Les racines de la contestation
Les revendications des manifestations qui ont secoué l’Iran ces dernières semaines sont multiples. Une partie de la population revendique une plus grande liberté politique dans un pays dont le pouvoir est encore verrouillé par les dirigeants politiques et religieux. L’implication militaire dans les pays voisins, par exemple en Syrie (en soutien à Bachar el-Assad et contre Daech) est critiquée pour son coût élevé.
Mais la contestation porte surtout sur des revendications économiques. C’est notamment le doublement du prix des œufs (suite à des épidémies qui ont décimé les élevages de volaille) qui est devenu le cri de ralliement de nombreux manifestants. Plus généralement, l’inflation, le chômage et les inégalités sont les principales causes du mécontentement populaire.
Une économie en croissance
En juillet 2015, un accord sur le nucléaire entre l’Iran et les pays du « P 5+1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne) a été trouvé. L’Iran s’engage à ne pas poursuivre le développement d’armes atomiques, en échange de quoi la plupart des sanctions économiques internationales sont levées.
A la suite de cet accord, l’économie iranienne, qui avait connu plusieurs années de récession, affiche une croissance de 12,5 % en 2016 et de 3,5 % en 2017. Ce rebond est en partie tiré par la reprise des exportations de pétrole, en 2015 les exportations totales du pays bondissent de 47 %.
L’Iran possède les quatrièmes réserves de pétrole au monde. A ce titre les évènements en Iran ont un impact significatif sur le marché pétrolier mondial. Par exemple, le second choc pétrolier de 1979 est lié à la Révolution Islamique en Iran. Plus récemment, la forte baisse des prix du pétrole à l’automne 2014 est en grande partie due à l’accord sur le nucléaire iranien qui permettait au pays d’exporter à nouveau son pétrole.
Dans le même temps, l’inflation, qui dépassait 30 % en 2012 et 2013 est redescendue autour de 10%. En effet, l’ouverture au commerce a permis de réduire les pénuries qui poussaient les prix à la hausse. Dans le même temps, le compte courant est excédentaire et le déficit public relativement faible (2,1 % du PIB en 2017).
Une croissance économique trop faible et inégalement répartie
Hassan Rohani avait été élu président en 2013 avec la promesse de revitaliser l’économie, une promesse jusqu’ici tenue dans l’ensemble.
Cependant, la croissance économique de l’Iran repose principalement sur la reprise du secteur pétrolier et a peu d’impacts positifs directs pour la majorité de la population. Le chômage, à 12,5 % de la population active, est élevé et en augmentation (cette statistique officielle est accusée de minimiser délibérément le problème). Du fait du nombre élevé de jeunes et de la forte croissance démographique, il faudrait une croissance d’environ 6 % par an pour absorber les nouveaux entrants sur le marché du travail.
De plus, si l’inflation a été réduite, elle se maintient autour de 10 %. Les produits alimentaires connaissent eux une hausse de prix plus rapides.
Les mesures d’austérité du président Rohani ont également été très impopulaires, comme la baisse des subventions sur l’essence. D’autant plus que, dans le même temps, le budget se montrait favorables à l’égard d’organisations conservatrices religieuses, qui contrôlent déjà une part importante de l’économie et bénéficient d’avantages fiscaux. Le fossé entre la situation d’une élite politique et religieuse qui profite de la croissance et la situation difficile de la majorité de la population a été une des causes importantes de la contestation.
A moyen terme, l’Iran bénéficie de grandes opportunités de croissance grâce à une population éduquée, une base industrielle et une large population (82 millions d’habitants) qui pourrait attirer les investisseurs étrangers. Mais, pour connaître un développement économique durable, le pays devra normaliser ses relations internationales et améliorer le fonctionnement de son économie, notamment en luttant contre la corruption et les monopoles dont jouit l’élite politique et religieuse.