Le Collège de l’AMF avait requis une sanction pécuniaire de 10 millions d’euros, sanction figurant parmi les plus importantes requises ces dernières années par le gendarme de la Bourse. Retour sur une affaire très médiatique.
La montée « surprise » du groupe LVMH au capital d’Hermès
En octobre 2010, le groupe LVMH annonce détenir 17,12 % des actions d’Hermès à la grande surprise des héritiers de son fondateur auxquels appartiennent encore 73,4 % des actions.
Lorsqu’une montée au capital dépasse le seuil de 5 %, la loi impose aux nouveaux actionnaires de se dévoiler et de déclarer leurs intentions pour des franchissements de seuils supérieurs.
Dans les faits, la situation se révèle plus complexe. Quelques mois auparavant, le groupe LVMH avait acheté par l’intermédiaire de ses filiales des dérivés financiers dénommés « equity swaps » portant sur des actions Hermès. Les 21 et 24 octobre 2010, plutôt que de demander une livraison numéraire du sous-jacent, c’est-à-dire un versement en espèces lié à la détention des « equity swaps », le groupe de Bernard Arnault a exigé la livraison physique du sous-jacent soit la totalité des actions Hermès adossée à cette opération boursière.
Résultat : la participation au capital d’Hermès du groupe LVMH passe de 4,9 % à plus de 15 % en quelques jours.
L’enquête de l’Autorité des Marchés Financiers
Fin 2010, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) lance une enquête. Deux ans plus tard, le délit boursier à l’encontre du géant du luxe n’est pas retenu. En effet, les dérivés financiers utilisés lors de cette opération échappaient à l’époque à l’obligation de déclaration de franchissement de seuil. Cependant, elle a retenu deux griefs : la présentation dissimulée des titres du sellier dans les comptes de LVMH et l’absence d’information du marché quant au montage de l’opération financière. C’est sur ces deux griefs que la Commission des sanctions de l’AMF s’est prononcé.
L’AMF prononce des sanctions administratives par opposition aux sanctions pénales qui sont elles prononcées par la justice pénale
Sanction réclamée par le gendarme de la Bourse : 10 millions d’euros à l’encontre du groupe de Bernard Arnault. Une sanction justifiée aux dires de Philipe Adhemar, représentant du Collège de l’AMF : « le manquement à l’obligation d’informer le marché est d’autant plus grave qu’il pourrait être considéré comme un abus de droit ou une fraude à la loi ». De son côté, le géant du luxe fustige et réclame la nullité de la procédure, accusant par ailleurs Hermès d’avoir réalisé à son encontre « une campagne de dénigrement et de calomnie ».
Par une décision du 25 juin 2013, la Commission des sanctions a infligé à la société LVMH une sanction pécuniaire de 8 millions d’euros. La Commission relève que le « contournement de l’ensemble des règles destinées à garantir la transparence indispensable au bon fonctionnement du marché doit être sanctionné à la hauteur des perturbations qu’il a provoquées ». Le groupe de luxe a décidé de faire appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris.
La procédure de sanction de l’AMF
L’AMF est composée d’un Collège et d’une Commission des sanctions. Le Collège dispose de pouvoirs de contrôles et d’enquêtes. En cas de manquement à la réglementation financière, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement des marchés, le Collège de l’AMF peut transmettre les griefs à la Commission des sanctions. C’est le Collège qui peut décider de l’ouverture d’une procédure de sanction. La Commission des sanctions, composée de 12 membres, statue sur les griefs qui lui sont transmis par le Collège de l’AMF. Elle peut prononcer des sanctions à l’égard des personnes, morales ou physiques, dont les pratiques ont été contraires aux lois et règlements régissant la proposition d’instruments financiers au public et le fonctionnement des marchés financiers, et de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. La procédure de sanction est contradictoire. Le Collège notifie à la personne mise en cause les griefs retenus à son encontre. Et l’audience auprès de la Commission des sanctions donne lieu à un débat entre la ou les personnes mises en cause et les autres participants à l’audience.