Après le « non » massif des électeurs grecs, quelle analyse peut-on faire pour tenter d’évaluer les conditions de sortie de ce nouvel épisode de crise ? Doit-on considérer comme le titre « The Economist » que l’Europe est « dans les mains de la Grèce » ?
La crise grecque vient de changer de nature. Certes les contraintes financières et budgétaires sont toujours présentes, mais le risque d’une crise financière reste limité. L’indice de volatilité des actions européennes est au niveau 30, contre 60 lors des crises précédentes. Les marchés sont sous pression, ils ne sont pas, pour le moment, en crise. Ils ont pris en compte l’évolution économique de la zone ainsi que ses évolutions institutionnelles et financières (avec le MESF notamment) dans les domaines budgétaires et bancaires. Cette confiance repose aussi sur la confiance accordée à la BCE. Celle-ci, malgré les pressions dont elle peut faire l’objet, ne peut augmenter le plafond de l’aide d’urgence accordée aux banques grecques sauf à s’affranchir d’une discipline qu’elle recommande elle-même aux banques. Tout au plus, peut-elle maintenir l’actuel plafond jusqu’à la constatation d’un éventuel défaut dans ses livres à la fin de ce mois.
La crise grecque est désormais, plus encore qu’il y a quelques semaines, une crise politique. Nombre d’opinions ne sont pas prêtes à ce que leurs gouvernements autorisent de nouveaux financements à un pays dont la gestion est depuis longtemps « approximative ». C’est le cas pour l’Allemagne et les pays de l’Europe du Nord, mais c’est aussi le cas désormais au Portugal et en Italie En Espagne, la poussée récente de Podemos aux dernières élections complique la tâche du Gouvernement qui souhaite voir ses efforts reconnus. La France affiche une position intermédiaire et est sans doute un peu isolée. Les négociations qui pourraient s’ouvrir dans les jours à venir, le seront sous le regard et la pression de ces opinions dont certaines mettent en doute les effets positifs des politiques suivies.
La crise est aussi plus institutionnelle. Si un nouvel accord devait intervenir avec la Grèce, il supposerait une coordination et une discipline renforcées en matière de politique économique et sociale, l’organisation du marché du travail en Europe pourrait ainsi devenir un enjeu majeur. Si un tel accord n’était pas possible, la question de l’intégrité de la zone appelle une réponse institutionnelle. Or jusqu’ici, les gouvernements ne sont pas parvenus à adopter sur ces sujets une position commune. Cela préfigure une négociation longue et difficile, situation généralement peu appréciée des marchés.
La crise s’inscrit aussi dans un contexte géopolitique troublé : Ukraine, sanctions économiques affectant la Russie, visites du Premier Ministre Grec au Président Russe, nouveaux accords économiques entre les deux pays et promesse par la Russie d’une aide financière à la Grèce. Tous éléments, non financiers, qui peuvent inciter les Européens à rechercher un accord avec les Grecs, peut être sous forme d’une sortie temporaire, une sorte de mise entre parenthèse de la zone Euro ; ceci pour permettre à chacun de sauver la face.
Au total, une crise aux multiples aspects, difficile à gérer et dans laquelle, in fine, le financier aura une place moindre que ce fut le cas dans un passé, même récent. Mais les décisions qui sortiront à l’issue de cette période d’incertitude, plus ou moins longue, devront être claires et rapidement applicables. Il s’agit au fond de régler les problèmes qui sont depuis longtemps sur la table et qui, jusqu’ici, n’ont pas trouvé de solution satisfaisante : gouvernance économique, politique de l’immigration, politique étrangère. A défaut, l’existence même de la zone Euro pourrait se trouver posée.
Les partis populistes pourraient alors voir leur pouvoir se renforcer. C’est in fine l’enjeu majeur de la situation actuelle. De ce point de vue, l’Europe est « dans les mains de la Grèce ».