« Avec la succession des crises financières, j’ai acquis la conviction profonde que le régulateur doit contribuer à redonner du sens à la finance. Pour cela, il doit remettre les marchés financiers au service de l’économie réelle ». Selon Gérard Rameix, président de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), le rôle du régulateur n’est pas « purement technique ». Il doit protéger l’épargnant, veiller à transmettre une information financière juste et claire au grand public et s’assurer du bon fonctionnement des marchés mais pas seulement… Il doit également s’investir dans la régulation européenne et internationale, rétablir la confiance des épargnants et enfin agir pour le financement de l’économie. Retour sur le bilan de l’année 2012 et focus sur les grandes axes d’orientation stratégique à venir présentés par le gendarme boursier le 13 juin dernier.
Bilan 2012 : les principaux chiffres
Dans le cadre de ses missions, l’AMF est chargée de protéger les épargnants. Cette protection passe par la mise en place de services et d’outils destinés à les informer et à mieux les accompagner dans leurs démarches d’investissement. Au titre de l’année 2012, le régulateur a traité 9 604 demandes émanant pour plus de la moitié (59 %) de particuliers.
En cas de litige avec un intermédiaire financier ou avec une société cotée, l’AMF met à la disposition des épargnants un service de médiation. La procédure est gratuite, confidentielle et non contraignante. En 2012, 695 dossiers ont été traités par le médiateur de l’AMF. 62 % d’entre eux ont donné lieu à un accord entre les parties.
Autre mission de l’AMF : contrôler l’information financière diffusée au grand public et réguler les opérations des sociétés cotées (introduction en bourse, offre publique d’achat (OPA), fusions et scissions, etc.). En 2012, 614 visas relatifs à ces opérations financières ont été accordés et près de 350 documents d’information ont été déposés et enregistrés par le gendarme boursier.
Cette surveillance de l’information financière diffusée auprès du grand public passe également par un suivi régulier des produits agréés par le régulateur. Ainsi, l’AMF exerce sa surveillance au quotidien sur près de 1 000 titres de capital, 2 300 obligations ou produits financiers dérivés et a contrôlé plus de 880 millions de transactions au titre de l’année 2012 (des outils informatiques spécifiques ont été mis en place à cet effet lors des passages d’ordre en Bourse).
L’AMF dispose également d’un pouvoir de contrôle et de sanction sur les professionnels qu’elle agrée.
Au 31 décembre 2012, près de 13 000 établissements financiers (11 894 organismes de placement collectif, 604 sociétés de gestion et 459 prestataires de services d’investissement) sont soumis au contrôle de l’AMF.
En 2012, 5 985 « entités » ont été contrôlées par l’AMF après constat « de comportements ou d’incidents pouvant constituer des manquements aux obligations des personnes soumises à l’autorité du régulateur ». Suite à ces procédures, le secrétaire général de l’AMF peut notamment décider de l’ouverture d’un contrôle (47 en 2012) qui à terme donne naissance à un rapport complet fourni au Collège de l’AMF (organe décisionnel du régulateur). Ce dernier décide alors des suites à donner au dossier (lettre de recommandations envoyé à l’entité contrôlé, ouverture d’une procédure de sanction devant la Commission des sanctions de l’AMF ou encore transmission du dossier au procureur de la République…).
L’AMF dispose également d’un pouvoir d’enquête si ses services constatent « un comportement susceptible de constituer une infraction boursière ». Si tel est le cas, une enquête est ouverte et son rapport est transmis au Collège de l’AMF qui décide des suites à donner à la procédure. En 2012, sur 80 enquêtes ouvertes, 74 ont été clôturées.
L’affaire LVMH/Hermès est un exemple parmi d’autres d’enquête suivie par les services de l’AMF. Elle avait été ouverte sur demande du sellier de luxe en décembre 2010. Au terme de plus de deux ans de procédure, le gendarme boursier s’est prononcé sur les sanctions encourues : Il requiert une amende de 10 millions d’euros à l’encontre du groupe de Bernard Arnault pour manquement et dissimulation d’information au marché.
Voir notre actualité : Affaire LVMH/Hermès, l’AMF requiert une amende de 10 millions d’euros
S’investir, rétablir et agir pour redonner du sens à la finance
C’est par ces trois mots d’ordre que pourrait être résumée l’orientation stratégique du gendarme boursier pour ses trois prochaines années d’exercice avec un constat global, celui d’une économie en berne :« notre nouvelle stratégie est définie alors que la crise financière et économique débutée en 2007 perdure. D’importantes incertitudes demeurent, qui touchent au quotidien les épargnants, les entreprises et le secteur financier […] les marchés financiers ne remplissent pas de façon satisfaisante leurs fonctions économiques fondamentales au service du financement des entreprises, des besoins des placements des épargnants et de la répartition des risques entre les acteurs ».
Cette volonté de redonner du sens à la finance passera par la mise en place de trois principaux objectifs : s’investir pour des marchés européens plus sûrs et transparents ; rétablir la confiance des épargnants et agir pour le financement de l’économie.
S’investir pour des marchés européens plus sûrs et transparents
Cet axe stratégique résulte du constat que la supervision des acteurs financiers s’effectue aujourd’hui essentiellement à l’échelle européenne et internationale. Dans ce contexte, l’AMF a pour vocation de s’investir davantage dans les instances de régulation internationale, notamment au sein de l’ESMA en développant sa « force de conviction », en renforçant son « effort d’influence » et en y associant d’autres acteurs majeurs de régulation nationale tels que l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), le Trésor et la Banque de France.
À cela, s’ajoute également la volonté de progresser vers la surveillance européenne, d’identifier les risques du système financier et de jouer un rôle d’alerte sur les insuffisances de la régulation.
Rétablir la confiance des épargnants
Selon le président de l’AMF, « les épargnants et les citoyens montrent de façon générale une importante défiance à l’égard des marchés financiers » citant à cet égard les masses d’épargne liquide, non risquée et défiscalisée, la perte de vitesse de l’actionnariat individuel ainsi que l’enthousiasme suscité par la finance participative ou crowdfunding.
Dans ce contexte, l’AMF s’engage à s’investir davantage dans la protection des épargnants en étant à l’écoute de leurs requête, en progressant dans la réparation des préjudices et en poursuivant une répression active des manquements à la législation. Toujours avec la volonté de rétablir un climat de confiance, l’AMF se donne également pour objectif d’éclairer les citoyens et les décideurs sur le rôle de la finance.
Agir pour le financement de l’économie
Face à une conjoncture économique déprimée qui pèse sur la croissance française à moyen et long terme, l’AMF s’engage à agir pour le financement de l’économie. À cet effet, elle se donne pour objectif de développer une approche de financement adaptée aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprise de taille intermédiaire (ETI), d’accompagner le développement d’une industrie innovante et compétitive et d’accompagner les évolutions du financement de l’économie en mobilisant tous les acteurs boursiers.