Après des résultats conjoncturels peu encourageants (hausse du nombre de demandeurs d’emploi, faible croissance, hausse de la dette publique, etc.), le gouvernement maintient son objectif de réduction des dépenses publiques, et ce, après une année 2014 globalement marquée par une baisse des prélèvements obligatoires destinée à préserver les ménages les plus modestes des efforts entrepris.
Au programme, baisse des dépenses d’intervention de l’Etat, stabilisation des effectifs de la fonction publique, réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF), maîtrise des dépenses de protection sociale… Objectif de toutes ces mesures, ramener le déficit public sous le seuil symbolique des 3 % du PIB instauré par le Pacte budgétaire européen d’ici à 2017.
Le pacte budgétaire européen ou Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, entré en vigueur le 1er janvier 2013, précise dans son article 3 : « la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent ». C’est la fameuse règle d’or qui instaure le principe d’un déficit budgétaire structurel inférieur à 0,5 % du PIB. Une règle qui s’assouplit en cas de « circonstances exceptionnelles » (grave récession ou faits indépendants de la volonté des gouvernements) ayant un impact sur les finances publiques. Le déficit budgétaire peut alors atteindre au maximum 3 % du PIB, et ce, afin de soutenir temporairement l’activité économique.
21 milliards d’euros d’économies dès 2015 et 50 milliards sur trois ans
La réduction des dépenses publiques s’élèvera à 21 milliards d’euros en 2015 : « un effort d’économies inédit » qui portera pour 7,7 milliards d’euros sur l’État et ses agences, pour 3,7 milliards d’euros sur les collectivités locales et pour 9,6 milliards d’euros sur la protection sociale. Entre 2015 et 2017, les dépenses devraient être réduites au total de 50 milliards d’euros.
A ce titre, Michel Sapin a tenu à rappeler l’importance de ces efforts budgétaires « car c’est grâce aux économies qui nous pouvons financer les baisses de prélèvements, en particulier la réforme du bas de barème de l’impôt sur le revenu« , (voir notre actualité sur les mesures fiscales du projet de loi de finances).
Les principaux indicateurs économiques
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Produit intérieur brut (en volume) : 2 052,7 milliards d’euros (2013)
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Dépenses publiques : 1 172,1 milliards d’euros /57,1 % du PIB(2013)
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Dette publique : 2023,7 milliards d’euros /95,1 % du PIB(juin 2014)
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Déficit public : 87,1 milliards d’euros / 4,3 % du PIB (2013)
En 2013, les dépenses publiques s’élevaient au total à 1 172,1 milliards d’euros. Cet effort budgétaire de 21 milliards d’euros représente une baisse de 1,7 % des dépenses publiques. Pour atteindre cet objectif, le gouvernement table sur une hypothèse de croissance annuelle de 1 % en 2015.
L’hypothèse de croissance retenue est-elle acceptable ?
Invité à s’exprimer sur ce sujet par la Commission des finances, Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes et président du Haut Conseil des finances publiques, considère que « l’estimation de 1,0 % [de croissance potentielle, ndlr] en 2014 et 2015 et de l’ordre de 1,2 % en moyenne pour les années 2016 et 2019 constitue une hypothèse acceptable […]. Elles sont proches des dernières estimations du FMI et de l’INSEE, inférieures à celles publiées par l’OCDE mais plus élevées que celles de la Banque de France« . Néanmoins, ce scénario « reste entouré d’un certain nombre d’aléas » [majoritairement orientés à la baisse]. En effet, ces prévisions de croissance reposent sur un scénario de reprise de l’investissement et du commerce international. Or cette reprise pourrait être « moins rapide que prévu », notamment si les entreprises décident de se désendetter plutôt que d’investir, précise Didier Migaud. A l’inverse, une baisse de l’euro et une relance de l’investissement à l’échelle européenne pourraient venir conforter l’hypothèse de croissance de 1 % du gouvernement.
Les principales mesures d’économies
Les dépenses sociales (9,6 milliards d’euros)
Pour résorber la dette de la Sécurité sociale accumulée depuis des décennies (environ 200 milliards d’euros fin 2013), certaines mesures de réduction ont été prises. Pour la branche maladie (Ondam), dont l’objectif de réduction des dépenses est porté à 3,2 milliards d’euros en 2015 (il était de 2,9 milliards d’euros en 2014), plusieurs mesures ont été annoncées et portent globalement sur un contrôle accru des dépenses de santé (développement du recours aux génériques, regroupement d’hôpitaux, maîtrise du volume de prescriptions de médicaments, etc.).
Les 6,4 milliards d’euros d’économies restants seront réalisés sur les dépenses de protection sociale (hors assurance-maladie). Du côté de la branche famille par exemple, la réduction de certaines prestations permettrait d’économiser 700 millions d’euros en 2015 (voir notre actualité sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale).
Les dépenses de l’Etat et de ses agences (7,7 milliards d’euros)
L’effort de redressement des finances publiques passera également par une baisse des dépenses de fonctionnement de l’État. Les économies porteront essentiellement sur une stabilisation de la masse salariale (1,4 milliard d’euros). 11 879 postes seront supprimés. Plus de la moitié concerne des postes rattachés au ministère de la Défense. Parallèlement, 10 571 seront créés, à plus de 80 % dans l’enseignement. Au total, 1 278 postes seront ainsi supprimés en 2015, soit une économie de 400 millions d’euros.
Autre mesure : le point d’indice de la Fonction publique ne sera pas revalorisé en 2015, permettant de réaliser une économie de 1 milliard d’euros.
D’autres économies seront réalisées sur les dépenses d’intervention de l’Etat dans plusieurs secteurs à hauteur de 2,4 milliards d’euros.
La suppression de l’aide personnalisée de retour à l’emploi permettra de réaliser une économie de 35 millions d’euros. 7 millions d’euros seront également économisés grâce à une suppression des aides au départ à la retraite des commerçants et artisans, etc.
2,1 milliards d’euros d’économies porteront sur une réduction des dépenses de fonctionnement des ministères civils (hors équipement des forces de police et de gendarmerie et des services de justice) : « Ces économies seront réalisées sans perturber les services rendus aux citoyens, en utilisant de multiples leviers« , précise le ministère des Finances.
Une réduction de 20 % des concessions de logements de fonction permettra de réaliser une économie de 15 millions d’euros. Autre exemple : les baux privés dans les régions les plus denses seront renégociés, soit une économie de 30 millions d’euros, etc.
Enfin, les opérateurs et autres agences de l’Etat (l’AMF et l’ACPR par exemple) verront leur enveloppe de subventions diminuer dès 2015, soit une économie de près de 2 milliards d’euros.
Les concours financiers de l’État aux collectivités (3,7 milliards d’euros)
Le plan d’économies du gouvernement pour 2015 prévoit également une nette diminution des concours financiers de l’État aux collectivités locales à un rythme de 3,7 milliards d’euros par an « après une première baisse de 1,5 milliard d’euros en 2014« , ajoute le ministère. Cet effort sera intégralement porté par une réduction de la dotation globale de fonctionnement (DGF) : « les régions contribueront à hauteur de 12 %, soit 451 millions d’euros, les départements pour 31 %, soit 1,148 milliard d’euros et l’ensemble du bloc communal à hauteur de 56 %, soit 2,071 milliards d’euros« .
Zoom sur la charge de la dette
Depuis la crise financière de 2007/2008 et le déclin de l’activité économique qui s’en est suivi, la dette de l’État n’a cessé de progresser. Son encours s’élève aujourd’hui à 2 023,7 milliards d’euros et représente 95,1 % du PIB au deuxième trimestre 2014.
Le projet de loi de finances annonce que la charge de la dette devrait représenter 44,3 milliards d’euros en 2015 (-0,6 milliard par rapport à 2014). Néanmoins, cette charge, compte tenu des hypothèses de conjoncture retenues par le gouvernement (remontée graduelle des taux d’intérêt et de l’inflation accompagnant une hausse de l’activité économique), devrait progresser ces trois prochaines années d’environ 6 milliards d’euros pour atteindre 50,1 milliards d’euros en 2017.