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La culture financière des Français, par Pascale Micoleau-Marcel, Déléguée générale de l’IEFP ;
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Le rôle de la Caisse des dépôts dans une perspective historique, par Bruno George, responsable de la communication digitale et éditoriale du groupe CDC ;
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Le fonds d’épargne et le livret A par Sabine Delefosse, responsable de la communication du fonds d’épargne de la CDC.
La finance et les Français font-ils bon ménage ?
En 2011, à l’initiative de l’Institut pour l’Éducation Financière du Public, un sondage a été réalisé par le CREDOC (centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) en partenariat avec l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) portant sur la culture financière des Français. Ses principaux résultats amènent à considérer que les Français ont une culture médiocre dans ce domaine. En effet, les Français peinent à maîtriser des concepts financiers pourtant élémentaires. Par exemple, seule une personne sur deux sait que 100 € placés à 2 % par an conduisent à un capital de 102 € au terme d’une année. Dans la tranche des 18-24 ans, c’est presque une personne sur trois. Un Français sur quatre, seulement, parvient à trouver dans une liste de trois réponses possibles, la définition d’une obligation. 45 % savent ce qu’est un fonds de placement (41 % pour les 18-24 ans) et 52 % connaissent les principes d’un dividende (32 % pour les 18- 24 ans). La note obtenue à ce test de culture s’élève en moyenne à 4,6 sur 10 pour l’ensemble de la population contre 3,9 pour la tranche des 18-24 ans…
Au-delà des connaissances, que penser des comportements financiers des Français ? On le sait, contrairement aux pays anglo-saxons, les Français n’aiment pas prendre de risques. En effet, si on les interroge sur l’objectif principal de leurs placements financiers, 50 % d’entre eux invoquent le besoin de mettre de l’argent de côté en cas de coup dur, 16 % la volonté de transmettre aux enfants et petits enfants, 14 % la préparation de la retraite. Conséquence, ils épargnent beaucoup et investissent majoritairement dans des produits sûrs. En 2010, le taux de détention d’un Livret d’épargne comme support d’investissement s’élevait à 85 %, celui de la résidence principale à 58 % et celui de l’assurance-vie ou de l’épargne retraite à 48 %. Le premier a même atteint 96 % en 2012 selon le dernier rapport de l’observatoire sur l’épargne réglementée. Ces comportements se font au détriment de la bourse. Le poids des actionnaires individuels a diminué de 5 points de pourcentage entre 2008 et 2012 et ce quelle que soit la valeur du CAC 40 au cours de cette période. Sur ce point, ce n’est pas le goût des Français pour le risque qui a changé mais leur perception des produits boursiers qu’ils considèrent comme plus risqués depuis la crise financière de 2007/2008. Cette grande prudence se retrouve également dans l’attitude des Français face à l’emprunt et la faiblesse de leur taux d’endettement au regard d’autres pays développés.En septembre 2009, il s’élève à 75 % contre 273 % au Danemark, 157 % aux États-Unis ou encore 146 % au Royaume-Uni.
Ne pas s’y connaître en finance quand on ne prend pas de risques, est-ce si grave? On pourrait estimer que non si les Français avaient des comportements rationnels. Mais du fait de leur aversion pour le risque, ils investissent souvent à contretemps, et ne financent pas directement l’économie (les institutions financières le font à leur place). Par ailleurs, ils sont peu enclins à parler argent et sont peu formés aux questions économiques. Il n’est pas surprenant qu’ils se déclarent, pour 80 % d’entre eux, perdus en matière de placements financiers. Nombreux sont ceux qui, d’ailleurs, aimeraient être mieux formés : 79 % souhaiteraient en apprendre davantage en matière de finance au cours de leur scolarité et 77 % sont réceptifs à la possibilité de suivre une formation dans leur entreprise. Des déclarations qui reflètent la mission que s’est fixée l’IEFP depuis sa création en 2006, celle de promouvoir l’accès à une information financière pédagogique et neutre, pour le plus grand nombre, par de multiples actions (formation d’associations de consommateurs, élaboration de modules pédagogiques pour le corps enseignant et les établissements financiers, organisation de débats et de conférences…) et divers véhicules (le site internet lafinancepourtous.com, des ouvrages et des brochures sur différents thèmes…).
L’histoire de la Caisse des dépôts et consignations …
Bruno George, responsable de la communication digitale et éditoriale de la CDC introduit son intervention en rappelant que si beaucoup de Français connaissent l’existence de la Caisse des dépôts, peu en connaissent l’histoire et le rôle.
La Caisse des dépôts est née en 1816 dans un contexte politique et économique perturbé : la monarchie est à nouveau rétablie après la chute définitive de l’empire napoléonien mais la France est ruinée du fait des nombreuses guerres menées sous les précédents régimes. La mission première de cette nouvelle monarchie consiste à rétablir la confiance des Français de façon à rembourser la dette de l’Etat. Le ministre des Finances de l’époque fonde alors par la première loi de finance un « établissement spécial » chargé de collecter les dépôts de fonds privés en assurant leur « fructification ». Une véritable révolution pour l’époque car elle pose le principe de la rémunération de l’épargne jusqu’alors inexistante. Elle est placée sous le contrôle du Parlement par l’intermédiaire d’une Commission de surveillance. C’est toujours le cas aujourd’hui.
Au XIXe siècle, la France connait l’essor de la révolution industrielle et la naissance d’une nouvelle classe de travailleurs, celle des ouvriers essentiellement. La maladie, la vieillesse, le chômage ou encore les accidents de travail sont de nouvelles variables sociales à prendre en compte. En 1850, la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse est créée. Sa gestion est confiée à la Caisse des dépôts. Il en sera de même pour la Caisse nationale d’assurance en cas de décès et en cas d’accidents instaurées en 1868.
La Caisse se retrouve ainsi avec des sommes d’argent considérables à gérer. Se pose alors le problème de leurs emplois. Pendant des décennies, l’école de la prudence et de la sécurisation des fonds prévaudra. Il faudra attendre le début des années 1880 pour qu’elle devienne un acteur investi dans la modernisation du pays. Elle finance ainsi la construction des canaux, des chemins vicinaux, des chemins de fer, des écoles, du logement social, la mise en place de l’électricité dans les campagnes et des équipements téléphoniques.
Au fur et à mesure, la Caisse des dépôts va soutenir le développement à long terme de la France. À la fin des années 1940, ce sera la reconstruction du pays après des années de guerres dévastatrices puis le financement de la modernisation liée à l’essor économique des Trente Glorieuses (logements, soutien aux entreprises, construction d’autoroutes, financement des collectivités locales, etc.).
Aujourd’hui, la Caisse des dépôts joue toujours ce rôle d’investisseur de long terme au service de grands projets d’avenir (le numérique, la recherche, l’innovation…) réaffirmé par la création de nouvelles institutions telle que la Banque publique d’investissement (BPI). Un rôle d’impulsion financière primordial, que ce soit en terme de temps ou de ressources nécessaires à l’ élaboration des projets. Par exemple, un tronçon d’autoroute d’un kilomètre représente aujourd’hui un coût de 17 millions d’euros auquel il faut ajouter un retour sur investissement qui intervient seulement au bout de 40 ans. Elle contribue également à financer l’essor et le développement d’entreprises par son activité de capital-risque et de soutien aux petites et moyennes entreprises. La Caisse des dépôts remplit aujourd’hui ces missions à côté de la gestion des régimes de retraite et de solidarité ou encore celle de l’épargne réglementée des Français.
… et son rôle dans l’économie
L’une des missions de la Caisse des dépôts, sinon la plus connue, est celle de la transformation de l’épargne réglementée en investissements d’intérêt général. Les livrets A, les Livrets de développement durable ou encore les Livrets d’épargne populaire font partie des fonds gérés par la Caisse des dépôts qui servent au financement de projets dans des secteurs désignés par l’Etat.
Comme le rappelle Sabine Delefosse, responsable de la communication du fonds d’épargne de la CDC, nous sommes tous pour la plupart détenteurs d’un Livret A. On en compte aujourd’hui environ un par personne en France. Au 31 décembre 2012, l’encours de l’épargne réglementée s’élevait à près de 400 milliards d’euros (342,6 milliards d’euros pour le Livret A et le LDD et 51,8 milliards d’euros pour le LEP). Sur ces 400 milliards d’euros, 70 % sont centralisés dans le fonds d’épargne de la CDC, soit environ 256 milliards d’euros fin 2012.
En tant que » banquier au service public de la justice et de la Sécurité sociale « , la CDC doit veiller à assurer un équilibre permanent entre la sécurisation des dépôts et le financement de programmes d’intérêt collectif. D’une part, la CDC doit assurer son rôle de protecteur et de rémunérateur de l’épargne. Pour ce faire, elle investit dans des produits financiers tels que des produits de taux (90 % de son portefeuille) et des actions (10 %). D’autre part, elle doit remplir son rôle d’investisseur de long terme. De là, une partie de l’épargne réglementée collectée par la CDC sert au financement des aménagements territoriaux et du logement social par l’intermédiaire de prêts octroyés à des acteurs publics, tels que les collectivités locales, à un taux et pendant une durée très avantageux. En guise d’exemple, au cours de l’année 2012, le fonds d’épargne a permis de construire et de réhabiliter 105 000 logements, soit l’équivalent d’une ville comme Montpellier.
La Caisse des dépôts constitue ainsi un acteur majeur dans notre système économique actuel qui s’est considérablement développé depuis sa création. En 1816, on comptait seulement 300 livrets d’épargne au sein de la CDC. Elle en regroupe aujourd’hui plus de 60 millions.