La loi permet de combler un vide juridique de plus d’un an
Depuis la loi 89-531 du 2 août 1989, la législation française prévoyait la possibilité du cumul de sanctions à l’encontre des auteurs d’abus de marché, lesquels recouvrent les délits d’initié, de diffusion de fausse information et de manipulation de cours :
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des sanctions pénales, relevant des juridictions pénales en vertu de l’article L 465-1 du code monétaire et financier
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et des sanctions administratives, prises par la commission des sanctions de l’AMF sur la base des articles 622 et 632 du même code monétaire et financier
Toutefois, saisi à l’occasion de questions prioritaires de constitutionnalité fin 2014 et début 2015, le Conseil Constitutionnel a modifié sa jurisprudence en la matière pour s’aligner sur la position de la Cour européenne des Droits de l’Homme qui s’était prononcée en mars 2014 sur le système italien de répression des abus de marché pour considérer que l’on ne pouvait poursuivre une personne deux fois pour les mêmes faits.
Ainsi, dans sa décision du 18 mars 2015, le Conseil Constitutionnel a invalidé le système français de répression des abus de marché, donnant au législateur jusqu’au 1er septembre 2016 pour se conformer à la conception stricte du principe « non bis in idem »C’est ce vide juridique que la loi adoptée par le Parlement le 8 juin 2016 vient combler. Elle permet également de mettre le droit français en conformité avec la Directive européenne du 16 avril 2014 sur les abus de marché que la France devait transposer avant le 1er juillet 2016.
La nouvelle législation renforce les peines encourues
S’inspirant d’un rapport d’un groupe de travail de l’AMF de mai 2015, la loi adoptée par le Parlement met fin au cumul des poursuites dans la répression des abus de marché et renforce de façon substantielle les peines d’emprisonnement encourues en cas de condamnation pénale.
La fin du cumul des poursuites
Dans le but d’éviter le cumul des poursuites sur le plan pénal et administratif, la loi du 8 juin 2016 prévoit l’extinction de l’action publique à partir du moment où l’AMF se saisit d’une affaire en notifiant ses griefs aux personnes incriminées.
La loi prévoit également une procédure de concertation obligatoire avec l’AMF dans le cas où le parquet envisagerait malgré tout d’engager des poursuites pénales et une procédure d’arbitrage en cas de désaccord. Il est ainsi prévu que le procureur général près la Cour d’appel de Paris devra être saisi du litige et que sa décision s’impose sans possibilité de recours.
Des peines pénales renforcées
La loi du 8 juin 2016 durcit les sanctions prévues dans le domaine des abus de marché afin notamment de se conformer aux sanctions minimales exigées par la Directive européenne du 16 avril 2014 qui impose une peine minimale de 4 ans de prison pour les auteurs de délits d’initiés et de manipulation de cours, alors qu’elle n’était que d’un ou deux ans maximum jusqu’à présent en France. Désormais, les délits d’abus de marché pourront donner lieu à des condamnations au pénal à 5 années d’emprisonnement au maximum.
Parallèlement, la loi du 8 juin 2016 confirme l’alourdissement des sanctions pécuniaires que l’AMF était déjà en droit d’infliger aux auteurs reconnus coupables d’abus de marché commis depuis le 24 octobre 2010 et qui avaient alors été portés à 100 millions d’euros, contre 10 millions d’euros en 2008 et 1,5 million d’euros en 2000.