Les causes de la contestation
Depuis la chute de Ben Ali en janvier 2011, les progrès politiques ont été importants. En effet, la Tunisie a globalement réussi sa transition vers la démocratie alors que d’autres pays, qui avaient connu des vagues de protestations lors du « printemps arabe » ont sombré dans la violence (Libye, Syrie).
Cependant, sur le plan économique, les résultats ont été plus décevants. La croissance économique a été faible depuis 2011 et le chômage, quoiqu’ayant légèrement baissé, reste élevé autour de 15 %.
La loi de finance 2018, entrée en vigueur au premier janvier, a attisé le mécontentement populaire. En effet, pour tenter de faire face à un déficit public élevé, le gouvernement mène une politique d’austérité (hausse des impôts et baisse des subventions) qui pèse sur le pouvoir d’achat de la population. Couplées à une inflation élevée (les produits alimentaires étant ceux qui affichent les plus fortes hausses de prix) et à un chômage des jeunes proche de 30 %, ces mesures d’austérité ont été vivement dénoncées par les manifestants.
Une situation économique délicate
Le gouvernent tunisien doit gérer une situation délicate. D’une part, le chômage élevé et la faible croissance incitent à augmenter les dépenses publiques pour stimuler l’activité économique et l’emploi. Mais, dans le même temps, les finances publiques sont très dégradées, avec un déficit public atteignant 5,8 % du PIB en 2017 et une dette publique qui va dépasser 70 % du PIB en 2018.
De plus, le pays présente un fort déficit courant de 8,7 % du PIB, ce qui signifie que le pays importe beaucoup plus qu’il n’exporte. De ce fait, le dinar tunisien se déprécie constamment face à l’euro et au dollar (puisque la Tunisie achète plus de devises étrangères qu’elle n’en reçoit de ses exportations). La dépréciation de la monnaie conduit à une hausse du prix des importations, ce qui attise l’inflation. Un autre problème est que la dépréciation aggrave les problèmes d’endettement public.
Les deux-tiers de la dette publique tunisienne sont libellés en monnaie étrangère. De ce fait, lorsque le dollar tunisien se déprécie, la charge de la dette augmente. Ce problème, appelé par l’économiste américain Barry Eichengreen le « péché originel », est commun à de nombreux pays en développement dont le système financier n’est pas assez développé pour qu’ils puissent emprunter dans leur propre monnaie à des taux raisonnablement bas.
Le gouvernement tunisien n’a guère d’autre choix que d’emprunter massivement auprès d’organisations multilatérales comme le Fonds Monétaire International. Cependant, ces bailleurs de fonds demandent au gouvernement des mesures permettant de limiter leur déficit public, comme des hausses d’impôts, qui attisent le mécontentement populaire.
Avec une amélioration du secteur touristique et de la production agricole, la croissance tunisienne devrait légèrement s’améliorer en 2018 (3 % selon les prévisions du FMI). Cependant, l’économie souffre toujours de la corruption, d’une faible productivité et d’une base industrielle limitée qui limite la capacité du pays à exporter et à faire durablement baisser le chômage. Résoudre ces problèmes de fond nécessitera des réformes profondes, qui peuvent s’avérer impopulaires à court terme et qui ne porteront leurs fruits qu’au bout de plusieurs années.