Un an après l’entrée en application de la loi Lagarde réformant le crédit à la consommation, l’association de consommateurs UFC-Que Choisir a renouvelé son enquête sur la distribution du crédit menée en 2009.
Une enquête pour vérifier l’application des nouvelles règles de distribution des crédits
La loi Lagarde du 1er juillet 2010, entrée en application progressivement jusqu’au 1er mai 2011, a institué plusieurs règles nouvelles relatives à la commercialisation des crédits à la consommation.
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Le prêteur qui propose, sur le lieu de vente, par internet ou par téléphone, un crédit pour financer un bien de plus de 1 000 euros, doit présenter une offre alternative au crédit renouvelable (dénommé anciennement revolving) sous forme de prêt personnel ou crédit affecté.
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Il doit systématiquement vérifier la solvabilité de l’emprunteur en lui faisant remplir une « fiche de dialogue ». Pour les prêts de plus de 3 000 euros, l’emprunteur doit fournir les pièces justificatives.
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Le prêteur doit aussi informer l’emprunteur sur les caractéristiques du prêt proposé.
L’enquête sur l’encadrement de la distribution du crédit a été menée du 21 janvier au 4 février 2012 par les associations locales de l’UFC-Que Choisir. Elles ont effectué 1 126 demandes de crédit auprès de 45 enseignes, autour d’un scénario unique : la demande d’un crédit sur 18 mois environ pour l’achat d’un ou plusieurs articles pour un montant supérieur ou égal à 1 000 euros. Ces visites sur place ont été complétées par une enquête similaire sur les sites internet de 12 établissements de crédit. Les banques, dont les pratiques « plus vertueuses » avaient été identifiées lors de la précédente enquête, selon les termes de l’UFC-Que Choisir, n’ont pas fait l’objet de l’enquête 2012.
Si le crédit renouvelable n’est plus systématiquement mis en avant, toutes les dispositions de la loi concernant la distribution des crédits à la consommation ne sont pas respectées en magasin et sur les sites internet. Dans près de 3 cas sur 4, le consommateur ressort toujours avec un crédit renouvelable.
Les méthodes de vente du crédit favorisent toujours le crédit renouvelable
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L’offre de crédit renouvelable est orientée à la baisse. Ce crédit n’est plus proposé que dans 36,6 % des cas, contre 64 % lors de l’enquête de 2009.
Mais dans plus de 70 % des cas, le crédit renouvelable n’est pas appelé par son nom, comme l’impose la loi. Les vendeurs parlent encore souvent de « réserve d’argent ».
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Dans 78 % des cas où un crédit renouvelable est proposé sur le lieu de vente, aucune offre alternative n’est faite au consommateur en faveur d’un crédit classique à la consommation (prêt personnel). 4 magasins sur 5 ne respectent pas l’obligation légale concernant les achats à partir de 1 000 euros financés à crédit.
Vous demandez un crédit pour financer un achat de plus de 1 000 euros
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Il en va de même pour les offres de crédit renouvelable commercialisées par internet. Les sites ne mettent pas en avant les alternatives au crédit renouvelable au-delà de 1 000 euros. Certains établissements financiers mentionnent de « manière accessoire » ou « dissimulée » (en bas de page, sur une partie d’écran difficilement visible) la proposition d’une offre alternative. Ou le crédit renouvelable est rendu obligatoire jusqu’à des seuils trop élevés. D’autres sites « occultent » l’offre alternative, ce qui s’apparente à une « violation manifeste de la loi », selon UFC Que choisir.
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Et le crédit renouvelable est encore largement commercialisé de manière détournée via les cartes de magasin. Les offres de paiement « X fois sans frais » ou de prêts personnels se multiplient. Mais pour en bénéficier, il faut souscrire la carte de fidélité du magasin, qui est assortie d’un crédit renouvelable dans près de 75 % des cas.Or, comme le fait remarquer un enquêteur : « Un vendeur nous informe que le but est d’attirer le client par un 1er achat sans frais pour ensuite utiliser la somme allouée sur la carte au crédit proposé ».
La vérification de la solvabilité de l’emprunteur est largement insuffisante
Même s’il y a un léger mieux par rapport à l’enquête menée en 2009, la solvabilité des emprunteurs ne donne lieu à aucune étude sérieuse dans 85 % des cas (93 % en 2009).
Contrairement aux nouvelles obligations légales, les emprunteurs ne sont interrogés sur leur situation professionnelle que dans un cas sur trois. Seuls près de 15 % des emprunteurs sont questionnés sur leur situation financière. Et il est demandé à seulement 7 % des emprunteurs s’ils sont déjà détenteurs d’un crédit.
Vérification de la solvabilité
Oui |
Non |
Ne sais pas |
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Question sur situation professionnelle |
33,4 % |
66,2 % |
0,4 % |
Question sur situation financière |
14,8 % |
84,5 % |
0,7 % |
Question sur situation familiale |
12,1 % |
87,2 % |
0,7 % |
Question déjà détenteur d’un crédit ? |
7,0 % |
92,3 % |
0,7 % |
Question locataire ou propriétaire ? |
8,7 % |
90,5 % |
0,8 % |
Question détenteur d’un chéquier ? |
16,2 % |
82,9 % |
0,9 % |
Question autres charges |
3,3 % |
95,3 % |
1,4 % |
Moyenne |
13,6 % |
85,6 % |
0,8 % |
Source UFC-Que Choisir
Le défaut d’information du consommateur sur les caractéristiques du crédit proposé
La loi Lagarde a institué l’obligation de remettre au client un document récapitulatif sur le crédit, pour lui permettre d’effectuer une comparaison entre le crédit proposé par un magasin et d’autres offres de prêt. Dans 57% des cas, aucun document n’a été remis à l’enquêteur.
Et dans la grande majorité des cas, les informations communiquées sur le crédit proposé sont très succinctes, essentiellement sur le montant du taux et celui des intérêts.
Les suites données à l’enquête de l’UFC-Que Choisir
L’UFC-Que Choisir se déclare favorable à « un endettement économiquement et socialement productif grâce à un crédit responsable ». Pour garantir cela,« l’offre de crédit doit être adaptée à la situation financière et au projet du consommateur ».
Au vu des résultats de son enquête, l’UFC-Que Choir engage plusieurs actions.
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Elle a saisi la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour que des contrôles soient réalisés sur les lieux de vente et que les infractions à la loi soient sanctionnées.
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Elle a déposé plainte pour non-respect de la loi (et notamment défaut d’offre alternative).
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Elle intervient auprès des parlementaires en réitérant plusieurs demandes pour assainir la distribution du crédit à la consommation : – interdiction de la vente de crédit renouvelable sur le lieu de vente – séparation / déliaison totale entre carte de fidélité et crédit renouvelable – vérification de la solvabilité de l’emprunteur dès le 1er euro emprunté, avec exigence des pièces justificatives à partir de 1 000 euros empruntés – interdiction du démarchage en matière de crédit.
Les établissements de crédit regroupés au sein de l’ASF (Association française de sociétés financières) ont souhaité apporter quelques précisions à la suite de la publication de cette étude, par voie de communiqué. L’ASF s’interroge en particulier sur les conditions de réalisation de l’enquête de terrain. Les enquêteurs n’auraient pas été jusqu’au montage effectif des dossiers de crédit renouvelable et de prêt personnel, ce qui pourrait fausser le diagnostic. L’ASF rappelle qu’au terme de l’analyse des dossiers, les établissements de crédit refusent 35 % des demandes de crédit renouvelable présentées.
L’ASF rappelle également que suite à l’application des mesures de la loi Lagarde, la commercialisation du crédit renouvelable apparait particulièrement impactée. Selon les dernières statistiques de l’ASF, le parc de crédits renouvelables a baissé en 2011 de 2 millions de comptes, sous le double effet d’une diminution du nombre d’ouvertures de -12 % et d’une accélération des clôtures.