La décision de la BCE, bien que largement anticipée depuis la précédente réunion du Conseil des gouverneurs (voir notre actualité du 12 mai dernier), est historique pour au moins trois raisons :
-
D’une part, parce qu’en plus d’une baisse du taux de refinancement, la BCE a également décidé de baisser d’autres taux emblématiques, notamment le taux de rémunération des dépôts que les banques commerciales peuvent effectuer sur leur comptes à la BCE qui est désormais fixé à -0,1 % (il avait été abaissé à 0 % en novembre dernier). Ceci signifie que les dépôts effectués par les banques à la BCE seront amputés à raison de 0,1 % en rythme annuel. Une telle décision, très exceptionnelle, est motivée par la volonté d’inciter les banques européennes à distribuer des crédits aux entreprises non financières plutôt qu’à conserver leurs avoirs à la BCE.
Ce ne sera pas la première fois qu’une Banque Centrale porte le taux de rémunération des dépôts bancaires en dessous de zéro. La Banque de Suisse l’avait expérimenté dans les années 1970, la Banque de Suède entre 2009 et 2010, et plus récemment la Banque du Danemark, entre juillet 2012 et avril 2014.
-
D’autre part, parce que la BCE a aussi accompagné la baisse de ses taux directeurs par desmesures dites « non conventionnelles » destinées à améliorer l’efficacité des décisions de politique monétaire sur la distribution du crédit par les banques commerciales. Ces dernières ne sont en effet pas tenues d’accorder des crédits aux agents économiques. Or, justement, les statistiques montrent que l’octroi de crédits bancaires en zone euro se contracte régulièrement, ce qui constitue un frein au financement des investissements des entreprises et donc à la croissance. Les nouvelles mesures annoncées par la BCE visent ainsi à faire redémarrer le crédit bancaire aux entreprises via des instruments ciblés, notamment des opérations de refinancement bancaires de long terme ciblées d’un montant élevé (400 milliards d’euros sur quatre ans).
-
Enfin parce que la décision de la BCE a été prise à l’unanimité des membres du Conseil. Ce qui signifie que le président de la Bundesbank, la Banque Centrale allemande, qui jusqu’à présent était plutôt réservé sur la mise en place de mesures non conventionnelles de politique monétaire, a évolué dans son jugement et que désormais la BCE a toute latitude pour conduire une politique très accommodante favorable à la reprise de l’activité et du crédit et à la reprise de l’inflation. A ce titre, Mario Draghi, le Président de la BCE, a fait une annonce très importante. Il a en effet déclaré que, si les mesures prises ne se révélaient finalement pas suffisantes, le Conseil des gouverneurs pourrait décider la mise en place d’un programme d’achat massifs d’actifs sur les marchés financiers, qui pourrait s’apparenter au fameux « assouplissement quantitatif » ou « quantitative easing » mis en place par la Banque d’Angleterre en 2009 et par la Banque Centrale américaine (la FED) fin 2010 et qui a fait la preuve de son efficacité en matière de soutien à l’économie.