Face à la hausse des loyers privés constatés ces dix dernières années et à la baisse du pouvoir d’achat des Français, la loi Alur vise à réguler et encadrer les pratiques régissant le marché immobilier actuel où bon nombre d’abus sont constatés (logements insalubres, loyers excessifs, marchands de sommeil, etc.) notamment dans des « zones tenues » marquées par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande.
Encadrement des loyers
De façon à « éliminer les loyers excessifs, voire abusifs […], contenir fermement leur progression et faciliter l’accès au logement« , un dispositif d’encadrement des loyers sera créé. Il s’appliquera dans des zones dites « tendues », 28 agglomérations au total de plus de 50 000 habitants dont Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Montpellier, Nice, Paris, Strasbourg ou encore Toulouse.
Ce mécanisme pourrait être effectif dès l’automne 2014 dans la métropole parisienne et dans quelques autres agglomérations.
Chaque agglomération disposera d’un observatoire local des loyers supervisé au niveau national par un comité scientifique indépendant. Ces derniers seront chargés de répertorier l’ensemble des loyers pratiqués, à la relocation jusqu’aux plus anciens . A partir de ces données, les préfets des départements fixeront chaque année par décret unefourchette de loyers à respecter sur la base de trois indicateurs :
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un loyer au m² de référence fixé à partir de la médiane (lien avec dico) des loyers observés ;
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un loyer au m² de référence majoré ne pouvant excéder 20 % du loyer de référence ;
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un loyer au m² de référence minoré diminué de 30 % du loyer de référence.
Ces indicateurs seront définis pour chaque catégorie de logement et par quartier.
Ainsi, dans les zones dites tendues, le loyer hors charges devra être inférieur au niveau du loyer de référence majoré dans les contrats de nouvelles locations ou de relocation.
Certains logements présentant des caractéristiques exceptionnelles (par exemple une grande terrasse ou d’autres caractéristiques dont sont dépourvues les logements du même quartier) pourront néanmoins déroger à ce plafond par l’ajout d’un complément au loyer. Les conditions et les modalités d’application de cette mesure seront précisées par décret.
Si le loyer est supérieur au loyer de référence majoré, le locataire pourra engager une action en diminution s’il s’agit d’un renouvellement de bail ou d’une nouvelle location. Ce recours s’exercera en deux temps : une phase amiable puis, en cas d’échec, un recours devant les tribunaux.
Si le loyer est jugé trop bas par le bailleur, ce dernier pourra décider de le réévaluer à la valeur de l’IRL, voire au delà sous certaines conditions (loyer inférieur au loyer de référence minoré de 30 %, signature d’un nouveau bail…), uniquement s’il reste inférieur au loyer de référence majoré en cas de relocation ou de renouvellement de bail.
Garantie universelle des loyers
Baptisée garantie universelle des loyers (Gul), cette « sécurité sociale du logement », facultative et gratuite, permettra d’indemniser les propriétaires en cas d’impayés. Le versement de l’indemnité se fera dans la limite du loyer de référence fixé par les autorités compétentes en fonction du territoire concerné. Au delà, une assurance complémentaire pourra être souscrite par le bailleur de façon à être totalement indemnisé.
Ce dispositif s’appliquera à tous les logements du parc privé, en location nue ou meublée, à titre de résidence principale. Il interviendra dès le deuxième mois d’impayés, pour une durée maximale de dix-huit mois.
La mise en place de la garantie universelle des loyers sera effective à compter du 1er janvier 2016 sur l’ensemble du territoire et non uniquement dans les zones dites tendues.
La Gul sera gérée par une agence d’État et financée à la fois par Action logement, qu’elle remplacera à terme, et par l’Etat. Une fois totalement mise en place, son coût de fonctionnement annuel devrait atteindre 400 millions d’euros.
En cas de demande de caution à un candidat locataire, le propriétaire ne pourra pas bénéficier de la Gul.
Rééquilibrage des frais d’agence entre bailleurs et locataires
Autre mesure de la loi Alur : le rééquilibrage des honoraires d’agence entre bailleurs et locataires. Le principe est simple, les frais versés par chaque partie devront correspondre au prix de la prestation rendue à chacun. Ainsi, le bailleur devra prendre en charge la totalité des frais liés à la mise en location du bien tandis que les charges liées aux prestations présentant une utilité pour les deux parties seront réparties égalitairement :
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la réalisation de l’état des lieux ;
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la rédaction du bail ;
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l’organisation de la visite ;
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la constitution du dossier du locataire.
Par ailleurs, le montant total des charges dues par le locataire devra à la fois être inférieur à celles du bailleur et à un plafond fixé par voie réglementaire.
Les pratiques des agents immobiliers seront également davantage encadrées. Par exemple, face aux nombreux abus des « marchands de liste », les logements proposés devront désormais faire l’objet d’un mandat d’exclusivité entre le propriétaire et l’agent immobilier.
Simplification et sécurisation des démarches locatives
Lors de toute démarche locative, nue ou meublée, bailleurs et locataires devront désormais établir un bail conformément à un contrat de location type défini par décret. Seront notamment obligatoirement mentionnés les équipements, les travaux effectués récemment, le montant du loyer de référence dans la zone où est situé le logement et celui acquitté par le dernier locataire.
Par ailleurs, tout document requis par le bailleur du candidat locataire et non prévu par un nouveau décret, listant les pièces légalement exigibles, se verra infliger une amende administrative s’élevant au maximum à 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale.
Autre point destiné à sécuriser les démarches locatives : les obligations applicables aux locations nues seront désormais étendues aux locations meublées, à savoir l’état des lieux, le dossier de diagnostic technique, la rémunération des intermédiaires, etc.
Extension de la trêve hivernale
S’étendant initialement du 1er novembre au 15 mars, la trêve hivernale est prolongée jusqu’au 31 mars. Pour renforcer la protection des locataires « en cette période de crise du logement, de l’hébergement et de crise sociale », le principe du bénéfice de la trêve sans droit ni titres est rétabli. Il avait été supprimé en 1991. Il reste néanmoins encadré par le juge auquel la décision finale d’expulsion revient au regard de la situation des occupants et du propriétaire.
Lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil
En France, « près de 500 00 logements sont considérés comme indignes, ce qui représente environ un million de personnes vivant dans des conditions présentant un risque pour leur santé ou leur sécurité »rappelle le ministère du logement. Face à ce constat, un certain nombre de mesures seront mises en place telles que l’interdiction aux marchands de sommeil d’achats de biens immobiliers à des fins de location ou encore une contrainte de réalisation de travaux aux « propriétaires indélicats » dans un délai imparti par les pouvoirs publics. En cas de non respect de ce délai, le bailleur devra s’acquitter du paiement d’une astreinte de 1 000 € par journée de retard.