Lors de la conférence de presse qui suit traditionnellement la réunion du Conseil des gouverneurs, Mario Draghi, le Président de la BCE, a indiqué qu’en raison des faiblesses de la croissance et de l’inflation européenne, le conseil des gouverneurs avait décidé de prendre de nouvelles mesures allant dans le sens d’un plus ample assouplissement monétaire.
Faiblesse de la croissance de la zone euro
Lors de sa conférence de presse, Mario Draghi a souligné le fait que les données d’enquêtes auprès des entreprises européennes laissaient entrevoir une demande moindre qu’attendue en zone euro et que les nouvelles projections macroéconomiques de la BCE faisaient ressortir une baisse de la croissance du PIB et de l’inflation en zone euro par rapport aux projections précédentes. Ainsi, la BCE s’attend désormais à une hausse du PIB de la zone euro de 1,4 % en 2016 et de 1,7 % en 2017 contre respectivement +1,5 % et +1,9 % précédemment.
L’inflation reste trop basse
Mario Draghi a par ailleurs souligné que l’inflation en zone euro, qui est ressortie à – 0,2 % en rythme annuel en février 2016, restait trop basse et très en dessous de la cible à moyen terme de la BCE, à savoir une hausse des prix se situant à un niveau proche mais inférieur à 2 % par an.
Les nouvelles projections établies par la BCE en matière d’inflation en zone euro tablent sur une hausse des prix de 0,1 % seulement en 2016 et de 1,3 % en 2017. Ces chiffres s’inscrivent en nette baisse par rapport aux précédentes prévisions qui estimaient la progression de l’IPCH à + 1 % en 2016 et + 1,6 % en 2017.
Aussi, face au défi du maintien durable de l’inflation à des niveaux trop faibles, le conseil des gouverneurs a décidé de renforcer substantiellement sa politique d’assouplissement monétaire.
Un renforcement des mesures d’assouplissement monétaires
La BCE mène depuis le début de l’année 2015 une politique monétaire très accommodante dont le but est de lutter contre les pressions déflationnistes en zone euro et de relancer l’activité économique. La BCE avait ainsi baissé ses taux d’intérêt directeurs à des niveaux proches de zéro, l’un deux étant même fixé en territoire négatif, et elle avait lancé en mars 2015 un vaste programme de rachat d’actifs financiers de 60 milliards d’euros mensuels. Lors de la réunion de décembre 2015, la BCE avait déjà décidé de prolonger ce programme de rachat d’actifs, dont l’échéance était initialement prévue pour septembre 2016, pour la reporter à mars 2017.
Compte tenu de la faiblesse de la croissance et des prix en zone euro, le conseil des gouverneurs a décidé de nouvelles mesures destinées à relancer l’activité et l’inflation. Ces nouvelles mesures concernent un accroissement de la taille du programme de rachat d’actifs (aussi dénommé « quantitative easing » ou « QE »), un abaissement des taux directeurs et une relance d’un programme spécifique de refinancement des banques européennes appelé TLTRO.
Accroissement de la taille du programme de rachats d’actifs financiers
Mario Draghi a annoncé qu’à partir du mois d’avril 2016, la BCE allait porter le montant de ses rachats mensuels de titres obligataires à 80 milliards d’euros, soit 20 milliards de plus qu’actuellement.
En outre, le conseil des gouverneurs a décidé d’élargir le champ de son programme aux titres obligataires émis par les entreprises non financières européennes bénéficiant de la meilleure notation des agences de rating à partir du deuxième semestre 2016, alors que jusqu’à présent, seules les obligations souveraines ou celles émises par les institutions européennes ou les banques multilatérales de développement y étaient éligibles.
Une nouvelle baisse des taux directeurs
En plus du renforcement de son programme de rachat d’actifs financiers, le conseil des gouverneurs de la BCE a décidé de baisser son principal taux directeur, le taux de refinancement auquel les banques commerciales peuvent obtenir des liquidités gagées sur des titres ou créances de bonne qualité, pour le porter à 0 contre 0,05 % depuis décembre 2014.
Par ailleurs, le taux de prêt marginal, qui est celui auquel la BCE prête aux banques en dehors du cadre de ses adjudications mensuelles, est également abaissé de 0,05 points de pourcentage à 0,25 % et le taux de dépôt, qui rémunère les liquidités que les banques commerciales déposent à la BCE, est réduit une nouvelle fois de 0,1 point de pourcentage à – 0,4 % par an. Mario Draghi a toutefois précisé que, concernant ce dernier taux, la BCE n’envisageait plus de le baisser à l’avenir.
Une relance du programme TLTRO
Enfin, le conseil des gouverneurs a décidé de relancer un nouveau programme « Targeted Longer Term Refinancing Operations » qui a pour objectif de de renforcer l’activité de prêts bancaires au secteur privé non financier de la zone euro via la fourniture aux banques de prêts à plus long terme que ceux octroyés selon les procédures habituelles de refinancement.
Le premier programme TLTRO, qui avait été initié en 2014, arrive à son terme en juin 2016. A compter du second semestre 2016, un nouveau TLTRO lui succèdera jusqu’en mars 2017. Les prêts que la BCE accordera aux banques européennes dans ce cadre le seront sur une période de 4 ans à un taux égal au taux de refinancement principal (0 % à partir d’avril 2016), avec éventuellement une réduction le portant au niveau du taux de prêt marginal (-0,4 %) en fonction du montant emprunté.
Interrogations sur l’efficacité de la politique d’assouplissement monétaire de la BCE
Face à la persistance d’une faible croissance et d’une inflation atone en zone euro, de nombreux économistes commencent à mettre en doute l’efficacité des mesures de politique monétaire non conventionnelles mises en œuvre depuis un an par la BCE. Ainsi par exemple, Patrick Artus alerte-t-il sur les risques d’une nouvelle crise financière directement liée, selon lui, aux flots de liquidités déversés depuis plusieurs années par les banques centrales.
A cela, Mario Draghi a répondu que la politique d’assouplissement monétaire décidée par le conseil des gouverneurs avait permis d’éviter que la zone euro n’enregistre une croissance plus faible et des taux d’inflation encore plus bas.
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy De Galhau, également membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a ainsi affirmé dans un entretien au journal « Le Figaro » le 10 février 2016 que, « selon les estimations convergentes de la BCE et des banques centrales nationales, grâce à ces mesures de politique monétaire non conventionnelle, le taux d’inflation aura augmenté de 0,5 % en 2016 et de 0,3 % en 2017 toutes choses égales par ailleurs ». Il a aussi ajouté « qu’en ce qui concerne la France, cela a contribué à accroître la croissance de 0,3 % en 2015, l’Insee ayant même une estimation un peu supérieure (0,4 %) ».