La mise en place du Mécanisme de Supervision Unique a été précisée lors d’une conférence organisée par l’ACPR le 13 novembre.Le Mécanisme de Supervision Unique a pour objet de transférer à la Banque Centrale Européenne les compétences de superviseur bancaire à l’échelon européen afin d’uniformiser les règles et normes de supervision et ainsi de prévenir les défaillances au sein du système bancaire européen et sa contagion d’un Etat à l’ensemble des pays de l’Union européenne.
Le MSU sera applicable à partir du 4 novembre 2014 : son organisation n’est toutefois pas encore définitivement arrêtée. Aussi, l’un des objets de la conférence de l’ACPR était de faire le point sur cette question à un an de l’échéance et d’en présenter les points clés.
Par ailleurs, la BCE a annoncé le 23 octobre dernier la lancement d’une évaluation complète de la situation des grandes banques préalablement à l’exercice de son rôle de superviseur européen. Cette évaluation portera sur leurs risques, la qualité de leurs actifs et sur leur capacité de résistance.
La conférence de l’ACPR avait également pour but de fournir des précisions sur ce processus d’évaluation.
L’organisation future du MSU
Si, en matière de réglementation, l’ensemble des directives et recommandations édictées par la Commission européenne s’appliquent à l’ensemble des établissements bancaires de l’Union européenne, la supervision exercée par la BCE à travers le MSU ne concernera que les pays de la zone euro. Dans les pays européens hors zone euro, la supervision continuera de relever des autorités nationales de contrôle.
Cette supervision de la BCE s’exercera de deux manières :
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En direct, et avec l’aide des autorités nationales de supervision pour les établissements jugés « significatifs ». Ces derniers se définissent comme ceux dont le total d’actifs dépasse 30 milliards d’euros ou dont le poids dans le PIB du pays est supérieur à 20 % ou qui appartiennent à un groupe ayant reçu une aide financière du FESF ou du MES. En outre, pour chaque Etat membre, au moins 3 établissements de crédit devront relever de la supervision directe de la BCE, même s’ils ne répondent pas aux critères retenus. De même, toute entité revêtant une importance notable pour l’économie nationale pourra également être considérée comme significative.
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Par l’intermédiaire des autorités nationales de supervision, mais sous son contrôle et dans le respect du cadre qu’elle aura défini, pour les établissements jugés « moins significatifs ».
Les principes de l’organisation de la supervision en direct de la BCE
Le principe de base reposera sur la coopération entre la BCE et les autorités nationales via des « équipes conjointes de supervision » à la tête desquelles se trouvera un coordinateur de la BCE qui s’appuiera sur des collaborateurs internes pour mener des analyses sur base consolidée, et sur des « sous coordinateurs » au sein des autorités nationales de supervision pour conduire, via leurs équipes propres, des analyses individuelles des entités appartenant au périmètre du groupe.
En matière de gouvernance, le bureau de supervision sera l’organisme central en charge de la définition de la politique de supervision de la BCE. Ses propositions en la matière devront être soumises pour validation au conseil des gouverneurs qui se réunira spécialement pour les examiner. A priori, cet examen ne devrait revêtir qu’un aspect purement formel, les propositions du bureau ayant vocation à être acceptées en l’état par le Conseil des gouverneurs (procédure d’absence d’objection). Néanmoins, au cas où un différend interviendrait, une procédure de médiation est prévue.
La supervision pour les établissements jugés « moins significatifs »
Si les autorités nationales conserveront la responsabilité de la supervision directe sur ces établissements, elles devront toutefois, dans leur méthodes de travail, se conformer aux instructions ou lignes directrices fixées par la BCE.
Par ailleurs, afin que la BCE puisse éventuellement décider si une supervision directe est nécessaire, les autorités nationales devront lui fournir les principales données financières et réglementaires de ces établissements, l’évaluation du profil de risque la plus récente ainsi qu’une information sur toutes les décisions prises à leur égard.
L’évaluation complète des grandes banques
L’évaluation complète par la BCE des risques, de la qualité des actifs et de la capacité de résistance des grandes banques préalablement à l’exercice de son rôle de superviseur s’échelonnera sur 12 mois à compter de novembre 2013. Elle s’effectuera en collaboration avec les autorités nationales compétentes des Etats membres participant au MSU. Elle vise 3 objectifs :
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la transparence, à travers une amélioration de la qualité des informations disponibles sur la situation des banques,
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l’assainissement, grâce à l’identification et à la mise en œuvre, le cas échéant, des mesures correctrices nécessaires,
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le renforcement de la confiance, en assurant toutes les parties prenantes que les banques sont fondamentalement solides et crédibles.
L’évaluation complète comprendra elle-même trois éléments : une évaluation prudentielle des risques, un examen de la qualité des actifs et la réalisation d’un stress test.
Une évaluation prudentielle des risques
Celle-ci visera à apprécier, quantitativement et qualitativement, les facteurs de risques majeurs, notamment de liquidité, d’effet de levier et de financement.
Un « système d’évaluation des risques » permettant de déterminer des profils de risque des principales banques au niveau consolidé est en cours d’élaboration. Une équipe dédiée associant une vingtaine d’experts des autorités nationales ou de la BCE travaille sur ce sujet. Les grandes lignes de ce système ont été définies. Il reste à affiner les profils de risque en recourant à des données chiffrées. Ce système d’évaluation des risques a vocation à servir de socle méthodologique sur lequel la BCE s’appuiera pour conduire son action de supervision une fois le MSU mis en place.
L’évaluation du profil de risque repose sur l’analyse de 10 catégories spécifiques clés. Pour chacune d’elles, le jugement portera à la fois sur le niveau du risque (faible, moyen/faible, moyen/élevé et élevé) et les mécanismes de contrôle internes associés (fort, adapté, inadapté, faible). C’est la synthèse de ces analyses qui permettra de déterminer une appréciation globale du profil de risque du groupe bancaire. Celle-ci s’exprimera sous la double forme d’une appréciation écrite résumant l’évaluation et d’une notation sur une échelle à 4 niveaux.
L’analyse devra utiliser l’information la plus large possible, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, y compris celle de nature prospective. A terme, elle répondra aussi au principe de proportionnalité, à savoir que la profondeur des analyses menées et la fréquence de l’action de supervision dépendront de l’importance systémique des institutions et de leur risque intrinsèque, tel que déterminé à l’issu du processus d’évaluation.
Ce dernier comprendra trois étapes, tant pour l’appréciation du niveau de risque (collecte et traitement des données, notation automatique, évaluation principale débouchant sur la notation finale) que pour celle du contrôle des risques (collecte et traitement des données, vérification de conformité, évaluation principale débouchant sur la notation finale).
Le respect de ces trois étapes définit le cadre d’un « jugement contraint » qui permet de garantir que le traitement des dossiers sera effectué de façon uniforme quelles que soient l’institution et l’équipe en charge de la supervision et ainsi que les établissements seront traités sur un même pied d’égalité. Toutefois, si le jugement porté par le superviseur est encadré par une procédure stricte débouchant sur une notation automatique (phase 2 de l’analyse des risques), une souplesse est introduite dans le système. Ainsi, l’analyste aura la possibilité d’améliorer d’un cran la notation finale ou de la dégrader de deux crans s’il dispose d’informations supplémentaires lui permettant de justifier sa décision.
A l’issue de ce processus, qui comprend aussi un dialogue avec l’institution supervisée (laquelle procède en interne à sa propre auto-évaluation d’adéquation de ses fonds propres à son niveau de risques et de sa position en terme de liquidité), des décisions d’actions correctrices pourront être formulées à l’égard de la banque avec éventuellement la détermination d’un programme d’examen de supervision.
Un examen de la qualité des actifs des banques
Destiné à accroître la transparence quant l’exposition des banques, cet examen portera notamment sur l’adéquation de la valorisation des actifs et des garanties ainsi que des provisions selon une méthodologie définie par la BCE. L’exécution de cet examen est déléguée aux autorités nationales, mais un processus d’assurance-qualité conduit tout au long du processus permet de vérifier que la méthodologie est appliquée de façon uniforme dans chaque pays.
Pour la France, l’ACPR devra conduire cet exercice pour 13 groupes dont la situation consolidée représente 95 % du système bancaire français.
Cet exercice comporte trois phases successives :
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Une phase de sélection des portefeuilles à évaluer, qui s’échelonnera de novembre 2013 à janvier 2014.Cette sélection sera basée sur les risques, sachant que la BCE demande à ce qu’au minimum 50 % des actifs pondérés par le risque soient revus, ce qui constitue un niveau très ambitieux par rapport au calendrier fixé.Les autorités nationales devront faire des propositions à la BCE qui pourra en retour, sur la base de données chiffrées dont elle dispose et des analyses comparatives qu’elle peut conduire, remettre en question ces choix initiaux et proposer une liste corrigée des portefeuilles à évaluer.
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Une phase d’exécution de l’évaluation des actifs, qui devra être réalisée entre février et juin 2014.L’évaluation des expositions sera conduite par les équipes de l’ACPR et se fondera sur une valeur de référence de 8 % des fonds propres de catégorie 1 constitués des actions ordinaires (définition de la directive CRD IV). A l’issue des conclusions de l’examen de la qualité des actifs, un ajustement des actifs pondérés des risques de crédit et de marché pourra être opéré.
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Une phase d’examen de la qualité des actifsLe processus de contrôle qualité est présent tout au long du processus d’examen de la qualité des actifs. Les autorités nationales devront par exemple rendre compte de leur action à la BCE de façon hebdomadaire. Par ailleurs, le contrôle qualité se renforce au moment de la compilation des données nationales et de la synthèse des résultats via la conduite, à la BCE, d’analyses comparatives et de benchmarking.
La réalisation d’un « stress test »
Il s’agit de vérifier la capacité des banques à absorber les chocs en situation de crise. Ce test de résistance sera mené à l’issue du processus de revue de la qualité des actifs en collaboration avec l’Autorité bancaire européenne (EBA) sur un échantillon de banques plus large que celui des seules banques « significatives ». Le contenu précis de ce test n’est toutefois pas encore connu.
Enfin, les résultats de l’évaluation complète des risques, de la qualité des actifs et de la capacité de résistance des grandes banques feront l’objet d’une communication unique de la BCE avant l’entrée en vigueur du MSU en novembre 2014.