BNP Paribas Personal Finance, filiale de BNP Paribas, a conçu le prêt Helvet Immo, un crédit immobilier libellé en francs suisses, remboursable en euros. Il a été commercialisé entre mars 2008 et décembre 2009 par plusieurs intermédiaires en opérations bancaires (promoteurs, gestionnaires de patrimoine…).
Plus de 4 600 particuliers ont souscrit ce type de prêt pour financer l’acquisition de logements neufs destinés à la location dans le cadre des dispositifs Robien ou Scellier. Mais la hausse du cours du franc suisse par rapport à l’euro sur le marché des changes à partir de 2010 a entraîné un fort accroissement du capital restant à rembourser et du coût de ce prêt, de l’ordre de 25 à 30 %.
Les premiers dépôts de plainte au pénal, avec constitution de partie civile, ont été enregistrés en novembre 2011. Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire pour « pratique commerciale trompeuse », toujours en cours d’instruction.
Le 3 mars 2014, 400 plaignants ont assigné au civil BNP Paribas Personal Finance devant le tribunal de grande instance de Paris ainsi que 250 intermédiaires ayant commercialisé ce type de prêt et 150 notaires qui ont accompli les actes authentiques des biens immobiliers achetés avec ces emprunts. Ils réclament 40 millions d’euros de dommages et intérêts et la déchéance des droits à intérêts.
Un collectif regroupant 400 plaignants
Ces plaignants sont regroupés dans un collectif d’emprunteurs défendu par un cabinet d’avocats. Il ne s’agit pas d’une action de groupe, telle qu’instituée par la loi sur la consommation de Benoît Hamon.
L’action de groupe est un recours collectif qui permet à un grand nombre de personnes de se regrouper pour agir dans le cadre d’une action en justice unique pour obtenir la réparation de préjudices matériels individuels, causé par un même professionnel.
Aux termes du projet de loi adopté par les parlementaires, l’action de groupe sera limitée aux litiges liés à la consommation, c’est à dire occasionnés lors de la vente de biens ou de la fourniture de services – y compris financiers, et aux pratiques anticoncurrentielles. L’introduction d’une action de groupe sera réservée aux associations nationales de consommateurs agréées. Les cabinets d’avocats se seront pas habilités à regrouper les consommateurs victimes d’une même fraude en vue d’agir en justice.
Votée définitivement le 13 février 2014, la loi Hamon n’est de toute façon pas encore effective en droit français, dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel saisi par des parlementaires.
Des prêts « toxiques » ?
Les avocats du collectif d’emprunteurs dénoncent « un prêt toxique ». Ce prêt immobilier indexé sur le taux de change du franc suisse constituerait un crédit spéculatif, commercialisé auprès de personnes non averties. La variabilité du taux d’intérêt n’aurait pas été suffisamment expliquée, l’argumentaire de commercialisation reposant sur les concepts de « sécurité » et de « stabilité ».
Recommandation de l’ACPR sur la sur la commercialisation auprès des particuliers de prêts comportant un risque de change
En avril 2012, l’ACPR a adopté une recommandation visant à améliorer l’information communiquée par les banques à leurs clients, afin qu’elle soit « claire, sincère et transparente« .Les documents commerciaux doivent « présenter, de manière équilibrée, les avantages et les inconvénients de l’opération de prêt » et mentionner « de manière claire, apparente et compréhensible pour l’emprunteur, le risque de change associé à l’opération et ses conséquences, notamment sur le coût du prêt et/ou sa durée« .(Recommandation de l’ACPR sur la commercialisation auprès des particuliers de prêts comportant un risque de change du 6 avril 2012).
Encadrement des prêts en devises étrangères par la loi bancaire de juillet 2013
La loi du 26 juillet 2013, sur la séparation et la régulation des activités bancaires, a introduit un nouvel article dans le code de la consommation, visant à mieux encadrer les commercialisations des prêts en devises étrangères.Il est désormais interdit pour un particulier d’emprunter en devises étrangères en remboursant en monnaie nationale (l’euro), sauf si ses revenus sont perçus ou s’il détient un patrimoine dans cette devise lors de la souscription du prêt, ou s’il ne supporte pas le risque de change.
Les modalités de mise en œuvre de cette disposition doivent être précisées par décret (à venir). Au titre des ressources, l’emprunteur devrait percevoir plus de la moitié de ses revenus annuels dans cette devise (par exemple un travailleur frontalier) ou détenir un patrimoine financier ou immobilier, dans cette même devise, au moins égal à 20 % de l’emprunt considéré.Et le risque de change serait considéré comme supporté par la banque si la variation du taux est sans incidence sur le montant des mensualités, la durée du prêt ou le coût total du crédit.
Il faut noter toutefois que ces mesures protectrices sont postérieures à la commercialisation des prêts Helvet Immo.