La BCE se défausse sur la Banque Nationale de Grèce
Cette dérogation avait été accordée suite à l’accord passé entre le gouvernement grec et ses créanciers en 2012 qui avait débouché sur la signature d’un plan d’aide internationale. En échange de la signature de ce plan, la BCE avait accepté de recevoir les titres de la dette publique grecque apportés par les banques hellènes en contrepartie des liquidités qu’elle leur fournissait, alors que ces titres ne répondaient pas au critères d’éligibilité à ses opérations de refinancement du fait de leur classement en catégorie « spéculative » par les agences de notation
Pourquoi la BCE a-t-elle mis fin au régime dérogatoire ?
La remise en cause de l’accord sur le plan d’aide internationale à la Grèce risque de poser un problème de financement à l’Etat grec. Or, les banques grecques détiennent un portefeuille de titres de la dette de l’Etat grec. Grâce au régime dérogatoire accordé aux banques grecques par la BCE, celles-ci auraient pu lui apporter une partie de ces titres en échange de quoi la BCE leur aurait fourni des liquidités à très faible taux d’intérêt (actuellement de l’ordre de 0,05 % par an). Les banques grecques auraient alors pu acheter les nouvelles obligations émises par le Trésor grec pour financer le déficit public. De fait, par cette procédure, la BCE aurait financé de façon indirecte le déficit de l’Etat grec. A noter que les banques grecques y auraient trouvé largement leur compte car elles auraient emprunté les liquidités à la BCE à un taux très faible, mais auraient acheté les titres grecs à un taux d’intérêt très élevé (les obligations à 10 ans sont émises à un taux supérieur à 10 %). La BCE par contre aurait eu à supporter le risque de défaut sur les titres de la dette grecque apportés par les banques grecques.
Les banques grecques auront toutefois toujours la possibilité de se refinancer, mais selon une procédure spécifique, dénommée ELA (Emergency Lending Assistance), qui permet à la banque nationale grecque de leur fournir des liquidités. Toutefois, les taux d’intérêt sont plus élevés et surtout, le risque pris sur les collatéraux (les garanties apportées par les banques) ne sera pas supporté par la BCE, mais par la banque nationale de Grèce. En outre, la BCE pourra à tout moment suspendre cette procédure si les deux tiers des membres du conseil le décidait.
La Grèce entre les mains de la BCE
Dans le contexte politique grec issu des élections de janvier dernier, la décision de la BCE apparaît comme une mise en garde à l’égard du nouveau gouvernement grec : en l’absence d’accord avec les partenaires européens et les créanciers internationaux sur un nouveau plan d’aide, la Grèce risque de se retrouver en situation de cessation de paiement.
En effet, compte tenu du risque que ces titres recèlent pour les investisseurs nationaux comme internationaux, il est fort probable que le gouvernement grec ne puisse alors trouver les fonds dont il a besoin pour financer son déficit, ni auprès des banques hellènes ni, encore moins, auprès des investisseurs internationaux.
La BCE exerce ainsi une forte pression sur le nouveau gouvernement grec en lui proposant l’alternative suivante :
Soit il accepte de négocier selon les conditions posées par les créanciers internationaux, qui refusent tout effacement de dette, alors que le nouveau Premier ministre avait fait campagne sur ce thème et sur celui du refus du programme d’austérité qui avait été imposé à la Grèce. La BCE dans ce cas continuera à accorder des liquidités aux banques grecques en attendant la conclusion d’un nouvel accord qui lui permettra de restaurer la procédure de refinancement dérogatoire qu’elle vient de suspendre.
Soit le gouvernement grec refuse les conditions posées par ses créanciers. La BCE se réserve alors le droit de couper les liquidités aux banques grecques, ce qui par ricochet provoquerait la faillite de l’Etat grec. Dans ce scenario, la question du maintien de la Grèce au sein de la zone euro serait plus que jamais soulevée.