Décryptage des évolutions récentes en matière de salaires, des données sur l’état des inégalités de revenu salarial et sur la comparaison France/ Allemagne des coûts salariaux.
L’évolution des salaires depuis 2009
Un bon indicateur de l’évolution des salaires est le salaire mensuel de base (SMB) qui correspond au salaire brut d’un salarié à temps complet avant déduction des cotisations sociales (salariales), avant prestations sociales, hors primes et hors heures supplémentaires calculé sans prendre en compte les modifications de la structure des qualifications.
Le salaire mensuel de base, en euros courants, a progressé pendant les années de crise 2008/2010, mais de moins en moins vite (+ 3% en 2008 ; + 2,2% en 2009 ; + 1,8% en 2010). Début 2011, le SMB connait une légère reprise.
Un autre indicateur utilisé par l’INSEE est le salaire moyen par tête (SMPT) des salariés du secteur marchand non agricole , c’est-à-dire hors fonction publique : c’est la masse salariale brute ( c’est-à-dire sans déduction de la part salariale des cotisations sociales) / le nombre de salariés. A la différence du SMB, il est calculé sur une base annuelle, il prend en compte l’ensemble des rémunérations, y compris les primes, les heures supplémentaires et l’intéressement. Il intègre donc les modifications de la structure des emplois, qu’il s’agisse de l’évolution des qualifications ou de l’importance du temps partiel : une augmentation de la part des emplois à temps partiel a pour effet de diminuer le salaire moyen par tête. En 2009, le SMPT a moins augmenté que le SMB (+1,2%) du fait notamment du recours au chômage partiel et à la diminution des heures supplémentaires. En 2010, la progression du SMPT redevient légèrement plus élevée que celle du SMB (+2,1%) : d’un côté le chômage partiel a diminué et les heures supplémentaires ont progressé. Mais de l’autre côté le recours au temps partiel continue d’augmenter.
Ralentissement du pouvoir d’achat
Si l’on tient compte de l’évolution des prix à la consommation en 2010 et 2011, le gain annuel de pouvoir d’achat du SMPT est de 1,6% au 3ème trimestre 2009. Au 3ème trimestre 2010, il n’est plus que de 0,4% et de 0,3% au 3ème trimestre 2011.
Dans la fonction publique les évolutions ont été encore moins favorables : Le pouvoir d’achat du SMPT dans ce secteur a stagné en 2010 et il s’oriente à la baisse sur l’année 2011.
Inégalités salariales
19 270 euros par an, soit 1 606 euros mensuels, c’est en 2009, le revenu salarial moyen en France. Le revenu salarial médian est de 17 300 euros, soit 1 442 euros par mois. 50% des salariés gagnent moins et 50% gagnent plus Le revenu salarial médian est inférieur au revenu salarial moyen d’une part parce qu’un nombre important de salariés gagnent peu et d’autre part parce qu’un petit nombre de salariés gagnent beaucoup.
Le revenu salarial correspond à la somme de tous les salaires perçus par un individu au cours d’une année donnée, y compris les primes, et l’intéressement, net de toutes cotisations sociales et des contributions sociales (CSG et CRDS). Plus précisément, on passe du salaire horaire au salaire journalier en prenant en compte le temps de travail de la journée, puis on passe au revenu salarial annuel en multipliant ce salaire journalier par le nombre de jours rémunérés dans l’année. Les revenus des salariés à temps partiel sont donc comptabilisés à leur niveau effectif. D’autre part le revenu salarial n’intègre pas les revenus des activités non salariées, dont un salarié peut éventuellement bénéficier, ni des revenus du capital (revenus fonciers ou de placements).
Les revenus féminins sont inférieurs de 25 % à ceux des hommes (qui sont supérieurs de 33 % à ceux des femmes)
Cela résulte du cumul de plusieurs inégalités Premier facteur, les différences de temps de travail : les femmes sont cinq fois plus souvent en temps partiel que les hommes. Deuxième facteur, les différences de statut d’emploi (il y a plus d’hommes cadres que de femmes cadres), de qualification et de secteur d’activité (il y a plus d’emplois féminins dans les secteurs relativement moins bien rémunérés à qualification équivalente, comme l’éducation). Enfin un troisième facteur correspond à la moindre rémunération des femmes pour un même poste occupé. Au total on note que c’est parmi les 10 % de salariés les moins bien payés que les écarts de salaires hommes/femmes sont plus marqués puisqu’il atteint une différence de près de 50%…
Inégalités selon l’âge
60 % de moins que la moyenne pour les moins de 25 ans. 26 %de plus pour les 50 ans et plus.
Les statistiques confirment les difficultés d’insertion professionnelle des jeunes. Il ne faut pas perdre de vue que les moins de 25 ans sont encore pour une bonne partie d’entre eux en cours d’études. Leur emploi est alors massivement un travail d’appoint à temps partiel. Pour le reste, la principale raison des différences réside dans l’expérience professionnelle qui s’acquiert naturellement avec l’âge.
Inégalités selon la catégorie socioprofessionnelle
Les cadres gagnent 3 fois plus que les employés
Aux différences de salaire du fait de la qualification s’ajoutent les temps partiels plus nombreux parmi les employés.
Inégalités selon les conditions d’emploi
Les salariés à temps partiel gagnent 60% de moins que les salariés à temps plein.
Les salariés à temps non complet ont un salaire journalier en moyenne moitié moindre de celui des salariés à temps complet (36 euros contre 72). Cela résulte à la fois de la qualification moyenne moindre des emplois occupés et du temps de travail inférieur dans la journée. D’autre part le nombre de jours moyens rémunérés est inférieur (265 jours contre 322).
Inégalités selon le secteur
De 960 à 2413 euros
Les différences de revenu salarial moyen privé/public persiste avec des agents des collectivités territoriales et des salariés du privé pratiquement au même niveau de salaire, environ 1 500 euros nets mensuels, alors que les agents de la fonction publique hospitalière perçoivent 1 870 euros et les agents de l’Etat culminent à 2 026 euros mensuels. Il est tout de même nécessaire de noter une très grande disparité de salaires moyens dans le privé, selon les secteurs d’activité (de 960 euros pour les services aux particuliers à 2413 euros pour les services dits mixtes (finance, immobilier, informatique et télécommunications). Plus que le statut de l’emploi (public ou privé), c’est leur structure en terme de qualification qui explique ces différences.
Par ailleurs, on sait que l’échelle des salaires est plus resserrée dans le public que dans le privé. Si le salaire moyen est supérieur dans le public, c’est dans le secteur privé qu’on trouve les salaires les plus élevés.
Inégalités selon l’échelle des salaires
En 2009, les 10% les mieux payés gagnent en moyenne 14 fois plus que les 10% les moins payés. Revenu salarial mensuel moyen en 2009 : Pour les 10% les moins payés : 200 euros Médian : 1442 euros Pour les 10 % les mieux payés : 2868 euros
Cette statistique montre qu’au moins 10 % des salariés gagnent en fait très peu compte tenu d’un très faible nombre d’heures travaillées. Elle ne dit rien par contre de la dispersion des revenus très forte au sein des 10 % de salariés qui gagnent le plus.
Progression de l’ensemble des salaires = +1,6 % par an entre 2005 et 2009
De 2005 à 2009, le revenu salarial de l’ensemble des salariés du public et du privé progresse en moyenne de 1,6% par an (en euros constants), grâce à la hausse cumulée du salaire journalier (+1,1% sur cette même période) et du nombre de jours rémunérés qui a progressé de 0,50 %.
L’augmentation est plus forte dans le privé et les collectivités territoriales avec respectivement +1,8% et + 1,9% sur la période 2005/2009, contre + 1% pour les salariés de la fonction publique d’Etat et +0,5% pour la fonction publique hospitalière.
Un coût du travail élevé mais pas prohibitif
A partir de données tirées des enquêtes européennes sur le coût de la main d’œuvre effectuées tous les 4 ans et d’une étude spécifique menée en France en 2008 l’Insee a comparé l’évolution du coût horaire du travail en France et dans les pays de l’Europe des 15 (non compris les pays de l’Europe de l’est ) de 1996 à 2008.
Selon les auteurs de l’étude, la France fait partie des pays européens à coût élevé. Entre 1996 et 2008 ses coûts salariaux ont augmenté plus vite qu’en Allemagne, dans l’industrie comme dans les services, mais moins qu’en Irlande et c’est en Grèce qu’il a crû le plus fortement. Mais pour tirer des conclusions en termes d’évolution de la compétitivité où le recul de la France notamment vis-à-vis de l’Allemagne est incontestable, il ne faut pas prendre en compte le seul coût horaire de la main-d’oeuvre. Il faut également tenir compte de la productivité horaire (ce que chaque salarié produit en une heure de travail).Si l’on tient compte de la productivité, le coût salarial unitaire a diminué entre 1996 et 2008 en France et en Allemagne dans l’industrie manufacturière. Dans les services, c’est en Allemagne et en Autriche que l’évolution annuelle a été la plus faible. La France connaît une évolution à la hausse légèrement inférieure à celle de la moyenne de la zone euro.
De 21 à 49 euros selon les secteurs
Selon l’Insee, en 2008, dans les entreprises de dix salariés ou plus, un salarié coûte en moyenne 50 850 euros par an à son employeur. Rapporté aux heures effectivement travaillées (hors congés et absences), le coût du travail est un peu inférieur à 32 euros de l’heure. Mais le coût horaire varie de 21 euros dans l’hébergement restauration (dans lequel les salaires souvent peu élevés bénéficient en plus d’allègements de charges), à plus de 40 euros dans les secteurs des services financiers, de l’énergie ou de l’information. Le coût total se décompose en salaires et traitements bruts, cotisations sociales à la charge de l’employeur et autres dépenses. La rémunération des salariés (y compris l’épargne salariale) représente 67,3 % de ce coût. Les cotisations sociales à la charge de l’employeur représentent en moyenne 28,3 % du coût. Elles frôlent les 30 % dans l’industrie et l’information-communication alors qu’elles sont de 26,7 % dans les activités financières et d’assurance et de 25 % dans l’hébergement-restauration. La part restante du coût total est essentiellement constituée des frais de formation professionnelle, de l’ordre de 2,1 % dans l’industrie et les services marchands, et des impôts et taxes sur les salaires qui représentent en moyenne 2,2 % du coût total (avec un pic à 6,3 % dans les activités financières et d’assurance). Les subventions perçues pour l’embauche de salariés sont limitées (0,10 % du coût en moyenne), excepté dans l’hébergement-restauration où elles atteignent 1 %.
Aller plus loin :Insee référence : Emploi et Salaire. éditions 2012 Insee : Les déterminants du coût du travail en France