Le Centre d’analyse stratégique du gouvernement a remis son rapport sur la sortie de crise le mois dernier. L’objectif affiché est de déterminer si de nouveaux modèles de croissance sont possibles après la crise économique et financière.
Le groupe de travail présidé par l’économiste Daniel Cohen voit la crise actuelle comme la concentration de trois crises : la crise des matières premières et de l’environnement, celle des rémunérations des facteurs (travail, capital) et de la soutenabilité de l’innovation et enfin celle du surendettement des ménages et des faillites bancaires américaines. Une inflexion durable du rythme de croissance pourrait d’ailleurs découler de l’érosion de l’innovation, victime du resserrement du crédit, et des ressources rares.
Le rapport chasse l’idée préconçue des crises salvatrices et nécessaires à l’émergence de nouveaux acteurs économiques. Bien au contraire, elles empêcheraient le déploiement de nouvelles entreprises qui, par manque de crédits ne pourraient percer sur le marché, favorisant in fine les entreprises déjà établies. Le rapport revient aussi sur la fin annoncée du modèle de l’hyperconsommation qui ne semble toujours pas d’actualité.
Les services au chevet de la croissance
Pour retrouver le chemin de la croissance, le rapport souligne qu’un nouveau lien entre l’industrie et les services pourrait être pensée, visant la satisfaction du besoin dit « fonctionnel ». Le vendeur d’électricité ne vendrait plus des kW/h mais une température optimum dans un habitat ou un local professionnel. Un sondage TNS Sofres indique d’ailleurs que la satisfaction du client et la qualité du service et des produits sont les premiers vecteurs de croissance, avec respectivement 75 % et 65 % des entreprises interrogées, devant le prix des produits et l’efficacité de la fabrication.Le consommateur joue d’ailleurs un rôle de plus en plus important avec le développement des technologies de l’information et de la communication, et est désormais considéré comme un « consom’acteur ». La satisfaction des besoins pourrait ainsi devenir le moteur d’une économie « servicielle » renouvelée. L’idée n’est pas nouvelle et est de plus en plus utilisée, que ce soit sur le marché interentreprises, avec des services de mises à jour permanentes des technologies, ou dans les télécommunications où on ne vend plus ou presque de téléphones seuls mais un pack avec un abonnement et son lot de services. L’industrie aussi y succombe, des pneus sont désormais vendus aux kilomètres parcourus et des véhicules sont mis en libre-service.
La fin de l’hyper consommation ?
Le rapport soulève un problème de taille. Le changement de mode de consommation actuel ne découlerait pas d’une crise de l’hyperconsommation mais d’une mutation de la consommation et des difficultés de pouvoir d’achat. La consommation de nouveaux produits et services est gênée par le coût croissant des biens premiers (alimentation, logement et transport). Ces biens, qui représentent une contrainte dans les dépenses des ménages ont connu, selon l’Insee, une forte progression dans le budget des ménages puisqu’ils représentaient 20 % en 1960 contre 36 % en 2006. De fortes disparités sont enregistrées en fonction du niveau de richesse, de l’âge, de la situation familiale et du positionnement géographique.
Le pouvoir d’achat peine à croître chez une partie des Français, victimes d’une dégradation relative de la qualité de l’emploi et des conditions de travail des bas salaires en France. Le rapport insiste sur la « dualisation » de l’emploi en France, où d’un côté se trouvent des salariés formant le noyau dur, d’une stabilité remarquable, et de l’autre des salariés sous contrats précaires ou sous traitants qui souffrent de forts ajustements.
Selon une enquête TNS Sofres, 85 % des salariés estiment qu’ils pourraient être touchés par le déclassement, et un tiers craindraient pour leur emploi (50 % même chez les jeunes).