La dernière fois que le pétrole a atteint 60 $, le baril était en train d’être emporté dans une chute qui ne devait se terminer qu’à 27 $. Les banques américaines, qui avaient massivement prêté aux compagnies pétrolières pour investir dans l’eldorado du gaz et du pétrole de schiste, se retrouvaient à nouveau à la tête de crédits assortis de risques d’impayés grandissants. Encore traumatisées par la crise de 2008 et le risque d’implosion du système bancaire, les bourses mondiales avaient même commencé à se retourner à la baisse.
L’Arabie Saoudite est à la manœuvre pour faire remonter les prix
Cette chute, c’est l’Arabie Saoudite qui l’avait désirée. Fatigué de perdre des parts de marché contre ces nouveaux venus, le royaume saoudien décidait d’ouvrir les vannes pour noyer cette concurrence indisciplinée.
L’Arabie Saoudite travaille maintenant depuis près d’un an à faire remonter les prix. D’abord avec l’annonce inédite d’une réduction de la production de l’OPEP conjointe avec celle de la Russie à l’occasion de l’accord de Vienne du 30 novembre 2016. Du jamais vu. Un an plus tard, alors que la croissance mondiale reprend enfin de la vigueur et que la production américaine de pétrole s’essouffle, le marché est en cours de rééquilibrage.
Récemment, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) a prévu que 2018 sera une année équilibrée entre l’offre est la demande avant que le surplus de stocks poursuive sa décrue en 2019. Dans son rapport, elle anticipe une production qui reste stable au sein des pays de l’OPEP. La réunion de l’organisation le 30 novembre 2017 est donc cruciale pour permettre au rééquilibrage du marché de se poursuivre.
Or, l’Arabie Saoudite, par les déclarations du prince Mohammed ben Salmane, s’est dit prête à renouveler l’accord de Vienne qui court jusqu’au printemps 2018. De son côté, la Russie se dit également ouverte à son prolongement. Les deux pays sont très dépendants des ressources pétrolières, et il leur est préférable de perdre quelques volumes de vente s’ils sont compensés par des prix plus élevés.
De plus, l’Arabie Saoudite a une raison supplémentaire de voir les prix remonter : elle veut introduire en bourse 5 % du capital de sa compagnie nationale, Saudi Aramco, qui est à la fois le plus gros producteur mondial de pétrole et le propriétaire des plus larges réserves d’hydrocarbures.
C’est pour ces raisons que le baril de Brent est repassé au-dessus de la barre symbolique des 60 $ la semaine dernière. Les intervenants sur les marchés ont désormais la conviction que l’Arabie Saoudite souhaite voir le baril se maintenir à des prix plus élevés, et il ne sert à rien d’aller parier contre sa volonté.
Quel impact sur mes dépenses quotidiennes ?
C’est évidemment une mauvaise nouvelle pour le pouvoir d’achat des ménages occidentaux qui avaient profité de la baisse des prix du baril ces deux dernières années. L’INSEE relevait déjà fin septembre que le prix de l’essence était en progression de 24,1 % et de 19,5 % pour le gazole.
Le prix du pétrole n’impacte pas seulement les produits pétroliers. Cette hausse se diffuse aussi au marché du gaz naturel dont de nombreux contrats d’approvisionnement comprennent des tarifs indexés pour partie sur l’évolution du baril.
Ces évolutions sont atténuées par une fiscalité qui représente toujours une part importante des tarifs pour le consommateur final, mais aussi par les coûts d’acheminement et de stockage qui eux restent stables. Pour autant, toujours selon l’INSEE, le poste énergie (8 % de la consommation des ménages) est celui qui connait actuellement la plus forte inflation dans le panier des ménages à la fin du mois de septembre, en progression de 5,1 %.
Que faire pour éviter cette perte de pouvoir d’achat ? Pas d’autre choix que de modifier ses habitudes de consommation : rouler moins vite, privilégier le co-voiturage et les transports en commun, améliorer l’isolation de son habitat et moderniser ses équipements avec des produits moins énergivores.
Il y a donc une bonne nouvelle dans cette hausse du prix de l’énergie : elle vient sensibiliser concrètement le consommateur à la problématique du réchauffement climatique et rendre plus compétitives les énergies renouvelables.