Il est reproché à l’entité britannique (Elliott Advisors Uk) d’avoir transmis une information privilégiée à l’entité américaine (Elliott Management Corporation) sur l’imminence de la cession de titres APRR à Eiffage en 2010. Ce qui aurait incité Elliott Management à intensifier ses achats de titres APRR , ce qui pourrait être assimilé à la fois à un manquement d’initié et à de la manipulation de cours.
Le représentant du collège de l’AMF a demandé 12,5 millions de sanction à l’encontre du premier et 27,5 millions à l’encontre du second devant la commission des sanctions de l’AMF.
La cession des titres APRR à la société Eiffarie
En 2005, lors de la privatisation des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (APRR), l’Etat français avait cédé 70 % au groupe Eiffage (groupe de BTP français) et à Macquarie (fonds australien). La société Eiffarie, filiale commune d’Eiffage et de Macquerie, chercha rapidement à prendre le contrôle total d’APRR. Elle acheta donc des titres sur le marché jusqu’à en obtenir plus de 81 %. Mais il lui manquait 13 à 14 % pour atteindre le seuil de 95 % nécessaire pour lancer une OPR, retirer la société de la cote et l’intégrer fiscalement.
Parallèlement, le fonds Elliott rachetait sur le marché 13,5 % du capital, dans l’espoir de les céder ensuite à Eiffarie, avec un profit substantiel. Après plusieurs négociations infructueuses, en juin 2010, Elliott trouva un accord avec Eiffarie, et lui vendit ainsi sa participation dans APRR.
Elliott Advisors Uk aurait indûment informé Elliott Management des discussions engagées relatives à la cession de sa participation dans APRR à Eiffarie. Elliott Management aurait acheté massivement des actions sur le marché faisant monter le cours de l’action pour vendre au plus cher son bloc de 13 %. Ce qui aurait permis au fonds de réaliser une plus-value estimée entre 2,8 et 7,5 millions d’euros selon l’AMF.
Les deux griefs retenus
Le représentant du collège de l’AMF reproche au fonds d’investissement Elliott un manquement d’initié et une manipulation sur le cours de l’action APRR.
Le manquement d’initiés et l’utilisation d’une information privilégiée
Elliott Advisors Uk aurait transmis à l’entité américaine une information privilégiée (l’imminence de la transaction), manquant à son devoir de réserve ou d’abstention de transmission de renseignements détenus en tant qu’initié. Elliott Management aurait utilisé cette information privilégiée pour acquérir massivement des titres APRR juste avant la cession de la totalité du bloc de titres à Eiffarie. A cela, Elliott répond que les achats incriminés s’inscrivaient la stratégie d’ensemble d’acquisition des titres APRR réalisée depuis plusieurs années.
La manipulation de cours
L’achat massif des titres APRR pourrait également être assimilable à de la manipulation de cours. Ces achats auraient permis d’éviter une baisse du cours du titre pendant les négociations entre Elliott et APRR, et auraient ainsi permis la fixation d’un prix plus élevé pour le bloc. Ici les avis divergent au sein de l’AMF. Si le représentant du collège a défendu cette thèse, le rapporteur auprès de la commission ne l’a pas retenue.
Les suites de la procédure
Après l’audition du fonds d’investissement Elliott devant la commission des sanctions de l’AMF, celle-ci doit rendre sa décision dans les prochaines semaines.
En octobre 2013, la commission des sanctions a prononcé la plus grosse sanction pécuniaire depuis sa création. Elle a infligé une sanction de 14 millions d’euros à l’encontre d’un trader libanais pour utilisation d’une information privilégiée. Le collège avait requis 20 millions d’euros.
Et le 25 juin 2013, elle avait prononcée une sanction pécuniaire de 8 millions d’euros à l’encontre du groupe de luxe LVMH pour avoir secrètement préparé sa montée au capital de son concurrent Hermès, en 2010. Le collège de l’AMF avait requis une sanction de 10 millions d’euros.
La procédure de sanction de l’AMF
L’AMF est composée d’un Collège et d’une Commission des sanctions. Le Collège dispose de pouvoirs de contrôles et d’enquêtes. En cas de manquement à la réglementation financière, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement des marchés, le Collège peut transmettre les griefs à la Commission des sanctions.La Commission des sanctions, composée de 12 membres, statue sur les griefs qui lui sont transmis par le Collège de l’AMF. Elle peut prononcer des sanctions à l’égard des personnes, morales ou physiques, dont les pratiques ont été contraires aux lois et règlements régissant la proposition d’instruments financiers au public et le fonctionnement des marchés financiers, et de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. La procédure de sanction est contradictoire. Le Collège notifie à la personne mise en cause les griefs retenus à son encontre. Et l’audience auprès de la Commission des sanctions donne lieu à un débat entre la ou les personnes mises en cause et les autres participants à l’audience.