En avril 2005 et en janvier 2006, La Banque Postale a commercialisé des fonds communs de placement (FCP) Progressio et Progressio 2006, investis en actions et en obligations, tout en garantissant le capital au bout de huit ans de détention. Ces fonds arrivaient à échéance les 16 janvier 2014 et 15 janvier 2015.
En 2011, la valeur de ces fonds a chuté, en conséquence de la crise de la dette en zone euro. A la fin de cette année-là, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a attiré l’attention de La Banque Postale sur l’évolution très défavorable de la valeur liquidative de ces FCP, qui ont connu une baisse de 15 % à 30 % par rapport à la valeur initiale de souscription.
Fin 2011, La Banque Postale s’était engagée à mettre en place une procédure spécifique d’information des clients demandant le rachat anticipé de leurs parts.
Pourtant, à partir de début 2012, plus de 500 clients ont souhaité sortir du fonds avant l’échéance, enregistrant des pertes totales supérieures à 500 000 euros. Selon les termes de l’AMF, les porteurs de parts étaient exposés à une perte certaine en cas de rachat par anticipation.
Suite à une mission de contrôle menée par l’AMF en 2014, portant sur le respect par La Banque Postale de ses obligations professionnelles dans le cadre de la gestion de ces demandes de rachat, trois griefs ont été retenus à l’encontre de l’établissement :
-
l’insuffisance des informations communiquées lors des demandes de rachat anticipé,
-
le caractère inapproprié du conseil délivré,
-
le manquement à l’obligation de conserver des enregistrements du service fourni.
Une insuffisance d’information et un conseil inapproprié
La commission des sanctions de l’AMF rappelle dans ses considérants que les clients des fonds Progressio et Progressio 2006 étaient des personnes physiques sans compétence particulière en matière d’investissement et ne souhaitaient pas prendre un risque de perte en capital.
Dans plus de la moitié des dossiers contrôlés, l’AMF retient que les clients « n’avaient pas été avertis du fait que la cession prématurée des parts emportait la perte du bénéfice de la garantie ni du caractère certain de la perte en capital compte tenu de la forte décote des valeurs liquidatives des fonds ni de l‘évaluation du montant de cette perte ».
Les informations communiquées ne permettaient pas aux clients de prendre leur décision de cession anticipée des parts en connaissance de cause. Pour la commission des sanctions de l’AMF, La Banque Postale n’a pas agi de manière à servir au mieux l’intérêt de ses clients.
Et les recommandations de cession de parts faites par les conseillers de La Banque Postale constituaient des conseils inappropriés au regard de la situation des clients.
La procédure de sanction de l’AMF
L’AMF est composée d’un Collège et d’une Commission des sanctions. Le Collège dispose de pouvoirs de contrôles et d’enquêtes. En cas de manquement à la réglementation financière, de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement des marchés, le Collège peut transmettre les griefs à la Commission des sanctions. Parallèlement, il les notifie à la personne mise en cause. La Commission des sanctions, composée de 12 membres, statue sur les griefs qui lui sont transmis par le Collège de l’AMF. Elle peut prononcer des sanctions à l’égard des personnes, morales ou physiques, dont les pratiques ont été contraires aux lois et règlements régissant la proposition d’instruments financiers au public et le fonctionnement des marchés financiers, et de nature à porter atteinte à la protection des investisseurs ou au bon fonctionnement du marché. La procédure de sanction est contradictoire. L’audience auprès de la Commission des sanctions donne lieu à un débat entre la ou les personnes mises en cause et les autres participants à l’audience.
Une sanction d’1,5 million d’euros
Malgré le fait qu’aucun des clients ayant procédé au rachat anticipé des parts des fonds Progressio et Progressio 2006 n’ait effectué de réclamation, La Banque Postale est sanctionnée par l’AMF pour des « manquements d’une particulière gravité », qui témoignent d’une incapacité de l’établissement bancaire à assurer le respect de l’intérêt de ses clients.
Le Collège de l’AMF, instance en charge des poursuites, avait requis un million d’euros d’amende contre La Banque Postale. La Commission des sanctions a prononcé une peine plus lourde, de 1,5 million d’euros.
Aggravation des sanctions de l’AMF par les juridictions d’appel
Les décisions de la commission des sanctions de l’AMF peuvent faire l’objet de recours, soit par les parties sanctionnées, soit par le président de l’AMF, à titre principal ou à titre incident lorsqu’une autre partie a engagé un recours. Les recours relèvent de la compétence du Conseil d’Etat lorsque la décision concerne un professionnel soumis au contrôle de l’AMF. Dans les autres cas, c’est la Cour d’appel qui est compétente.
Depuis quelques années, les juges d’appel ont été, dans certaines affaires, plus sévères que la commission des sanctions de l’AMF, en aggravant les sanctions prononcées. Ainsi le Conseil d’Etat, le 6 avril 2016, a porté de 400 000 à 600 000 euros la sanction pécuniaire prononcée dans une affaire d’information privilégiée. Il a retenu la « particulière gravité, en méconnaissance d’une obligation essentielle pour l’intégrité et la sécurité des marchés financiers ».