ainsi que le crédit immobilier sert largement de « produit d’appel ». Si les services bancaires au quotidien sont un peu plus coûteux que la moyenne des pays européens de niveau de vie comparable, les marges générées par les banques sur les crédits immobiliers sont plus faibles. Et au total, tous services bancaires pris en compte, la tarification française est globalement faible, parmi les plus basses d’Europe, et ceci pour une qualité et une sécurité de services parmi les plus élevées.
Points faibles
Le rapport souligne cependant plusieurs déséquilibres souvent mis en avant par les associations de consommateurs auditionnées par les rapporteurs : un manque transparence et de lisibilité des tarifs ; des défauts de conception et de distribution des forfaits ( packages) ; une prise en compte insuffisante des consommateurs les plus fragiles notamment en ce qui concerne le mode de tarification des incidents de paiement et l’inadéquation du mode de fonctionnement du découvert. Il insiste également sur le manque d’accompagnement et le manque d’éducation budgétaire concernant ces clientèles.
« Le manque d’éducation budgétaire dans le contexte du développement des prélèvements automatiques : le développement des prélèvements automatiques constitue un progrès en matière de sécurité et d’efficience des moyens de paiement en facilitant la gestion mensuelle du budget. Mais ceci suppose une éducation budgétaire suffisante pour planifier dans le mois les dépenses de façon à ce que le compte soit encore provisionné aux moments où surviennent les prélèvements ».
Une trentaine de propositions
En fonction de ce diagnostic, le rapport préconise en premier lieu d’accroitre la transparence et la comparabilité des tarifs des services bancaires au quotidien. Mesures phares en la matière : la création d’une dénomination commune par toutes les banques des principaux frais et services et la mise au point d’une liste des 10 principaux tarifs bancaires qui serait mise en tête de toutes les plaquettes tarifaires ou encore l’indication du montant des frais bancaires mensuels et du montant de découvert autorisé sur les relevés de compte mensuels. Il s’agirait en second lieu de remplacer la plupart des « packages » actuels par des propositions personnalisées privilégiant une offre ouverte et modulaire et de simplifier les forfaits de gamme. Un troisième axe de propositions concerne les frais d’incidents. Actuellement les commissions d’intervention c’est-à-dire les sommes forfaitaires prélevées par les banques chaque fois qu’un usager effectue une opération (retrait, virement, prélèvement, chèque) au-delà de son découvert autorisé cumulées, peuvent atteindre 1.000 euros mensuels pour les usagers les plus en difficulté. Le rapport recommande de diminuer de moitié ou de les limiter à 5 euros maximum l’unité. Cette disposition ne s’appliquerait qu’aux clients disposant de la gamme de paiements alternatifs (GPA) c’est-à-dire sans chéquier et composée notamment d’une carte de paiement à autorisation systématique. D’une façon générale le rapport préconise de continuer à mettre en place des moyens de paiement alternatifs aux chèques et notamment de promouvoir virement électronique de proximité. Il veut enfin renforcer la formation des réseaux bancaires et l’éducation financière et préconise de « demander à l’Institut pour l’Education Financière du Public (IEFP) de mettre en place des outils d’information sur la tarification bancaire ».
Premières réactions
Christine Lagarde, qui a accueilli favorablement ces propositions, souhaite que les banques se mettent d’accord avec les associations de consommateurs. « A priori pas besoin de loi, dit elle. Si cela s’avérait nécessaire, toutefois, des dispositions pourraient être intégrées à la loi de régulation bancaire discutée fin septembre ».
La Fédération bancaire française (FBF) souligne que certaines de ses propositions ont été reprises par les rapporteurs notamment celles concernant les clients rencontrant des difficultés. Si elle exprime des réserves sur d’autres (par exemple la mention sur chaque relevé mensuel du total des frais prélevés en cours de mois doublonnant avec le relevé annuel de frais récemment mis en place), elle participera de façon constructive aux travaux à venir du CCSF.
Les associations de consommateurs ont réagi de façon diverse. L’Afub (association des usagers des banques) s’est dite « très satisfaite » de voir que certaines de ses propositions ont été retenues notamment l’établissement d’une liste standardisée sur les tarifs des 10 produits les plus courants vendus par les banques qui constitue sa principale revendication.
L’UFC Que choisir se dit davantage insatisfaite. Le rapport reprend certaines de ses propositions mais pas les principales comme la notification au client avant le prélèvement de frais ou l’intégration des commissions d’intervention dans le calcul du taux d’intérêt appliqué sur les découverts. Surtout, l’association de consommateurs considère qu’une loi sera nécessaire.
Aller plus loin :
Le rapport et le communiqué du Ministre sur le site Bercy.fr
(1) Président d’honneur de LCL, Georges Pauget est depuis le 2 juin 2010 président de l’Institut pour l’Education financière du Public. Ce n’est pas par complaisance que le rapport souligne la nécessité de faire plus d’éducation financière notamment au travers de l’institut mais plutôt parce qu’il est persuadé de l’importance du sujet que Georges Pauget a accepté la présidence de l’IEFP. Emmanuel Constans est Président du Comité Consultatif du Secteur Financier.