Cette commission, composée de dix experts, a été instituée le 27 février dernier. Elle avait pour mission d’identifier les pistes d’évolution et de proposer des scénarios de réforme. Pour cela, elle s’est appuyée sur le double diagnostic établi par le Conseil d’orientation des retraites (COR) en décembre 2012 et janvier 2013 sur les systèmes de retraites et leurs perspectives financières.
Le contexte de crise et démographique
Selon les prévisions du Conseil d’orientation des retraites (COR), le déficit cumulé de l’ensemble des régimes de retraites atteindrait 20 milliards d’euros en 2020. La crise actuelle, croissance faible et hausse du chômage, nécessite de réformer dès 2013 les systèmes de retraite. Pourtant la dernière réforme de 2010 devait permettre au régime français des retraites d’être à l’équilibre en 2018.
Par ailleurs, à la fin mai, la Commission européenne a accordé un délai de deux ans à la France pour ramener son déficit public sous la barre de 3 % du PIB. Mais la réforme des retraites constitue l’une des contreparties, la Commission ayant même suggéré plusieurs mesures permettant aux systèmes de retraite français de revenir à l’équilibre financier à l’horizon de 2020.
Le contexte démographique a un impact également important sur l’avenir des systèmes des retraites. Les départs à la retraite des générations du baby-boom seront encore très nombreux jusqu’en 2035 et l’allongement de l’espérance de vie se poursuit. D’où la dégradation du ratio démographique (population de 25 à 59 ans / population de plus de 60 ans) passant de 2,6 à 1,5 entre les années 2005 et 2035.
Des propositions pour revenir à l’équilibre en 2020
La Commission Moreau envisage plusieurs types de mesures pour rééquilibrer le système d’ici 2020. Elle propose deux scénarios combinant ces mesures, avec une répartition distincte des efforts demandés entre actifs et retraités (soit 2/3 pour les actifs et 1/3 pour les retraités, soit une répartition à parts égales).
Allongement de la durée d’activité
La Commission préconise un allongement « accéléré » des durées de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein. Dans une hypothèse d’augmentation rapide de la durée d’assurance, d’un trimestre par génération, les durées de cotisation seraient portées, selon l’année de naissance, à : pour ceux nés en 1962 : 43 anspour ceux nés en 1966 : 44 ans.Les gains espérés sont estimés à 600 millions d’euros dans le premier cas et à 200 millions dans le second.
La Commission préconise de ne pas modifier l’âge légal de la retraite (qui sera de 62 ans en 2017 en application des réformes précédentes), ni celui du départ à la retraite sans décote ou à taux plein quelle que soit la durée d’assurance (67 ans en 2017).
Une hausse des cotisations d’assurance-vieillesse
La commission Moreau propose une hausse de 0,1 point de la cotisation, qui s’applique sur la totalité du salaire, pendant quatre ans (2014 à 2017), partagée entre part salariale et part patronale. Les taux actuels sont de 0,10 % pour la cotisation salariale et de 1,6 % pour la cotisation patronale. Cette mesure rapporterait 2,6 milliards d’euros.
Les retraités mis à contribution
Pour trouver de nouvelles recettes, diverses mesures concernant les retraités actuels sont proposées :
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Diminution du taux de l’abattement fiscal pour frais professionnels sur la retraite imposable. Actuellement de 10 % comme pour les salariés, il pourrait passer à 7 %, 5 % ou 3 %. Le gain au titre de l’impôt sur le revenu est estimé entre 1,1 milliard d’euros et 2,7 milliards d’euros. Alternativement, le plafond de cet abattement pourrait être diminué de 3 660 euros à 2 500 euros ou 1 500 euros par foyer fiscal. Les gains seraient compris entre 0,5 milliard d’euros et 1,5 milliard d’euros selon le plafond retenu.
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Fiscalisation de la majoration de 10 % des pensions pour les parents de trois enfants et plus. Cette mesure pourrait produire un gain d’environ 900 millions d’euros.
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Alignement du taux de CSG des retraités aisés (6,6 %) sur celui des actifs (7,5 %). Un gain de 2 milliards d’euros à l’horizon de 2020 est espéré par cette mesure.
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Sous-indexation des pensions de retraites, à titre transitoire. Les pensions évolueraient moins que l’inflation, sur le modèle de la mesure mise en œuvre par les régimes complémentaires AGIRC–ARRCO en mars 2013 (voir notre actualité du 22 mars 2013 : Une revalorisation des retraites complémentaires Arrco-Agirc inférieure à l’inflation). Trois hypothèses de désindexation sont proposées par la Commission, préservant les pensions les plus modestes.
Des propositions pour rééquilibrer les systèmes de retraite sur le long terme
En supposant que les mesures précédentes auront permis d’équilibrer les systèmes de retraite en 2020, la Commission envisage ensuite diverses pistes de réforme pour renforcer l’équité et la lisibilité du système.
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Mise en place d’un système de pilotage, avec un comité de pilotage des retraites, permettant d’ajuster tous les ans l’équilibre du système des retraites, même en cas d’irrégularités démographiques ou économiques.
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Meilleure prise en compte des carrières, qui démarrent plus tardivement, pour les jeunes (période de stage, d’apprentissage…), des carrières heurtées (chômage, maladie…), du temps partiel.
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Refonte du mode de calcul des pensions de retraite des fonctionnaires.La Commission propose un rapprochement des règles de calcul du public et de celles du privé. Actuellement, les pensions de la fonction publique sont basées sur les six derniers mois de traitement, hors primes et indemnités, contre les 25 meilleures années dans le privé. Elle propose de retenir une durée plus longue, qui pourrait aller de trois à dix ans. En contrepartie, une partie des primes, dans la limite de 5 % du traitement serait intégrée dans le calcul.
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Améliorer les conditions de travail et créer un « compte individuel pénibilité » pour les salariés exposés aux facteurs de pénibilité. Ce compte permettrait notamment d’acquérir des droits supplémentaires de retraite. A court terme, avant la mise en place éventuel d’un tel système, la Commission suggère une majoration de trimestres pour la retraite pour les salariés exposés à deux types de situation de pénibilité : travail de nuit et exposition à des substances cancérigènes.
Le calendrier de la réforme
Le rapport de la Commission Moreau va servir de base de travail, de « boîte à outils » pour le Gouvernement qui définira les orientations qu’il souhaite retenir. Lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin prochains, la retraite fera l’objet d’une table ronde. Puis s’ouvrira une phase de concertation avec les partenaires sociaux au cours de l’été. Et à l’automne, le gouvernement indiquera ses choix en présentant un projet de loi qui sera examiné le Parlement avant la fin de l’année.