La rationalité limitée des agents économiques
La théorie économique traditionnelle postule la rationalité parfaite des agents économiques. Cependant, cette approche a été vivement critiquée du fait de multiples bulles, krachs et divers comportements difficilement justifiables du point de vue de la stricte rationalité économique.
Une branche entière de l’économie s’est développée à mi-chemin entre la psychologie et l’économie appelée économie comportementale. Elle étudie les comportements, les biais cognitifs ou les actions qui pourraient sembler contre-intuitifs ou peu rationnels.
L’économie comportementale a gagné ses lettres de noblesse. En effet, plusieurs économistes appartenant à ce courant (ou qui en sont proches) se sont vu décerner le « prix Nobel » d’économie, comme Daniel Kahneman et Vernon Smith (2002), Robert Shiller (2014) et Richard Thaler (2017).
L’apport de Tristan Roger
Les travaux qui valent aujourd’hui à Tristan Roger le prix du jeune chercheur de l’AMF portent principalement sur le comportement moutonnier des investisseurs individuels. Sa principale étude, intitulée (What drives the herding behavior of individual investors ?), co-réalisée avec Maxime Merli, porte sur 87 373 investisseurs français dont le comportement a été étudié entre 1996 et 2006.
Le comportement moutonnier caractérise le fait de suivre l’action des autres agents pour prendre des décisions. Ce comportement peut être considéré comme irrationnel, puisqu’il implique de copier aveuglement des décisions prises par d’autres. Cependant, il peut être rationnel d’adopter un comportement moutonnier. En effet, cela permet de profiter d’informations révélées par d’autres agents. De plus, des mouvements massifs peuvent entraîner de fortes variations sur les marchés, ce qui peut rendre pertinent de suivre la tendance. John Maynard Keynes avait coutume de dire que, en finance, il vaut mieux avoir tort avec tout le monde que raison tout seul.
Les résultats de cette étude montrent que les investisseurs individuels français sont sujets aux comportements moutonniers. Plus précisément, les hommes sont plus susceptibles d’adopter un comportement moutonnier que les femmes. Les investisseurs plus spécialisés (ceux qui utilisent par exemple des produits dérivés) adoptent des comportements moins moutonniers que les investisseurs peu spécialisés. Enfin, les investisseurs qui ont eu de mauvaises performances par le passé sont plus susceptibles de « suivre le troupeau ».