L’introduction du rapport dit que la France, depuis 20 ans, a une croissance du PIB par habitant qui est l’une des plus faibles de la zone OCDE. Tout en soulignant la bonne volonté du gouvernement, Angel Gurria, secrétaire général de l’OCDE, lors de la remise du rapport à M. Moscovici, a rappelé l’urgence d’engager les réformes structurelles indispensables pour permettre à la France de retrouver enfin la croissance. Le rendez-vous est donné en 2015, pour la prochaine étude économique de l’OCDE.
Ce rapport, de plus de cent cinquante pages, se construit autour de trois parties. La première intitulée « évaluation et recommandations » fait une présentation générale de la situation économique de la France au lendemain de la crise de la zone euro. Les commentaires sont assortis de comparaisons avec les autres pays membre de l’OCDE. Des recommandations sont proposées.
Puis les experts de l’OCDE se sont attachés à décrire « l’efficacité et l’équité du système de prélèvements et de transferts » (chapitre 1). Le second chapitre décrit la situation particulièrement préoccupante de la jeunesse en France sous le titre « Améliorer la situation économique des jeunes ».
Un appareil productif à réformer
Globalement, la France sort relativement indemne de la crise de la zone euro : gestion de la dépense publique prudente, démographie dynamique, taux d’épargne des ménages élevés. Mais la France souffre de graves faiblesses structurelles qui brident les potentiels de croissance. Rappelons que l’OCDE, plus pessimiste que le gouvernement français, projette un taux de croissance de 0,1 % pour 2013.
Parmi les blocages, l’OCDE souligne la faiblesse de l’appareil productif français : structure de la fiscalité trop compliquée, réglementations excessives, rigidité et segmentation du marché du travail. Autant d’éléments qui pèsent sur la compétitivité des entreprises françaises et qu’il est urgent de réformer.
-
Les réglementations excessives sont des obstacles à la création d’emplois : dans des secteurs aussi différents que la téléphonie, l’optique, les transports ou la vente de médicaments mais aussi dans les professions réglementées : pharmaciens, avocats, le secteur des commerces ou les taxis. De même, Les PME souffrent d’effets de seuils d’effectifs. L’OCDE donne pour exemple le cas d’une PME qui dépasserait le seuil des 50 salariés, « l’entreprise est alors soumis à plus de 30 réglementations supplémentaires dont le coût représente environ 4 % de la masse salariale ».
-
La rigidité du marché du travail : elle est désormais partiellement levée avec la signature de l’Accord National d’Interprofessionnel (11 Janvier 2013) qui permet aux entreprises en situation de difficultés économiques de moduler les salaires et horaires de travail sur une période de deux ans en fonction de leur activité. Et la segmentation du marché du travail : l’OCDE note que « 90 % des embauches s’effectuent sur des contrats temporaires et les parcours d’insertion dans l’emploi stable sont longs et souvent chaotiques ». Le remède ? La flexisécurité. Notion qui suppose de plus grandes facilités de licenciement, mais assorties d’un accompagnement renforcé du chômeur avec à la clé des formations professionnelles dynamiques afin d’éviter la trappe du chômage de longue durée.
Les salariés en CDI restent majoritaires en France (plus de 80 % de la population active). Le rapport souligne surtout que les salariés en CDD ne trouvent que très rarement un emploi en CDI. En général ils enchainent plusieurs CDD d’une durée de 6 mois en moyenne C’est la segmentation du marché du travail en deux compartiments, l’un où les salariés sont très protégés (CDI) et l’autre où les salariés ne trouvent que des emplois temporaires et précaires (CDD, intérim…). Pour approfondissement, voire les enquêtes de l’INSEE.
Efficacité et équité du système de prélèvements et de transferts
La France est championne des réductions d’inégalités en matière de revenus. Mais comme le note l’OCDE, trop d’impôts, trop de dépenses publiques. Et c’est là où le bât blesse : les prélèvements obligatoires pèsent sur les performances économiques et la compétitivité des entreprises.
Un système fiscal trop complexe et pas assez neutre
La fiscalité de l’épargne est assortie d’un trop grand nombre de déductions, de crédits d’impôts et d’exemptions. Ce qui rend le système opaque et cher pour la société. Par exemple, les niches fiscales engendrent des stratégies de fraude ou d’évasion fiscale. Certains livrets sont exonérés d’impôts alors que les modifications des barèmes d’impôts des tranches de revenus les plus élevés ont entrainé un alourdissement important de prélèvements sur le capital. Quant aux avantages fiscaux dans l’immobilier, ils ne sont pas toujours justifiés. L’OCDE propose une réforme fiscale allant vers plus de simplicité.
Des taux d’imposition élevés
Hors déduction fiscale et autres, La France fait partie des pays où les taux marginaux d’imposition sont les plus élevés au monde :
-
Le taux d’imposition sur le revenu des sociétés (IS), avec la contribution sociale, s’élève à 34,4 % (36,1 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaire est supérieur à 250 millions d’euros (revenus 2012 et 2013). Mais avec l’ensemble des niches fiscales , le taux de l’impôt effectivement acquitté sur les revenus n’est que de 8 % pour les sociétés du CAC 40 et de 22 % pour les PME.
-
Seuls 4 pays de l’OCDE ont un impôt sur le patrimoine (stock du capital). Recalculé en pourcentage du taux d’impôt sur les revenus du capital (flux de revenus), pour les tranches supérieurs d’impôt, les taux d’imposition obtenus peuvent dépasser les 200 % des revenus réels d’intérêts, de dividendes ou de revenus locatifs.
La fiscalité du travail s’accompagne de stratégies qui ne sont pas toujours efficientes. Elle alourdit le coût du travail. C’est un effet dissuasif sur l’embauche des salariés les moins qualifiés. L’augmentation de la charge fiscale et la suppression de certaines prestations familiales peut dissuader certaines personnes au chômage d’accepter un nouvel emploi. Enfin le mode de calcul de l’impôt par foyer peut décourager certaines femmes de travailler car elles rentreront dans des tranches d’imposition trop élevées par rapport à leur revenu.
Trop de dépenses publiques
La France est en tête des pays de l’OCDE avec un volume des dépenses sociales équivalents à 23 % du PIB. Mais l’OCDE regrette la complexité du système avec plus de 60 programmes de dépenses et 90 régimes de retraite et de réversion. Quant aux prestations chômage, elles sont parmi les plus élevées des pays de l’OCDE, alors que le rapport souligne la faiblesse des politiques actives de reconversion professionnelle et note que la prise en charge du chômeur sur plus de 2 ans ne favorise pas automatiquement le retour à l’emploi.
Améliorer la situation économique des jeunes
C’est l’un des points faibles de la France et peut-être l’un des plus préoccupants : en 2010, la France compte 1,9 millions de jeunes de 15 à 29 ans qui n’étudient pas, ne travaillent pas et ne suivent aucune formation. Ils sont regroupés sous l’acronyme « NEET » (neither in employment, nor in education or training). Autre constat inquiétant : la difficulté des jeunes à trouver un emploi. Un jeune sur quatre de moins de 25 ans est aujourd’hui au chômage. C’est aussi cette catégorie d’âge qui est la plus sensibles aux variations de cycles économiques. Enfin, un jeune sur cinq souffre de pauvreté avec un revenu inférieur à 60 % du revenu médian. Les experts de l’OCDE soulignent plusieurs difficultés :
-
Le système éducatif échoue dans la réduction des inégalités : l’OCDE est très pessimiste et ne mâche pas ses mots puisqu’elle augure de sévères difficultés économiques et sociales dans les années à venir si rien ne change. Aujourd’hui 150 000 jeunes, soit un jeune sur cinq, quittent chaque année l’école sans diplôme du deuxième cycle de secondaire. Les tests PISA montrent la baisse importante des résultats des élèves les plus en difficulté. Score qui place l’enseignement en France parmi les moins performants des pays de l’OCDE.
-
Le système éducatif ne prépare pas l’entrée sur le marché du travail, ce qui allonge les parcours d’insertion. L’OCDE pointe du doigt la faible articulation entre le parcours scolaire des jeunes et leur insertion professionnelle. Il semble nécessaire de développer un ancrage régional entre l’Education nationale, les missions locales et les Centres d’information et d’orientation. Il faut aussi privilégier la mise en place de contrats d’apprentissage qui « allient formation qualifiante et première expérience professionnelle ».
-
La pauvreté des jeunes est à corréler avec leurs difficultés à trouver un emploi stable : 54 % des jeunes salariés sont en emploi temporaire avec une faible probabilité (1 jeune sur 5) de passer en CDI. Un jeune sur deux est encore chez ses parents. Solidarité familiale qui vient pallier l’absence de dispositifs pour cette population. L’OCDE note que la France est l’un des rares pays de l’OCDE qui ne propose aucune allocation de revenu minimum couplé avec un accompagnement actif d’insertion professionnel.
-
Dans ce contexte, les jeunes sont plus pessimistes que les autres catégories d’âge vis-à-vis de l’avenir. La situation des jeunes se dégradent. « Elle est la conséquence d’un rapport de force de type « insiders-outsiders » qui leur est défavorable : salaire minimum élevé qui tend à les exclure de l’emploi, forte protection des contrats permanents qui complique leur insertion, exclusion du RSA qui les appauvrit ».