Le rapport d’experts, présidé par Gilbert Cette, qui recommande chaque année de donner ou non un « coup de pouce » à la revalorisation automatique du SMIC fait cette année polémique. Celui-ci a été remis au 1er ministre en vue de la préparation de la réunion du 18 décembre de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC). C’est elle qui, après avoir pris connaissance de ce rapport d’experts, préconise au Ministère du Travail la fixation du SMIC.
Le mode d’indexation du SMIC alimente sa hausse
Or, cette année, si ce rapport écarte sans surprise de donner un « coup de pouce » à la revalorisation du SMIC, il va plus loin en réclamant une réforme qui pourrait même déboucher sur la suppression pure et simple du SMIC.
Le Smic est revalorisé tous les ans au 1er janvier en application d’une formule qui tient compte de la hausse des prix à la consommation, hors tabac (c’est-à-dire du niveau d’inflation sur un an), du panier moyen des 20 % des ménages aux plus faibles revenus, et de 50% de l’évolution du pouvoir d’achat du salaire horaire moyen d’un ouvrier et d’un employé.
Si ce rapport écarte les idées de régionaliser le SMIC ou de le moduler selon l’âge, il avance la nécessité de mettre fin à certains effets négatifs de sa revalorisation automatique. En effet, celle-ci alimente la hausse de la moyenne des bas salaires. Or, ceux-ci sont justement pris en compte dans la formule de revalorisation du SMIC, entretenant alors automatiquement sa progression.
Cette hausse auto-entretenue viendrait alourdir le coût du travail et peser sur la compétitivité-prix des industriels français. Elle viendrait freiner la croissance et limiter la création d’emplois empêchant le chômage et la pauvreté de régresser. Cette logique libérale est d’autant plus pertinente aujourd’hui que les économies nationales sont ouvertes et en concurrence entre elles. D’un autre côté, les effets bénéfiques d’une fiche de paie élevée sur la croissance se trouvent atténués par la consommation de produits importés.
Si la montée en gamme des produits français permettrait de palier à ces contraintes, en augmentant la compétitivité-produits du « Made in France » et le rendre ainsi moins sensible aux prix au moment de la décision d’achat des consommateurs, ce mouvement structurel demande du temps.
Différencier le salaire des autres modes de rémunération
L’idée serait donc de s’appuyer davantage sur une évaluation des ressources globales du salarié pour combattre la pauvreté. La politique de redistribution des richesses viendrait alors compléter un salaire minimum qui constituerait davantage le socle d’une rémunération plus large. C’est déjà le cas aujourd’hui avec la prime d’activité, par exemple. C’est aussi la réflexion du gouvernement lorsqu’il souhaite généraliser l’intéressement et la participation afin de venir compléter la rémunération de base des salariés.
En dissociant ainsi le salaire, qui entre dans le coût de production des produits, et une rémunération intégrant des avantages issus de politiques redistributives (bénéfices des entreprises, prestations sociales), la compétitivité se trouverait alors préservée sans que cela se fasse au prix d’une plus grande paupérisation.
Bien que le gouvernement se soit rapidement déclaré « attaché » à une progression automatique du SMIC, il est probable que la formule permettant son calcul évolue dans le sens de cette réflexion au cours des prochaines années.
Cependant, un tel système pose aussi des questions sociétales sur la reconnaissance du travail d’un salarié. Avec une rémunération issue directement de son activité qui diminuerait, aurait-il alors le sentiment de perdre en autonomie et de devenir assisté? Et les actionnaires ou les ménages les plus aisés, au dépend desquels se ferait cette redistribution, accepteraient-ils d’en supporter le coût ou préféreront-ils s’installer à l’étranger ? Autant de questions sur la fonction du travail dans la société que nous retrouvons déjà dans le débat sur le revenu universel.