L’ESMA a été créée en 2010 par un règlement européen. Son rôle est d’assurer la stabilité et l’efficacité du système financier dans l’Union européenne à court, moyen et long terme. Dans ce contexte, elle participe à l’élaboration de normes et standards de régulation et de surveillance financière. Elle émet également des orientations et des recommandations dans ce sens. Parallèlement, elle évalue et analyse de façon permanente les risques présents sur les marchés financiers et contribue à assurer la protection des investisseurs à l’échelle européenne à l’instar de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) à l’échelle nationale.
Conflits d’intérêts
C’est l’indépendance des analystes senior et des membres du Comité de direction qui est ici remise en question. En effet, le régulateur européen a constaté lors de son enquête un certain nombre de manquements notamment l’implication à plus ou moins grande échelle de hauts responsables dans les processus de notation. Certains d’entre eux sont directement impliqués dans des décisions relevant de la gestion ou du management des agences, ce qui ne les empêche pas de participer aux séances de vote des notes souveraines alors même qu’ils ne disposent pas de l’ensemble des informations nécessaires à cette prise de décision : « il se révèle indispensable que les agences de notation définissent clairement, et lorsque c’est nécessaire, révisent le rôle joué par les analystes senior dans le processus de notation, et ce afin de s’assurer que les notes sont attribuées de façon totalement indépendante », précise le rapport.
D’autres conflits d’intérêts ont pu être constatés liés à l’interdépendance entre plusieurs services tels que celui chargé d’élaborer les méthodologies ou les révisions de notations souveraines avec ceux directement en charge de leur élaboration.
Non-respect des délais et de confidentialité de l’information
Sur ce point, l’ESMA a pu constater à plusieurs reprises que les informations relatives à la révision d’une note souveraine pouvaient être communiquées à des tiers avant la communication officielle de cette décision ou avant même qu’elle ait été votée par le Comité de direction. Dès lors, elle recommande aux agences de « s’assurer que leurs employés respectent la confidentialité des informations relatives aux activités de notation et que des contrôles en interne soient mis en place pour en limiter l’accès ».
S’agissant des délais de publication des notes souveraines, le régulateur s’inquiète qu’ils ne soient pas systématiquement respectés. Dans certains cas, les entités concernées ne sont informées qu’au moment de leur publication officielle alors que la réglementation impose aux agences de respecter un délai d’information de 12h au minimum.
Insuffisance des ressources allouées
Enfin, la dernière mise en garde de l’ESMA fait état du manque ou de l’inadéquation des ressources employées dans les activités de notation. Elle constate que certaines hautes responsabilités ayant un impact significatif sur la notre attribuée à certaines entités sont confiées à de très jeunes recrues avec peu d’expérience ou à des équipes dont l’effectif est insuffisant au regard de la tâche assignée : « étant donné la volatilité que les titres de dettes souveraines ont pu expérimenter ces dernières années […], l’ESMA considère que les agences de notation ne devraient pas uniquement compter sur des considérations qualitatives de haut niveau, mais plutôt s’assurer que les ressources allouées [humaines et managériales, ndlr] sont adaptées ».
S’appuyant sur les constats du rapport, le président de l’ESMA, Steve Maijoor, déclarait dans un communiqué de presse :« l’impact que peuvent avoir ces changements de notation sur les marchés financiers et les Etats peut être significatif. Dès lors, il est impératif que les utilisateurs puissent avoir la certitude que les agences de notation disposent des systèmes et moyens de contrôle adéquats, garantissant que les notations sont rigoureuses, libres de tout conflit d’intérêt et opportunes ».
Depuis le 20 juin 2013, les agences de notation sont soumises à des règles plus strictes dans l’Union européenne. Elles sont désormais tenues de mettre en place un calendrier indiquant les dates d’élaboration des notes des Etats membres. Ces derniers devront être informés des faits et hypothèses retenus dans chaque processus de notation. Par ailleurs, afin de responsabiliser les agences de notation, le législateur a mis en place un régime européen de responsabilité civile pour faute intentionnelle ou négligence grave. En outre, toute entité qui s’estimerait victime d’une erreur de notation pourrait demander réparation, voire obtenir des dommages et intérêts. Enfin, afin de prévenir les conflits d’intérêt, une agence de notation sera tenue de préciser si un actionnaire détient plus de 5 % de son capital (ou de ses droits de vote) ou plus de 5 % du capital d’une entité qu’elle note. Si ces deux chiffres sont supérieurs à 10 %, l’agence n’aura pas le droit de noter l’entité. Cette législation reste néanmoins uniquement applicable sur le territoire européen ce qui limite son potentiel d’impact sur les agences de notation.