Fin 2014 et début 2015, le Conseil constitutionnel avait été saisi de trois questions prioritaires de constitutionnalité pour déterminer le caractère constitutionnel ou non des dispositions du code monétaire et financier sur le délit d’initié et sur le manquement d’initié.
Qu’est ce qu’une QPC ?
Les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) ont été introduites récemment (en 2008) dans notre constitution (article 61-1). Avant la réforme, il n’était pas possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur. Désormais toute personne qui est partie à un procès ou une instance (1ère instance, appel ou cassation) peut soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. C’est la juridiction saisie qui pose la QPC à la Cour de cassation pour l’ordre judiciaire et au Conseil d’Etat pour l’ordre administratif, l’une et l’autre instance décidant de saisir ou non le Conseil constitutionnel.
Pendant de nombreuses années, le Conseil constitutionnel avait validé la coexistence entre les deux types de délits et de sanctions, imposant simplement que le total des sanctions pécuniaires ne dépasse pas la plus élevée des deux.
Depuis un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a condamné l’Italie en mars 2014 pour un système équivalent au nôtre, la question de l’interprétation de la règle « non bis in idem » (qui interdit de poursuivre une personne deux fois pour les mêmes faits) se posait.
Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle qu’une même personne peut être poursuivie au titre des mêmes faits en vue de sanctions de nature différente. Restait à déterminer si les règles différenciant le délit et le manquement étaient suffisamment différentes. Le Conseil a répondu par la négative, au regard de quatre critères.
Délit et manquement d’initié trop proches l’un de l’autre
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Des définitions presque semblables
Le délit peut être commis par une personne possédant une information privilégiée « en connaissance de cause » quand le manquement peut l’être par une personne « qui sait ou aurait dû savoir » que l’information était privilégiée.
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Une même finalité
Il s’agit dans les deux cas de protéger le bon fonctionnement et l’intégrité des marchés financiers.
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Des sanctions équivalentes
Pendant longtemps, les sanctions pénales étaient sensiblement supérieures à celles que pouvait infliger la Commission des opérations de bourse puis la Commission des sanctions de l’AMF. Car si dans les deux cas, les sanctions pécuniaires étaient du même ordre (1,5 million d’euros maximum à partir de 2000), le délit était assorti d’une peine d’emprisonnement de deux ans maximum.
Cela a changé à la fin des années 2000 puisqu’une première modification législative a vu passer le plafond de la sanction administrative du manquement à 10 millions d’euros, puis en 2010, de manière spectaculaire, à 100 millions d’euros.
Le conseil constitutionnel en a tiré la conclusion que les sanctions possibles étaient, dans l’un et l’autre ordre de juridiction, d’une très grande sévérité.
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Un même ordre de juridiction
Pour ce qui est des manquements commis par des personnes physiques non professionnelles des établissements financiers, les voies de recours sont, comme dans le cas des délits, la cour d’appel et la cour de cassation.
Une réflexion à mener d’ici le 1er septembre 2016
Le Conseil constitutionnel ne s’est pas senti autorisé à choisir entre l’une et l’autre procédure. Il a donc déclaré l’une et l’autre contraires à la constitution… à compter du 1er septembre 2016. Il appartiendra au législateur de faire ses choix, d’ici là. Les poursuites continuent donc d’être possibles mais seulement devant l’une des deux instances (tribunal correctionnel ou AMF). Toutes les instances pour lesquelles une poursuite, quelle que soit son issue, a été engagée sur un autre fondement, devront être stoppées. Il en est ainsi de la procédure EADS qui avait donné lieu à une mise hors de cause des prévenus par la commission des sanctions de l’AMF.