50 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques d’un côté, 40 milliards d’euros de manque à gagner côté recettes de l’autre.Telles sont les objectifs chiffrés du programme de stabilité et du Pacte de responsabilité et de solidarité.Focus sur les mesures prévues d’ici 2017 pour redresser les comptes publics et relancer la croissance économique.
50 milliards d’économies sur les dépenses publiques
Le Pacte budgétaire européen a instauré en mars 2012 la mise en place d’un programme triennal de réduction des dépenses publiques et la création d’un Haut conseil des finances publiques, chargé de veiller à ce que ces engagements budgétaires (déficit public inférieur à 3 % du PIB) soient respectés. Dans cette perspective, le gouvernement établit chaque année un programme de stabilité portant sur trois ans. Le dernier, publié le 23 avril 2014, détaille les mesures destinées à économiser 50 milliards d’euros d’ici à 2017. Il a été soumis à un vote consultatif de l’Assemblée Nationale le 29 avril et a été adopté par 265 voix contre 232 (67 députés ont décidé de s’abstenir).
Dans les faits, il s’agit de réduire la croissance des dépenses publiques ce qui représente au total 50 milliards d’euros d’économies entre 2015 et 2017, réparties entre l’Etat, les collectivités locales, l’assurance maladie et la protection sociale. Quelques mesures d’économies ont déjà été annoncées. On peut notamment citer la non revalorisation des prestations sociales (à l’exception des minimas sociaux) et le gel du point d’indice des fonctionnaires jusqu’en octobre 2015.
Cette volonté de réduire les dépenses publiques était pour partie présente dans le projet de loi de finances pour 2014, exposé par le gouvernement en septembre 2013 (voir notre actualité), qui avait déjà prévu 15 milliards d’économies en 2014.
Cette réorientation de la politique budgétaire s’appuie sur deux constats. D’une part, depuis le début de la crise financière, la situation budgétaire française peine à se stabiliser. La dette publique est passée de 68,2 % du PIB en 2008 à 93,5 % du PIB en 2013. Le déficit public a atteint 4,3 % du PIB en 2013 et le déficit structurel 2,9 %. D’autre part, le taux de prélèvements obligatoires a atteint un record historique en 2013 à 45,9 % du PIB.
Cette situation résulte en partie d’un ensemble de nouvelles mesures fiscales mises en place par le gouvernement entre juillet 2012 et 2013 pour augmenter les recettes de l’Etat et rééquilibrer les comptes publics. On peut par exemple citer : le relèvement du barème de l’impôt de solidarité sur la fortune et le gel du barème de l’impôt sur le revenu en 2012 et 2013. Or, les recettes fiscales pour l’année 2013 se sont élevées à 284 milliards d’euros, soit 15 milliards de moins que ce qui était prévu dans la loi de finances initiale pour 2013. Dans ce contexte, et face à des données conjoncturelles toujours en berne (persistance d’un taux de chômage élevé et toujours en hausse et faible croissance), la politique budgétaire porte désormais sur la réduction du taux de prélèvements obligatoires, notamment pour les entreprises, et ce, afin de relancer l’emploi et partant, la croissance économique (voir notre actualité du 115 janvier 2014).
40 milliards d’euros de réduction des recettes
Le plan de réduction des dépenses publiques s’inscrit plus largement dans une stratégie de redressement de la compétitivité de l’économie française. Cette stratégie avait été esquissée par le Pacte pour la croissance, la compétitivité et l’emploi présenté en novembre 2012 . Elle vise à baisser les prélèvements obligatoires sur les entreprises pour stimuler l’investissement, les exportations et favoriser la création d’emplois.
30 milliards d’euros d’allègements de charges pour les entreprises
L’une des mesures phares portait sur la mise en place du Crédit Impôt Compétitivité Emploi (CICE) en 2013, reconduite en 2014. Ce dispositif devrait représenter au total un allégement de charges de 20 milliards d’euros pour les entreprises d’ici à 2017.
Le Pacte de responsabilité et de solidarité dont les contours ont été précisés par le Premier ministre les 16 et 28 avril derniers, complète le CICE et prévoit 10 milliards d’euros d’allègements de charges supplémentaires pour les entreprises : l’exonération des cotisations patronales sur le SMIC (hors cotisations d’assurance chômage) en 2015 et la baisse de 1,8 point des cotisations familiales pour les salaires compris entre 1,6 fois le SMIC et 3,5 fois le SMIC à partir du 1er janvier 2016.
5 milliards de baisse des impôts pour les entreprises
A ces 30 milliards d’allègements de charges s’ajoutent environ 5 milliards de réduction de la fiscalité des entreprises sur cette même période 2015-2017 : suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et de la contribution exceptionnelle de l’impôt sur les sociétés. En outre, le taux de l’impôt sur les sociétés sera ramené progressivement à 28 % en 2020 contre 33,33 % actuellement.
5 milliards d’allègements de charges au profit des bas salaires
Par ailleurs, le Pacte de responsabilité et de solidarité prévoit la suppression de plusieurs dizaines de taxes à faible rendement ainsi que la création de mesures destinées à augmenter le pouvoir d’achat des plus modestes. L’une d’elles prévoit un dispositif dégressif de réduction des cotisations salariales pour les salaires inférieurs à 1,3 fois le SMIC, pour un total de 5 milliards d’euros d’ici 2017.
Au 1er janvier 2014, le SMIC s’élève à 1 445,38 euros mensuels bruts, soit environ 1 128 euros mensuels nets.
L’objectif poursuivi par le gouvernement est de réduire le coût du travail pour accroître la compétitivité des entreprises et améliorer leur profitabilité, avec l’idée :
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de stimuler les exportations et redresser la balance commerciale,
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de favoriser l’investissement des entreprises,
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sans pénaliser la consommation des ménages modestes
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et au final de stimuler la croissance économique (prévisions de +1 % en 2015 puis +2,25 % en 2016 et 2017) et la création d’emplois d’ici 2017 (300 000 emplois attendus grâce au CICE auxquels s’ajoutent 200 000 emplois induits par le pacte de responsabilité)
Le plan d’économies de 50 milliards permettrait ainsi de compenser la baisse des recettes de façon à tenir l’engagement d’un déficit à 3 % du PIB en 2015. Dit autrement, les allègements de charges sont supposés contrebalancer l’effet récessif des économies budgétaires. Le pari du gouvernement est que la stimulation de la croissance permettra à la fois de favoriser cet objectif et de créer des emplois à l’horizon 2017.
Un plan qui fait débat
Une des principales critiques de ce plan est qu’il ne porte que sur des mesures de court terme, pour certains il ne fait que « passer le rabot ». Les économies programmées comme le gel des retraites, du point d’indice des fonctionnaires et d’une partie des allocations sont des mesures conjoncturelles. Or, il serait nécessaire de mettre en place de véritables réformes de structure : reprendre la réforme des retraites, poursuivre la réduction progressive du nombre de fonctionnaires dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et simplifier le « millefeuille » administratif en repensant le découpage des régions.
Economiser l’argent public est un objectif qui, au regard des chiffres de l’endettement public, apparait incontournable. Là ou il y a débat et désaccords entre les économistes, c’est sur la manière de procéder. Faut-il faire porter la charge des économies sur les entreprises ou sur les ménages ?
Le plan, en allégeant le coût du travail par le renforcement des allègements de charges sociales patronales et la baisse programmée du taux d’imposition sur les sociétés, relève d’une politique de l’offre. Certains économistes craignent que les entreprises n’investissent pas et ne créent pas les emplois attendus, utilisant les « cadeaux » accordés par l’Etat pour reconstituer leurs marges. La question de l’emploi est sensible et complexe tant les analyses divergent quant aux effets possibles des allégements de charges sur les créations d’emploi et sur la compétitivité. D’après les études de l’OFCE, il n’y a création d’emplois que lorsque ces allègements de charges sont concentrés sur les salaires au voisinage du SMIC. Il reste donc que les effets attendus sur l’emploi sont incertains, en tout cas pas aussi systématiques que ne le laissent penser les prévisions du programme de stabilité.
Pour d’autres économistes, plus préoccupés par le soutien de la demande, les économies réalisées sur les retraites et les salaires risquent d’avoir un fort effet récessif sur la demande globale limitant la reprise de la croissance donc la création d’emplois et la baisse du chômage. Là aussi, estimer l’impact d’une politique de la demande sur la croissance reste complexe tant les analyses divergent quant à l’efficacité faible ou forte du multiplicateur des dépenses publiques. Le plan préserve toutefois les revenus des ménages modestes avec les mesures en faveur des bas salaires et des petites retraites.